qui-es-tu

Macron est-il un roi qui fait néant ?

de Jean François SIMIER
Publié le Dernière mise à jour le

Macron, qui es-tu et à qui t’adresses-tu ?

Concernant un texte possiblement destiné à la publication, je fus interrogé avec bienveillance mais fermement sur ma qualité (qui es-tu ?) et sur l’adresse (à qui t’adresses-tu ?)
Ayant la conviction, tout comme les protagonistes « Narcisse et Goldmund » de l’écrivain Hermann Hesse que des voies différentes existent pour cheminer vers une vérité, je ne fis pas attention à ces règles dramaturgiques qui ne répondaient pas au fond du propos.

Cependant, me revenaient à l’esprit les questions « à qui t’adresses-tu ? » et « en quelle qualité t’exprimes-tu ? ».
Le conseil perfusait et agissait comme un aiguillon.
Papillonnant d’un livre à l’autre, en cette période de confinement, je ressortis par hasard « La crise de la Culture » de Hannah Arendt.

Elle citait Kant :

« Le pouvoir extérieur qui prive l’homme de la liberté de communiquer ses pensées publiquement le prive en même temps de sa liberté de penser »
« La seule garantie pour la correction de nos pensées tient à ce que nous pensons en communauté avec les autres, à qui nous communiquons nos pensées comme ils nous communiquent les leurs »

Le texte que j’avais soumis à mon dramaturge concernait une approche de l’expression du pouvoir et ce dernier s’était cantonné à me rappeler les règles du pouvoir de l’expression.
Il me restait à préciser, n’étant ni journaliste, ni universitaire, ni expert en rien, en quelle qualité je m’exprimais et à destination de quelles personnes ?

La réponse est simple : je m’exprime en ma qualité de citoyen à l’attention d’autres citoyens.

Le 13 avril dernier, le Président Macron se souvint de l’article premier de la déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 pour mettre à l’honneur les femmes et les hommes qui œuvrent à l’utilité commune.
Les notions « d’utilité commune » et de « citoyen » refont leur apparition après avoir été mises sous oxygène, depuis des lustres, par les capitalistes qui avaient transformé le citoyen en usager.

Souvenons-nous de la propagande :

« Il faut libérer la concurrence pour faire baisser les prix »
« Seule la dérégulation des lois peut libérer la compétitivité ».
« Dans le mot libéral, il y a le mot liberté ».
« Par la main invisible du marché l’égoïste devient altruiste »
« Ce n’est pas le pouvoir d’achat qui est faible, c’est le désir d’achat qui est trop grand »
« Le marché doit s’organiser vertueusement et spontanément »
« un service public à condition qu’il soit payant »
« Ayez confiance en l’entreprise citoyenne »
« Un homme qui ne peut pas se payer une Rolex a raté sa vie »
« L’humanisme a échoué car il est contraire à la loi du marché »

Pourtant, qu’est advenue la pierre angulaire des théories néo-libérales : la transparence des prix ?
Une transparence souillée par une orgie de paradis fiscaux, de places financières, de super banques, de dissimulation et d’évasion en tout genre et par la duplicité des observateurs.

Le « juste prix » de Hayek, théoricien du néo-libéralisme, est de nos jours devenu l’injuste prix.

Croire en ses propres mensonges de croissance n’empêche pas les crises. Mais les hyper-riches s’arrangent pour ne pas payer le prix des catastrophes qu’ils déclenchent.

Le peuple d’en bas sert de variable.
Un peuple mis à contribution, comme en 2008, pour reconstruire le soi-disant cycle vertueux vanté par les thuriféraires de la croissance pour la croissance et de la spéculation à outrance.
La trouvaille, cette fois, c’est la réanimation de « l’utilité commune » des pères fondateurs. Poison d’avril, feinte, coming-out d’un humaniste refoulé, philistin ?
Qu’importe.

Macron est un roi qui fait néant.

Non pas qu’il soit paresseux, mais son inclination envers le grand capital le rend inapte à résoudre les attentes des citoyens.
Le Ni-Ni n’est d’ailleurs qu’une formulation grande bourgeoise apparentée à TINA : « there is no alternative ».
De ce fait, nous n’avons pas à espérer de changement de cap devant les épreuves qui nous attendent.
Or, nous connaissons de quelle pâte sont pétris les individus de la caste dominante. Le moment venu, elle se montrera d’une inflexible insensibilité.

Déjà, le théâtre d’ombres de nos institutions démocratiques autorise les gesticulations et les interjections précipitées des « Savonarole » du dieu Marché qui nous prédisent l’autodafé des jours fériés, des congés payés et des trente cinq heures en expiation de ce malheur sanitaire.

Mais avant l’application de mesures coercitives et violentes …

Il existe une première phase de séduction avec la souvenance emphatique de l’existence de « l’utilité commune » de l’article premier de la déclaration des droits de l’homme agitée tel un oripeau.
Un leurre destiné à nous procurer un viatique, à nous insuffler par le biais d’un réflexe conditionné le désir de nous sacrifier pour le bien commun ou plutôt l’illusion du bien commun parce qu’au final l’argent termine sa course dans des paradis fiscaux.

Il est légitime de nous remettre ardemment au travail mais pas pour réparer complaisamment une ingénierie néo-libérale qui privilégie l’intérêt particulier à l’intérêt commun et qui hoquètera de crise en crise, encore et encore, mais pour nous atteler patiemment à la création d’un autre type de société, à hauteur d’humain, avec moins de verticalité, avec des circuits de décisions économiques, culturelles et politiques plus courts. Une société qui crée du sens.
Une société de citoyennes et de citoyens en somme.

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