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Quand l’Irlande paie ses artistes… et si la Bretagne faisait pareil ?
L’Irlande paie ses artistes : une idée simple et révolutionnaire
Et si vivre de son art n’était plus un rêve, mais un droit ?
C’est le pari que vient de faire l’Irlande. Après deux ans de test, Dublin a décidé de rendre permanent le revenu de base pour les artistes, à hauteur de 325 € par semaine, soit environ 1 400 € par mois.
Un soutien conçu pour garantir du temps, de la stabilité et de la liberté créative, sans pression commerciale immédiate.
Cette mesure, unique en Europe, s’inscrit dans une politique assumée : reconnaître que la culture est une richesse nationale. Pas un luxe, pas un passe-temps. Une force vitale.
L’Irlande, nation fière de ses créateurs
Les Irlandais savent ce qu’ils doivent à leurs artistes.
Ce sont eux qui, pendant des siècles d’occupation, ont maintenu vivante la langue gaélique, les mythes, la musique, les couleurs de leur île.
Aujourd’hui, c’est un gouvernement conscient de cette histoire qui choisit d’investir dans les créateurs, les musiciens, les écrivains, les peintres, les cinéastes, les illustrateurs…
Et le résultat est spectaculaire : depuis le lancement du programme pilote, la production artistique a explosé.
Des centaines d’albums, d’expositions et de films ont vu le jour, et le moral du secteur culturel s’est redressé.
En Irlande, l’État ne parle plus d’“aides” mais de revenu de base artistique, preuve qu’il considère enfin la création comme un travail à part entière.
Comment fonctionne vraiment ce revenu ?
Contrairement à ce que certaines publications virales laissent entendre, il ne s’agit pas d’un revenu offert sans contrepartie.
Le dispositif s’appelle Basic Income for the Arts Scheme (BIAS) et repose sur plusieurs conditions précises :
- Être un artiste ou un travailleur culturel professionnel. Il faut prouver que l’on exerce réellement une activité artistique (musique, arts visuels, théâtre, littérature, cinéma, etc.).
- Résider et travailler en Irlande.
- Participer à l’évaluation du programme à travers des questionnaires, enquêtes ou entretiens réguliers.
- Poursuivre une démarche artistique active, même si l’on n’est pas tenu de produire ou vendre une œuvre immédiatement.
Autrement dit, les artistes doivent créer, mais ils ne sont pas jugés sur leurs ventes ou leurs “résultats”.
Le gouvernement irlandais leur offre le droit fondamental de chercher, d’expérimenter, d’échouer même — sans craindre la misère.
Ce n’est pas “payer pour ne rien faire”, c’est faire confiance au processus créatif.
Le revenu de base n’est donc pas inconditionnel, mais libre de contraintes commerciales. C’est ce qui fait toute la différence.
En Bretagne, une créativité immense mais fragile
De ce côté de la mer Celtique, la situation est bien différente.
Les artistes bretons regorgent de talent. Qu’ils soient peintres, musiciens, illustrateurs, céramistes, graphistes, écrivains, vidéastes ou artisans d’art, ils façonnent chaque jour la vitalité culturelle de la Bretagne.
Mais la réalité économique est dure : précarité, intermittence, absence de reconnaissance. Beaucoup cumulent des emplois alimentaires, faute de pouvoir vivre de leur passion.
Et pourtant, leur travail irrigue tout : fest-noz, affiches, festivals, artisanat, design, cinéma, bande dessinée, arts visuels… Sans artistes, il n’y aurait ni culture bretonne vivante, ni transmission. Sans eux, la Bretagne serait muette.

Une nation sans pouvoir culturel propre
Pourquoi l’Irlande peut-elle décider cela, et pas la Bretagne ?
Parce qu’elle est libre.
Libre de voter son budget, libre d’établir ses priorités, libre de dire : nos artistes comptent autant que nos ingénieurs.
La Bretagne, elle, dépend encore des arbitrages parisiens.
Les aides à la culture bretonne restent limitées, souvent temporaires, et centrées sur des projets “régionaux” sans vision globale.
Résultat : les artistes bretons travaillent dans l’incertitude permanente, entre subventions aléatoires et projets bénévoles.
Et si la Bretagne inventait son propre modèle ?
Imaginons un revenu culturel d’autonomie breton.
Un dispositif géré à l’échelle des cinq départements bretons, financé par un fonds mixte régional et participatif : collectivités, mécènes, entreprises locales, dons citoyens.
Chaque artiste reconnu comme actif dans le champ culturel pourrait percevoir entre 1 200 et 1 500 € par mois, pour créer, se former, partager, enseigner.
En échange, il s’engagerait à produire, transmettre ou exposer son art dans des lieux bretons : écoles, médiathèques, festivals, associations.
Ce serait un cercle vertueux : les artistes vivent, la culture rayonne, l’économie locale respire.
Un investissement, pas une dépense
Contrairement à ce que certains imaginent, soutenir les artistes ne coûte pas : cela rapporte.
Chaque euro investi dans la culture génère entre 1,5 et 2 € de retombées économiques locales.
Les festivals, les marchés d’art, les tournées, les galeries, les formations ou les événements attirent des visiteurs, font travailler des artisans, des techniciens, des commerçants.
Mais au-delà des chiffres, il y a une autre richesse : celle de la fierté collective.
Chaque chanson, chaque toile, chaque spectacle en breton est une pierre posée à l’édifice de notre identité.
L’exemple irlandais montre la voie
En Irlande, le débat n’a pas été idéologique : il a été pragmatique.
Le gouvernement a simplement reconnu que les artistes sont essentiels à la cohésion et à l’image du pays.
Leur donner une base stable, c’est leur permettre de produire davantage, d’exporter la culture irlandaise, d’attirer des touristes et de renforcer la fierté nationale.
La Bretagne pourrait faire le même pari.
Elle dispose déjà d’un écosystème culturel dense : musique, design, arts visuels, cinéma, édition, numérique, artisanat.
Il manque seulement une chose : la volonté politique de donner aux créateurs les moyens de vivre et d’inventer ici, en Bretagne.
L’avenir appartient à ceux qui créent
L’Irlande nous montre qu’un petit pays peut changer le destin de sa culture.
La Bretagne aussi peut devenir un modèle.
Nos artistes ne demandent pas la charité : ils demandent le droit d’exister, de créer, de transmettre.
Et si, demain, la Bretagne décidait d’investir dans ceux qui la rendent belle ?
Ce jour-là, elle cesserait d’être une région parmi d’autres.
Elle redeviendrait ce qu’elle a toujours été : une nation d’artistes, de conteurs, et de rêveurs debout.
Également chez notre confrère irlandais Business Insider
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