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Apprendre le breton en presqu’île guérandaise : un défi à relever
La presqu’île guérandaise, appelée aussi pays de Guérande / Gwenrann / Gwerrann, est historiquement le « pays » délimité par l’Océan Atlantique à l’ouest, la Vilaine au nord, le Sillon de Bretagne à l’est et la Loire au sud.
Du fait de la division administrative récente en intercommunalités, on a maintenant tendance à la réduire à la zone située à l’ouest de la Brière, en gros le territoire géré par l’intercommunalité Cap-Atlantique.
C’est une terre bretonne depuis au moins 1200 ans, depuis l’époque de Nominoë donc, peut-être même beaucoup plus tôt (depuis Waroc’h au VIème siècle ?).
Tout ici est breton …
Les paysages, la terre qui rencontre la mer, les côtes, les chemins creux et les petits murets, les constructions traditionnelles, le patrimoine bâti et non-bâti, les églises, les croix de granit, la faune et la flore endémiques, les noms de lieux, les noms de familles, les activités traditionnelles, l’imaginaire populaire, les contes locaux, les chansons en breton du Bourg-de-Batz, les auto-collants « Bretagne Breizh 44 » sur les voitures…
Le breton a été parlé durant le Moyen-Âge sur une très grande partie de la Bretagne historique, puis a reflué vers l’ouest devant la progression du français
Il a été parlé en presqu’île jusque dans les années 1850 du côté d’Assérac / Azereg et de Mesquer / Mesker, et encore beaucoup plus tard au Bourg-de-Batz / Bourc’h Batz. (On fait bien sûr abstraction du cas particulier du Croisic / Ar Groazig, où l’on a pu entendre des pêcheurs bretonnants originaires du Guilvinec / Ar Gelveneg et de Douarnenez jusque dans les années 1980.)
«Les derniers locuteurs du Bourg-de-Batz qui [l’ont parlé] dans leur enfance se sont éteints dans les décennies 1940-60 et à l’extrême fin du XXe siècle pour les personnes qui en avaient une connaissance fragmentaire pour en avoir appris des bribes auprès des anciens » a écrit Gildas Buron, conservateur du Musée des marais salants à Batz-sur-Mer / Bourc’h Baz, dans l’exposition La langue bretonne au pays de Guérande / Gwenrann. Il a beaucoup étudié le breton local, et collecté les témoignages des tout derniers locuteurs (au moins partiels) et de leurs descendants.
Le breton parlé ici était cousin du vannetais, mâtiné de mots empruntés au gallo et au français.
Car nous sommes en effet dans une zone de rencontre entre les trois langues.
Certains ont parlé de lui comme d’un possible cinquième dialecte breton désormais disparu.
Théodore Hersart de la Villemarqué, dans son célèbre Barzaz Breiz paru au milieu du XIXème siècle, a retranscrit une chanson en breton collectée au bourg de Batz. L’auteur (et armateur) Léon Bureau a écrit à la fin du XIXème siècle un dictionnaire breton batzien / français, malheureusement disparu mais partiellement repris et édité par Émile Ernault plus tard.
Si la langue bretonne a pu se maintenir aussi longtemps dans les communes citées, c’est sans doute grâce aux paludiers qui, pour pouvoir commercer avec la Bretagne nord, avaient gardé leur parler breton.
Certains esprits, pas forcément bien intentionnés, vont alors nous dire : « Oui mais tout ça c’est du passé ».
Eh bien… pas du tout, qu’on en juge.
Selon le sondage TMO Régions effectué en 2018 auprès de plus de 8000 personnes pour le Conseil régional de Bretagne administrative, et les estimations de l’Office Publique de la Langue Bretonne, le nombre de locuteurs bretons sur les cinq départements de la Bretagne historique avoisinait alors 220000. Dont plus de 4800 en Loire-Atlantique, 1350 pour la presqu’île guérandaise et la Brière. Ce qui, on en conviendra, n’est pas tout-à-fait rien.
