identité bretonne

Notre identité bretonne est-elle encore autorisée par l’état central ?

de Thierry GUERIN
Publié le Dernière mise à jour le

L’identité est un problème.

Et cela l’est toujours un peu pour tout le monde. Qu’elle nous ait été transmise en partie ou totalement, c’est toujours un costume qui doit nous être réajusté, réapproprié. Avant, quand nous étions tous encore dans une société traditionnelle, qui donnaient aux Bretons, aux Alsaciens, etc.. des signes distincts, physiques, il était facile de savoir qui était qui.

Aujourd’hui, à l’heure de l’uniformisation, de la globalisation, de la mondialisation, tout peut paraître plus mélangé, ou plutôt rapporté à une seule image de l’homme moderne, qui s’habillerait en jeans, ou en costume cravate, qui boirait du coca, etc. Et nous retrouverions cet archétype de Londres à Johannesburg et de Los Angeles à Tokyo. Aujourd’hui, certains s’attribueraient volontiers une identité qui n’est pas la leur, ou feraient un savant mélange de choses bien différentes.

Mais à l’heure où nous nous interrogeons sur la manière par laquelle l’homme a abusé de la nature et du vivant, ne serait-il pas également temps d’interroger sur la manière par laquelle l’homme a aussi changé au nom du profil la culture comme un produit pouvant causer du profil?

Une langue ne vit que si on la parle.

Ne serait-il pas temps de parler breton et gallo?
Mais au-delà de cela, puisque notre culture va au-delà du champ linguistique, ne devrions-nous pas nous réapproprier nos meubles d’antan, nos coutumes et vêtements? Nous avons nos producteurs, nos artisans.

Au delà de la philosophie actuelle qui nous conduirait à chercher le local, ne devrions-nous pas non plus rechercher l’authentique, ce qui nous ressemblerait vraiment? Sans plus avoir de honte d’être ce que nous sommes. Notre regard sur les choses serait pourtant encore enchaîné à des échelles de valeurs normatives parfaitement construites par l’industrie et le commerce et qui déciderait que ce qui serait anglo-saxons serait mieux?

En quoi cela serait-il plus «in» de porter un tee-shirt avec l’inscription de mots américains que des mots bretons?

Pourquoi devrions-nous disposer de vaisselles «maison du monde» ou «ikea» lorsque nous avons Henriot et Saint Jean de Bretagne et d’autres encore? Les phénomènes de mode ne sont là que pour permettre une production, pour excuser un renouvellement. Pourquoi devrions-nous fêter Halloween, et même la Saint Sylvestre alors que nous avons le Heven (ou le Samhain pour les Irlandais) qui marque le nouvel an celtique?

Nous répétons de fausses traditions fabriquées de toutes pièces pour des raisons mercantiles. Noël qui approche en sera un merveilleux exemple. J’espère que tout à chacun n’oubliera surtout pas de perpétuer la tradition des contes de Bretagne. Et pourquoi devrions-nous attribuer des prénoms anglo-saxons voire français alors que nous avons les nôtres? Mais je ne voudrais pas ici raviver la polémique autour de Fañch.

Redécouvrons nos fontaines…

… Traces anciens du culte de l’eau dans toute la Bretagne, redécouvrons nos menhirs, nos arbres remarquables que l’on célébrait en fonction de leurs légendes. Nous avons ainsi en Bretagne, des lieux uniques de poésies et de philosophies. Redécouvrons nos chapelles, l’art religieux breton unique en Europe. Tout cela n’est pas du folklore, c’est une culture. N’abandonnons pas notre cuisine, notre lait ribot, nos krampouezh, et que les crêperies bretonnes ne craignent plus de se nommer «restaurants bretons». Seule la domination nous l’interdit encore, une domination que nous avons intégré dans nos esprits. Resterait-il un sentiment d’infériorité?

Notre culture serait à reprendre dans tous ses aspects et cela passe aussi par des actes du quotidien.

Notre culture doit se voir partout, et même si nous avons été francisé, elle doit être une évidence. D’ailleurs, j’aimerais savoir s’il existe aujourd’hui dans l’arsenal des lois, un moyen juridique de rebretonniser son nom de famille. Si quelqu’un peut me répondre.

Nous devons encore prendre conscience de sa richesse pour la refléter ardemment aux yeux de tous les autres. Il ne serait ici pas question d’en faire un sanctuaire fermé et intolérant ni même une chose sainte supérieure à toutes les autres. Non. Sans en venir à cela, il s’agirait uniquement de briser le pied qui l’étouffe, et parfois grâce à notre inertie et qui empêche que cette culture puisse figurer dans des livres d’histoire afin de démontrer ce qu’elle a pu apporter à l’humanité. A cet endroit, je vous avouerais ne pas comprendre comment une république des droits de l’homme peut encore se satisfaire d’un ordre du monde établi non par la reconnaissance de ce que peut être chaque humains mais à partir de la domination de cultures secondaires.

