Nominoé Tad ar Vro Histoire de Bretagne

Nominoé et l’acte fondateur de la Bretagne

de NHU Bretagne

Nominoé, un tournant décisif pour la Bretagne

Nominoe.
Au IXᵉ siècle, la Bretagne n’est plus une simple marge de l’Empire. Depuis deux siècles, ce pays a consolidé son identité. Des tribus brittoniques venues d’outre-Manche ont bâti un territoire reconnu par ses voisins. Des chefs bretons, comme Waroch, Judicaël ou Morvan, ont résisté aux Francs. D’autres ont su négocier avec eux. La Bretagne a survécu, entre luttes, compromis et alliances.

Mais un homme va transformer cet héritage en véritable projet politique. 
Cet homme, c’est Nominoé, appelé Nevenoe en brezhoneg. Son nom résonne encore aujourd’hui comme celui du « Tad ar Vro », le père de la patrie.

Avec lui, la Bretagne franchit un seuil. Elle passe de la survie à la reconnaissance. Elle quitte la marge pour devenir un acteur central. Il y a un avant Nominoé, fait d’incertitudes et de résistances. Et il y a un après Nominoé, celui de l’unité, de la légitimité et de la souveraineté.

Avant Nominoé : la Bretagne et l’Empire carolingien

Pour comprendre la portée de Nominoé, il faut revenir en arrière. Depuis les Mérovingiens, les rois francs tentaient d’imposer leur autorité. Mais jamais la Bretagne ne s’est soumise. Toujours, elle a résisté. Toujours, elle a gardé ses élites, ses usages et son autonomie.

Sous Charlemagne, l’Empire carolingien domine l’Europe. La Bretagne reste pourtant une terre aux marches de l’Empire, indocile et insoumise. Elle est perçue comme un territoire à dompter, mais aussi comme un voisin impossible à ignorer.

Cette position de frontière va changer radicalement au IXᵉ siècle. Louis le Pieux, fils de Charlemagne, veut pacifier et intégrer la Bretagne. Mais ce faisant, il va offrir aux Bretons une arme inattendue : la légitimité institutionnelle. Et c’est à ce moment précis que Nominoé entre en scène.

Ascendance de Nominoé (Nevenoe)

Trois hypothèses discutées :
  • Fils de paysan — origine modeste, enracinée dans le pays.
  • Fils du roi Morvan — piste avancée notamment par des travaux à l’UBS (Joëlle Quaquebeur).
  • Fils d’Erispoe, comte de Rennes — lignée aristocratique locale.

À souligner : aucun souverain breton ne se soucie vraiment de lignée ou de demeure prestigieuse. Cela reste fidèle aux valeurs claniques des paysans, marins, artisans et religieux fondateurs.

L’accord de 831 : la reconnaissance impériale

En 831, un accord historique marque un tournant. Louis le Pieux nomme Nominoé « missus imperatoris », son représentant officiel en Bretagne. Ce geste dépasse la simple politique. Il constitue un acte fondateur.

Car désormais, l’autorité bretonne n’est plus tolérée, elle est reconnue. Nominoé ne tient plus seulement son pouvoir de ses pairs ou de sa force militaire. Il le tient d’un empereur voisin. Cette légitimation confère à son autorité une dimension nouvelle et irréversible.

La Bretagne sort alors du flou. Elle cesse d’être seulement un pays rebelle ou un voisin encombrant. Elle devient une entité politique reconnue à l’intérieur comme à l’extérieur. À partir de ce moment, l’histoire bretonne prend un autre visage. Et cet autre visage, c’est Nominoé.

Le règne de Nominoé : construction d’un pouvoir breton

Fort de cette reconnaissance, Nominoé ne se contente pas d’administrer. Il construit, organise et impose. Il comprend qu’il tient entre ses mains une occasion unique : transformer un pouvoir fragile en pouvoir durable.

Pour cela, il s’appuie sur les comtes et sur les évêques, piliers du pays. Il réorganise les structures. Il fait émerger une cohésion qui n’existait pas auparavant. Jusque-là, la Bretagne fonctionnait comme une mosaïque de chefferies. Avec lui, elle commence à devenir une nation structurée.

Bien sûr, nous ne sommes pas encore dans un royaume au sens classique. Mais nous sommes déjà dans une étape capitale. La Bretagne s’unit derrière un chef, reconnu au-dedans comme au-dehors. Là encore, il y a un avant et un après. Avant : l’émiettement, les incertitudes. Après : l’unité, l’organisation, la marche vers la souveraineté.

