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Arénicola marina : le ver marin breton, trésor biologique et espoir des biotechnologies

de Rémy PENNEG

Le ver marin breton Arénicola marina.

Quand on se promène sur une plage bretonne à marée basse, il n’est pas rare d’apercevoir des petits tortillons de sable. Ces spirales intrigantes sont la signature discrète d’un habitant souterrain : l’Arénicola marina, plus connu sous le nom de ver arénicole ou ver marin breton. Pendant des générations, les pêcheurs de la côte l’ont ramassé pour l’utiliser comme appât. Mais derrière son apparence modeste se cache un organisme d’un intérêt scientifique majeur.

Aujourd’hui, l’Arénicola marina attire l’attention des biologistes, des chercheurs en biotechnologie et des entrepreneurs innovants. Son sang unique, capable de transporter jusqu’à cinquante fois plus d’oxygène que le nôtre, ouvre des perspectives considérables dans les domaines de la médecine, de la santé et même de l’industrie. La Bretagne, avec son immense richesse côtière, se trouve au cœur de cette aventure scientifique et économique.

Biologie et habitat du ver marin breton

Un annélide discret mais essentiel

L’Arénicola marina est un ver marin appartenant à la grande famille des annélides polychètes. Il mesure entre 10 et 20 centimètres en moyenne, parfois davantage dans des conditions favorables. Son corps segmenté, souvent rougeâtre, est muni de petites branchies qui lui permettent de respirer. Bien qu’il paraisse fragile, ce ver est parfaitement adapté à la vie enfouie dans le sable.

Il creuse de longues galeries en forme de U dans lesquelles il se cache. Il avale le sable, en digère la matière organique et rejette à la surface des cordons de sable caractéristiques. Ce comportement contribue à aérer les sédiments et à recycler la matière, ce qui en fait un acteur clé de l’écosystème.

Ver marin breton Arénicola marina : un trésor pour la santé
Plage bretonne productrice de ver marin arénicole marine

Répartition géographique et préférences écologiques

On retrouve l’Arénicola marina sur de nombreuses côtes de l’Atlantique Nord et de la mer du Nord. Il est particulièrement abondant en Bretagne, où les grandes plages sableuses lui offrent un habitat idéal. Il affectionne les sables fins à moyens, riches en nutriments, mais évite les zones trop polluées ou les fonds vaseux.

Les plages bretonnes abritent donc d’immenses populations de ces vers, souvent invisibles à l’œil nu, mais dont les tortillons trahissent la présence. Ils jouent un rôle discret mais essentiel dans l’équilibre biologique des estrans.

Un cycle de vie adapté au littoral

Le ver marin se reproduit par fécondation externe. Les femelles et les mâles relâchent leurs gamètes dans l’eau, où la fécondation a lieu. Les larves, d’abord planctoniques, se laissent porter par les courants avant de s’installer dans le sable pour devenir adultes.

Ce cycle assure une large dispersion de l’espèce, et explique sa présence quasi généralisée sur les côtes sableuses de Bretagne. Sa longévité, de plusieurs années, lui permet de maintenir des populations stables malgré la prédation et la récolte par l’homme.

Le sang marin : une singularité biologique

La véritable richesse de l’Arénicola marina ne réside pas seulement dans son rôle écologique. Son sang est unique dans le règne animal. Contrairement au sang humain, dont l’hémoglobine est contenue dans des globules rouges, l’hémoglobine du ver marin est extracellulaire. Elle circule librement dans ses fluides corporels.

Cette hémoglobine géante possède une capacité d’oxygénation exceptionnelle. Elle peut transporter jusqu’à cinquante fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine. De plus, elle est stable dans des conditions très variées de température, de salinité et de pression.

Cette découverte a bouleversé la perception scientifique des vers marins. Ce que l’on croyait n’être qu’un simple appât est devenu une ressource biologique d’intérêt mondial.

Ver marin breton Arénicola marina : un trésor pour la santé
L’Arénicola marine, le ver marin de Bretagne

Franck Zal et l’aventure Hémarina

Son patron, Franck ZAL, est aussi Président du Club d’Entreprises Bretagne Biosciences.
En 2000, ce chercheur découvre que l’Arénicola marina, ce ver marin des sables de nos plages bretonnes, peut fournir une molécule extracellulaire, une sorte de sang universel.