1 % de locuteurs donc en presqu’île guérandaise, plus qu’en sud-Loire, à Chateaubriant / Kastell Briant, à Ancenis / Ankiniz ou à Vitré / Gwitreg, autant que dans le pays de Vannes / Gwened, de Ploërmel / Ploermael, de Brocéliande / Brekilien, de Fougères / Felger et de Dinan !
Mais alors, ces locuteurs, où ont-ils pu apprendre à parler breton ?
À la maison c’est maintenant plutôt rare.
Mais à l’école, ya ‘vat !
En ce qui concerne la scolarité des enfants, elle peut s’effectuer en école Diwan ou en classe bilingue d’école publique.
Ainsi on recense :
– une école Diwan (maternelle et primaire) à Gwenrann – www.diwan-gwenrann.org
– une autre à Saint-Nazaire / Sant Nazer (maternelle et primaire) – www.diwan-sant-nazer.bzh
– une autre à Prinquiau / Prevenkel (auparavant à Savenay / Savenneg) – www.diwan.bzh/fr/etablissements/skol-diwan-savenneg
– une classe bilingue à l’école Gambetta de Saint-Nazaire / Sant Nazer
– une classe bilingue à l’école Andrée Chedid de Blain / Blaen.
– On sort de la presqu’île mais on reste pas loin en signalant l’ouverture d’une classe bilingue à l’école Paul-Fort de Saint-Brévin-les-Pins / Sant Brewenn en septembre 2023. Une première en pays de Retz !)
Pour les adultes, plusieurs possibilités de cours du soir existent, ceci dans un cadre associatif :
– à Guérande / Gwenrann avec l’association Skol al Louarn (« l’école du renard » c’est-à-dire l’école
buissonnière) – www.skolallouarn.org – www.facebook.com/skol.al.louarn.guerande/
– à La Turballe / An Turball avec les AVF – avf.asso.fr/la-turballe-piriac
– à La Baule / Ar Baol avec le cercle celtique Ar Vro Wenn War Raok – cercleceltiquelabaule.bzh
– à Saint-Nazaire / Sant Nazer avec le comité de soutien Skol Diwan Sant-Nazer – www.diwan-
sant-nazer.bzh/skoazell
– à Saint-Joachim / Sant Yoasin avec l’Association Culturelle de Saint-Joachim – www.acb44.bzh/index.php/cours/langues-de-bretagne/associations/90-saint-joachim
De même récemment l’association nantaise Kentelioù an Noz
https://www.facebook.com/BretonNantes/ a organisé un week-end de stage de breton tous niveaux à Mesker
Apprendre le breton en presqu’île guérandaise est vraiment un défi à relever !
Comme on le voit, son apprentissage est possible ici à tout niveau et à tout âge.
Notons que le breton enseigné en Presqu’île, comme un peu partout en Bretagne et ailleurs, est le breton unifié, le peurunvan.
Si l’on souhaite cependant avoir une idée du breton local, citons l’ouvrage d’Yves Mathelier Le breton parlé dans le pays guérandais Ar gwenranneg mémoire d’une amnésie paru en 2016 chez Yoran Embanner.
Hep brezhoneg, Breizh ebet
Tud an Argoad ha tud an Arvor
Tud diwar ar maezh ha tud ar c’herioù bras
Tud Breizh izel ha tud an Naoned
Diwallit’ta mar plij, diwallit’ ta :
Hep Brezhoneg, Breizh ebet
Hep Brezhoneg
Arrabat komz diwar benn Breizh
Traduction en langue française
Gens des terres et gens des côtes
Gens des campagnes et gens des grandes villes
Gens de Basse-Bretagne et gens de Nantes
Prenez garde je vous prie, prenez garde :
Sans langue bretonne, il n’y a pas de Bretagne
Sans langue bretonne,
Ne parlons plus de la Bretagne !
Alan Stivell, Brezhoneg ‘raok dans l’album Chemins de terre