Erispoë
Soldats Saxons, mercenaires des Francs et ennemis héréditaires des Bretons

La rupture avec les Francs

En 840, Louis le Pieux meurt. Son empire, immense, se déchire aussitôt entre ses fils. Charles le Chauve hérite de la partie occidentale, en limite frontalière de la Bretagne. Mais son autorité reste fragile. Les querelles entre héritiers ouvrent un champ d’action inédit pour la Bretagne.

Nominoé comprend immédiatement que le moment est décisif. Jusqu’alors, il avait été l’allié et le représentant de l’empereur. Mais avec la mort de Louis, l’équilibre change. La suzeraineté carolingienne n’a plus la même force. Le pouvoir central franc est affaibli. Pour la Bretagne, c’est une chance unique.

Charles le Chauve tente de reprendre la main. Il cherche à réimposer une domination directe. Mais Nominoé refuse de revenir en arrière. Il choisit de rompre progressivement. La Bretagne cesse alors d’être une terre tenue à distance par l’Empire. Elle devient un acteur autonome qui affirme son droit d’exister.

Là encore, c’est une rupture majeure. L’avant Nominoé est celui d’une Bretagne sous pression, contrainte de négocier. L’après Nominoé est celui d’une Bretagne qui saisit l’instant et se libère des chaînes impériales.

assassinat
Localisation des villes citées dans cet épisode.

Les grandes victoires militaires de Nominoé

La rupture se transforme vite en confrontation armée. En 843, les troupes de Charles le Chauve affrontent celles de Nominoé à Ballon, près de Redon. Le choc est décisif. Nominoé inflige une défaite écrasante aux Francs. La bataille de Ballon devient aussitôt une date fondatrice de l’histoire bretonne.

Cette victoire change tout. Elle prouve que la Bretagne n’est pas seulement une entité reconnue par un accord diplomatique. Qu’elle est aussi capable d’imposer militairement son indépendance. Elle fait reculer un empire.

D’autres affrontements suivront. Messac, Langon, et d’autres encore, consolident le prestige de Nominoé. Chaque bataille gagnée renforce l’unité bretonne. Chaque victoire construit le mythe d’un chef invincible.

Avec Ballon et les autres succès, Nominoé ancre définitivement l’idée qu’il y a un avant et un après. Avant : une Bretagne contrainte de se défendre. Après : une Bretagne victorieuse qui dicte ses conditions.

Les Marches de Bretagne, cartes
Bretagne et Marches de Bretagne

L’extension territoriale : vers une Bretagne élargie

Après Ballon, Nominoé ne se contente pas de défendre. Il avance. Ses armées s’étendent vers l’Est, franchissant les limites anciennes. Rennes et Nantes, villes clefs, tombent dans l’orbite bretonne. La Loire-Atlantique, qui deviendra plus tard un enjeu de division, est déjà intégrée de fait à l’espace breton.

Nominoé pousse aussi ses offensives au-delà de notre pays, vers le Maine et l’Anjou. Il élargit le socle territorial qui allait devenir celui de la Bretagne historique. C’est une étape capitale. Car au-delà des victoires militaires, c’est une géographie politique qui s’impose.

Désormais, la Bretagne n’est plus seulement le territoire armoricain des débuts. Elle est une puissance qui s’étend et redessine les cartes. Elle consolide son espace, fixant les bases de ses frontières futures.

Encore une fois, l’opposition est claire : avant Nominoé, la Bretagne subissait les assauts francs. Après Nominoé, c’est la Bretagne qui impose ses avancées, qui élargit son socle et qui trace les lignes de son avenir.

Nominoé et l’Église : un enjeu politique

Nominoé comprend vite qu’un pouvoir durable ne se bâtit pas seulement avec des victoires militaires. Il se bâtit aussi avec l’Église. En Bretagne comme ailleurs, les évêques sont des piliers politiques autant que religieux. Or, beaucoup restent encore fidèles aux Francs.

Nominoé décide alors de frapper fort. En 849, il dépose plusieurs évêques francs, notamment à Nantes, Rennes et Vannes. À leur place, il impose des évêques bretons, fidèles à sa cause. Par ce geste, il brise le lien institutionnel qui rattachait encore la Bretagne à l’archevêché de Tours.