Mais en France, l’innovation se heurte vite aux lourdeurs administratives.
Le CNRS, dont il dépendait alors, confisque temporairement ses brevets. Après une lutte acharnée, il parvient à les récupérer. Lassé d’un système qu’il juge bloqué, Franck Zal démissionne et décide de se lancer seul.

En 2007, il revient en Bretagne et crée de toutes pièces sa société, Hémarina, basée à Morlaix. Toutes ses économies y passent. Beaucoup de ténacité, un travail acharné et une prise de risque considérable. Mais l’innovation est souvent à ce prix.

Franck Zal ne regrette pas son choix.
Pour lui, c’est un passage du “vieux monde sclérosé de la recherche àcelui de l’entreprenariat ouvert, dynamique et motivant”. Hémarina dispose aujourd’hui d’un bureau à Boston, mais son fondateur refuse de quitter la Bretagne.

Parce qu’on se bat pour notre territoire. J’aurais pu m’installer aux États-Unis pour développer mon activité. C’est beaucoup plus facile là-bas. Mais je souhaite rester ici. Même si notre ambition est internationale. Je crois beaucoup au développement local, et je ne suis pas le seul.

Cependant, cette réussite dérange.
Le ver marin breton et la découverte de Franck Zal se heurtent vite au monopole de l’EFS, l’Établissement Français du Sang, géré par l’État central. Cet organisme enregistre un chiffre d’affaires proche du milliard d’euros, essentiellement grâce aux dons de sang… gratuits. L’innovation bretonne risquait de bousculer ce bel équilibre.

C’est donc vers l’étranger, et notamment l’Amérique du Nord, que l’entreprise Hémarina s’est tournée pour trouver de véritables partenaires. NHU Bretagne s’est déjà fait l’écho d’autres entreprises bretonnes qui, elles aussi, subissent les contraintes d’une administration française d’un autre temps.

Précision importante : l’Arénicola marina exploité par Hémarina n’est pas prélevé dans la nature. Il provient exclusivement d’élevages contrôlés, garantissant le respect de l’environnement et la durabilité de la ressource.

Applications médicales de l’Arénicola marina

La transplantation d’organes

L’un des grands défis de la médecine moderne est la conservation des organes entre le prélèvement et la transplantation. Durant ce laps de temps critique, les tissus souffrent d’un manque d’oxygène. Grâce à son hémoglobine, l’Arénicola marina offre une solution. Utilisée comme support de conservation, elle permet de mieux oxygéner les organes et d’augmenter leurs chances de survie.

Les pansements et la cicatrisation

Les plaies chroniques représentent un problème médical croissant. Elles cicatrisent mal, surtout chez les personnes diabétiques. Les propriétés oxygénantes du sang du ver marin breton pourraient être intégrées dans des pansements innovants. En favorisant la circulation d’oxygène, ces pansements accéléreraient la cicatrisation et réduiraient le risque d’infection.

Les grands brûlés

Les produits développés par Hémarina, à base d’hémoglobine d’Arénicola marina, offrent une oxygénation unique des tissus.
Chez les grands brûlés, cette innovation favorise une meilleure cicatrisation et limite les risques d’infection.
La régénération de la peau est accélérée grâce à l’apport continu d’oxygène aux cellules.
Ces solutions ouvrent la voie à une nouvelle génération de soins cutanés révolutionnaires.

La médecine d’urgence et la neurologie

Lors d’accidents vasculaires cérébraux ou de traumatismes graves, l’oxygène manque rapidement dans les tissus. L’hémoglobine du ver marin, stable et efficace, pourrait aider à maintenir une oxygénation suffisante. Les recherches explorent déjà cette piste, qui pourrait sauver de nombreuses vies.

Une source de molécules encore inexplorées

Au-delà de son hémoglobine, l’Arénicola marina recèle peut-être d’autres biomolécules intéressantes. Les enzymes qu’il utilise pour digérer le sable, ou ses mécanismes de résistance au stress oxydatif, pourraient inspirer de nouvelles applications médicales ou pharmaceutiques.