Cela est vrai partout.

Les États-Unis ont écrasé les Amérindiens en oubliant pendant longtemps que les Iroquois ont inspiré leurs constitutions et qu’ils ont engendré un génocide. Les Australiens ont pour leur part, voulu nier la présence même des Aborigènes en se montrant tout aussi destructeurs tandis que la France a distribué à toutes ses colonies que chacun était descendant des gaulois(!!) et ne céda leurs indépendances que dans le sang.

En oubliant aussi de rappeler qu’avant sa constitution, la constitution corse de Paoli avait été écrite en 1755 et qu’elle fut, elle et non pas la française, la première constitution démocratique. Beaucoup de puissances ne seraient rien si elles n’avaient pas pu s’appuyer sur leurs cultures secondaires. Il est étrange d’ailleurs, de constater de quelle façon, parler d’ethnie en évoquant les Bretons pourraient passer comme saugrenu alors que Wikipédia le présente ainsi et que cela ne nous dérange pas d’entendre parler d’ethnies pour l’Afrique mais aussi pour la Russie.
Alors?

Vouloir reprendre des éléments passés de ce que nous étions conduirait certains à trouver ce mouvement comme artificiel.

S’ils devaient voir les Bretons s’affirmer comme jamais ils ne l’ont fait, ils diraient donc que cela ne correspond à rien. Sauf aux désirs de quelques uns qui voudraient être donc plus royalistes que le roi, plus bretons que les anciens. Et pourtant il n’en serait rien. Ce ne serait qu’une tentative pour récupérer ce que dans l’Histoire, l’état français ne nous a pas autorisé à être. Ce serait une manière de ne pas être un objet que l’on façonne dans ses goûts et dans son être. Mais juste le fruit d’une culture que les Anciens ont répercutés jusqu’à ce jour et qu’il paraîtrait impensable d’oublier.

Deux mouvements seraient à penser …

Celui de chacun d’entre nous en réapprenant à être ce qui nous a été permis d’être. Et celui des démocraties du monde qui considèrent encore qu’il est de bon ton de continuer à nier les existences des ethnies qui les composent, comme il fut de bon ton de les écraser par les armes.

Les Bretons, les Amérindiens, les Aborigènes auraient ainsi la même vaillance ; savoir être ce qu’ils sont, à savoir les héritiers de cultures qui avaient pour valeurs la tolérance vis à vis des autres, le respect de la nature. Tout cela savait bien que même si les pieds sont enchaînés, le cœur reste libre jusqu’à son dernier souffle.
Tant que les Bretons danseront collectivement, chanteront ensemble (Kan ha diskan), célébreront ensemble (pardons et même les fêtes locales d’avant), nous resterons Bretons.

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1 commentaire

Yann-Kritof 9 novembre 2021 - 10h20

Le constast est interessant.

Pour refaire vivre les fêtes, la langue, les traditions, il faut rendre ces éléments utiles, valorisants pour soi et pour les autres…

Or sur Halloween/Samain, peu de personnes cherchent à se souvenir/retrouver comment cette fête était celébrée par nos grands-parents, il y a simplement 2 génerations, pire on va même jusqu’à nier que nos grands-parents la célébraient parce que ce n’était plus partout en Bretagne…

Déjà, on se bat sur le nom à donner à cette fête…

En clair, tant que Paris ne fera pas un reportage TV sur la Samain en Bretagne du temps de nos grands-parents, cela n’interessera personne, même au sein du mouvement breton… C’est pathetique…

Mais on peu aussi aborder la question sous un autre angle, par exemple le fameux « féminisme »…

Le mouvement breton ayant basculé à gauche depuis 50 ans, parfois avec une forte tendance à vivre de manière quasi-religieuse l’autosatisfaction extrême d’appartenir au « camp du bien » (ce que l’on nomme « wokisme » de nos jours), tout le monde se déclare « féministe en lutte contre le patriarcat »…

Sauf que erreur dans le logiciel, la société bretonne n’a jamais été patriarcale… et les femmes ont toujours eu une complémentarité à égalité avec les hommes.

Du coup, comment être « militant breton féministe en lutte contre le patriarcat dans une société qui ne l’a jamais été… » ?

Ben, c’est très simple, il suffit d’ignorer/effacer la réalité de la société traditionnelle bretonne et la noyer dans une représentation souvent exagérée/réécrite de la societé occidentale… Et de contester, voir de moquer, tous ceux qui voudraient rétablir la véritée traditionnelle…

On le voit, nous n’avons besoin de Paris pour détruire notre identité…

Paris fait certes un superbe travail de destruction, mais tant que nous ne saurons pas trouver de la valeur dans notre identité, nous serons les auxiliaires zélés de cette destruction…

Une grande parti de la solution vient de nous….

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