À ses côtés, un allié de poids joue un rôle déterminant : Convoyon, fondateur de l’abbaye de Redon. Ce grand abbé, homme de confiance et figure spirituelle majeure, soutient activement Nominoé. Son abbaye devient un centre religieux et politique d’influence, au service de l’affirmation bretonne. Convoyon incarne cette nouvelle Église bretonne qui ne se contente plus de subir, mais qui construit une voie propre.

Ce tournant débouche sur la création d’un archevêché à Dol. Ce geste dépasse la simple organisation ecclésiastique. Il marque une rupture totale avec la tutelle de Tours et finalise l’indépendance religieuse de la Bretagne. Pour la première fois, l’Église bretonne dispose d’un centre autonome, enraciné dans son territoire.

Nominoé ne se contente pas d’imposer sa volonté localement. Il sait qu’il doit obtenir une reconnaissance plus haute. Pour cela, il envoie à Rome son plus sûr allié : l’abbé Convoyon. Ce dernier plaide auprès du pape pour justifier le transfert de l’autorité de Tours vers Dol. Les démarches sont longues, mais Convoyon parvient à gagner l’estime du souverain pontife. Rome reconnaît les qualités de Nominoé, son sérieux et sa légitimité, notamment dans la bretonnisation des évêchés.

Ce n’est pas seulement un acte religieux. C’est un acte de souveraineté. Désormais, l’Église bretonne échappe à l’emprise franque. Elle devient un pilier du nouvel ordre breton, un soutien spirituel et institutionnel qui complète la puissance militaire et politique.

Encore une fois, nous voyons la fracture entre deux époques. Avant Nominoé, l’Église en Bretagne dépendait de structures extérieures. Après lui, elle devient indépendante, enracinée et partie intégrante du projet national.

Héritage et mémoire de Nominoé

Nominoé meurt en 851, peu après une ultime campagne victorieuse. Sa disparition pourrait sembler fragiliser l’édifice. Mais c’est tout le contraire. Son fils Erispoë lui succède, reconnu par les Bretons et par les voisins. L’héritage est solide, car Nominoé n’a pas seulement conquis. Il a construit.

Il a laissé derrière lui une Bretagne transformée. Le pays n’est plus une terre incertaine, ballottée entre compromis et soumissions partielles. Il est devenu un État en marche, reconnu dans ses frontières, consolidé dans son autorité.

C’est pour cette raison que la mémoire de Nominoé a traversé les siècles. Il est vu comme le Tad ar Vro, le père de la patrie bretonne. Sa figure n’appartient pas seulement au passé. Elle continue d’incarner une référence, un modèle, une source d’inspiration.

Avant Nominoé, la Bretagne existait sans être assurée de durer. Après lui, elle devient une réalité politique irréversible. C’est cette frontière qui fait de son règne une étape capitale.

L’acte fondateur de la Bretagne

Nominoé a changé le destin de la Bretagne. En quelques décennies, il a transformé un pays de frontière en entité politique reconnue. Il a gagné des batailles qui ont forgé une mémoire. Puis imposé des évêques qui ont assuré une indépendance spirituelle. Il a fixé un socle territorial qui allait perdurer.

À travers lui, la Bretagne a cessé d’être perçue comme une terre périphérique. Elle s’est affirmée comme une nation capable de tenir tête à l’un des plus puissants empires de son temps. Ce basculement est unique. Il est définitif.

Il y a un avant Nominoé : celui des résistances locales, des compromis imposés. Et il y a un après Nominoé : celui d’une Bretagne unifiée, légitime et souveraine.

C’est pourquoi son nom reste gravé dans l’histoire comme un tournant. Nominoé, Nevenoe en brezhoneg, a posé l’acte fondateur de la Bretagne. 
Et depuis, aucune page de notre histoire ne peut être lue sans revenir à lui.

Pour retrouver les dix-sept épisodes précédents

Soutenez votre média breton !

Nous sommes indépendants, également grâce à vos dons.

A lire également

Une question ? Un commentaire ?

Recevez chaque mois toute l’actu bretonne !

Toute l’actu indépendante et citoyenne de la Bretagne directement dans votre boîte e-mail.

… et suivez-nous sur les réseaux sociaux :

Notre mission

NHU veut faire savoir à toutes et tous – en Bretagne, en Europe, et dans le reste du monde – que la Bretagne est forte, belle, puissante, active, inventive, positive, sportive, musicienne…  différente mais tellement ouverte sur le monde et aux autres.

Participez

Comment ? en devenant rédacteur ou rédactrice pour le site.
 
NHU Bretagne est une plateforme participative. Elle est donc la vôtre.