Applications industrielles et environnementales

Une ressource pour l’aquaculture

Afin de répondre aux besoins de la recherche et de l’industrie, il est indispensable de mettre en place des élevages durables. L’aquaculture du ver marin se développe déjà en Bretagne. Elle garantit une ressource stable, sans puiser dans les populations naturelles.

La dépollution et la bioremédiation

En digérant le sable, l’Arénicola marina élimine une partie des polluants organiques. Il pourrait être utilisé dans des programmes de dépollution de plages ou d’estuaires. Ses capacités naturelles en font un allié potentiel dans la lutte contre la pollution littorale.

L’innovation technologique et les capteurs

Les molécules respiratoires du ver inspirent déjà les ingénieurs. Elles pourraient être utilisées dans des capteurs de qualité de l’eau ou des dispositifs de contrôle environnemental. C’est un exemple parfait de biomimétisme appliqué aux technologies marines.

Cosmétique et bien-être

Les laboratoires de cosmétique s’intéressent eux aussi au ver marin. Ses propriétés oxygénantes pourraient être utilisées dans des crèmes régénérantes, des soins dermatologiques ou des produits anti-âge. La Bretagne, déjà réputée pour ses algues marines, pourrait y ajouter une nouvelle ressource originale.

Un enjeu économique majeur pour la Bretagne

Avec 2 700 kilomètres de côtes, la Bretagne est l’un des pays d’Europe les plus riches en biodiversité marine.
Le ver marin illustre à merveille ce potentiel encore sous-exploité.

Le développement d’une filière autour de l’Arénicola marina peut apporter :

  • des emplois qualifiés dans la recherche, la production et la biotechnologie,
  • des opportunités pour les PME innovantes,
  • une valorisation locale des ressources naturelles,
  • un rayonnement international de la Bretagne en tant que territoire d’innovation.

Cette “économie bleue”, tournée vers l’océan et les biotechnologies marines, s’inscrit dans une stratégie durable et respectueuse de l’environnement.

Défis et obstacles à surmonter

L’exploitation de l’Arénicola marina n’est pas sans défis. Plusieurs obstacles se dressent sur le chemin de son développement.

  1. La production à grande échelle demande des infrastructures coûteuses et un savoir-faire technique.
  2. Les essais cliniques, indispensables en médecine, sont longs, complexes et coûteux.
  3. Les normes européennes imposent des validations strictes, qui ralentissent l’arrivée sur le marché.
  4. L’exploitation doit rester respectueuse de l’écosystème marin et des plages bretonnes.
  5. L’acceptabilité sociale est importante : il faut convaincre le public que cette biotechnologie est sûre, utile et durable.

Ces défis ne sont pas insurmontables. Mais ils nécessitent des investissements, une coopération entre chercheurs et industriels, et une stratégie claire de la part des autorités administrant la région Bretagne administrative. Nous ‘espérons aucune aide de la part du pouvoir central.

Perspectives et espoirs pour la Bretagne

Un pays qui touche à la mer n’est jamais un petit pays.” Cette phrase résume bien l’enjeu.

L’océan recèle des trésors encore inconnus, et la Bretagne possède près de 2 700 kilomètres de côtes et une ZEE immense.
À ce jour, on estime que seuls 2 % des océans ont été explorés. Nous connaissons environ 250 000 espèces marines, mais les scientifiques estiment qu’il en existerait jusqu’à deux millions.

La Bretagne est donc au cœur d’un univers marin aux richesses innombrables.
Certes, la pêche bretonne a été et reste sacrifiée sur l’autel d’une certaine Europe, par un État central qui n’a jamais compris les intérêts maritimes.
Mais la Bretagne demeure le premier champ d’algues d’Europe, avec un potentiel économique immense.

Le ver marin breton, découvert et valorisé par Franck Zal, n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Il prouve que la Bretagne peut transformer ses ressources locales en innovations mondiales.
D’autres richesses restent à découvrir, à exploiter et à protéger.
Elles seront la base de la Bretagne de demain, pour bâtir un avenir meilleur.

côtes bretonnes côtes de Bretagne
Bretagne, un pays qui touche à la mer n’est jamais un petit pays

Photo header : Franck Zal sur une plage bretonne à la recherche de Arénicola marina – Crédit photo : Hémarina

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