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Paul CHATELIER, Agriculteur en grande difficulté en Bretagne.
Combien sont-ils aujourd’hui dans la situation de Paul CHATELIER, en Bretagne, en France, à se retrouver ainsi, épuisé, ruiné, déshonoré après une vie de labeur où le mot vacances n’a aucun sens ?
Des vacances ? Trois semaines en cinquante ans de travail, au rythme incessant d’un travail quotidien : plantation et récolte de l’herbage, traite des vaches, entretien général de la ferme… Aujourd’hui, Paul CHATELIER a accepté de témoigner, de dire la vérité surmontant son désespoir, son honneur. Cet Agriculteur est installé au Mesnil, près de Saint Étienne de Montluc à quinze kilomètres au nord de Nantes, au sud de la Bretagne.
Un Agriculteur breton témoigne.
Ce témoignage recueilli par le journaliste d’Ouest-France, Thomas HENG doit nous faire réfléchir. Nous faire ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de nous, à côté de nous, dans les fermes et dans champs. Également dans les quartiers et dans les villes. Finalement dans tout lieu où malgré tous les efforts de la personne, jusqu’à son épuisement moral et physique, s’abat inexorablement le couperet économique avec la même violence qu’une équation arithmétique.
Oui, ce témoignage pourtant d’une grande humanité, renvoie en même temps à la froideur d’un échec ancré dans un mécanisme économique qui peut nous atteindre les uns les autres. Un jour.
Par delà ce cas, c’est tout un monde agricole qui est en mutation.
La question n’est pas d’adopter un modèle agricole plus qu’un autre. C’est de permettre à des types d’agriculture différents de vivre et d’occuper l’espace rural et d’empêcher l’hémorragie du nombre d’agriculteurs de continuer.
Car nous avons besoin d’une agriculture qui produise qualité et volumes. Parce que les grandes villes doivent être fournies chaque jour en produits agricoles.
La concurrence est féroce entre les grandes régions de production en Europe.
Le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne sont les concurrents de la Bretagne et produisent à des coûts moindres.
Moins de prélèvements fiscaux et sociaux. Également moins de lourdeur bureaucratique. Parfois une concurrence déloyale grâce à des coûts de main d’œuvre nettement inférieurs notamment avec des ouvriers de l’ancienne Europe de l’Est très mal payés, particulièrement en Allemagne.
La Bretagne est à la pointe de l’élevage.
Les résultats en termes de productivité, de protection sanitaire, de coût de production sont optimums.
Ceci malgré les handicaps venant de l’Etat français.
En Bretagne nous avons un fort mouvement de contestation de ce modèle dit « productiviste ». L’agrandissement des exploitations est combattu par une kyrielle d’associations environnementales. Pendant ce temps là, les exploitations partout en Europe s’agrandissent et prospèrent.
Que voulons-nous ?
Si cette agriculture ainsi que ses fournisseurs en amont et son agro-alimentaire en aval sont mises en difficulté, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui disparaîtront.
Ce qui n’empêche en aucun cas l’existence d’une autre agriculture tout à fait complémentaire de l’autre modèle. Elle fait dans le local, le bio et on peut en vivre. Il ne faut pas l’opposer à l’autre système voué à alimenter des millions de citadins, voué à exporter et à améliorer le PIB breton.
Dans le cas de cet agriculteur en faillite peut-être que ce modèle à échelle locale aurait pu le sauver ?
Il est vrai que la production laitière est difficile car le producteur de lait dépend de bonnes conditions climatiques pour son fourrage. Ainsi que de bonnes conditions sanitaires pour son cheptel. Tout cela avec des résultats techniques qui doivent être optimum afin de dégager de la marge.
Les marges étant par ailleurs très faibles.
Concernant l’agriculture bio nous devons admettre qu’elle vit avec beaucoup plus de financements publics que l’agriculture conventionnelle.
Ses prix de vente au consommateur sont pourtant plus élevés. La société civile est-elle prête à payer plus d’impôts pour cela ?
L’Union Européenne …
Ainsi dans les années 80 toutes les aides européennes à l’agriculture devaient être versées en fonction du respect d’un cahier des charges concernant notamment l’esthétique paysagère. Également l’entretien et la plantation de haies bocagères, l’entretien des cours d’eau, de chemins, etc …
Ces directives n’ont jamais été appliquées et c’est bien dommage car cela aurait permis à des exploitations de tailles plus modestes de se maintenir
et aux paysages par endroit saccagés d’être sauvés.
Concernant les paysages comme le nombre d’agriculteurs, la Bretagne n’est pas la Beauce et nous pouvons, nous devons, faire vivre nos deux modèles d’agriculture sur notre territoire sans les opposer.
En 1973, Gilles SERVAT chantait CRUBELZ.
En voici un extrait
« Avec la fatigue du soir
Pour un travail de désespoir
Avec le mépris qu’on affiche
Quand ta colère effraie les riches
Jamais de vacances au mois d’août
Et le crédit autour du cou
Tous les jours un travail de fou
Pour obéir à des fainéants
Qui savent quoi faire avec ton champ
Dans les salons du rendement…*
Cette chanson composée par ce grand chanteur breton à la voix profonde dans une vérité poétique toujours présente, nous apporte la preuve accablante que la situation de Paul CHATELLIER nous renvoie à la même actualité… 50 ans après.
N’hésitez pas à apporter votre soutien moral à Paul CHATELLIER à l’adresse indiquée dans l’article d’Ouest-France : Monsieur Paul Chatellier Le Mesnil 44360 Saint-Étienne de Montluc
2 commentaires
C’est globalement un bon article .Cependant il ne faut pas confondre réussite économique avec agrandissement des exploitations cela ne va pas forcément de pair au grand dam des défenseurs de l’agro business et des banques, qui eux en ont intérêt .Je voudrais aussi dénoncer la position contradictoire et hypocrite de toute une mouvance de l’opinion publique actuelle qui d’une part prétend être solidaire des agriculteurs en difficulté et de l’autre se solidarise avec tout le mouvement anti consommation de produits carnés ,végans et compagnie ,ce qui est justement une des causes des difficultés de l’élevage ,et également du découragement même de ceux qui sont en bonne situation financière , au point que ceux ci abandonnent avant l’âge de la retraite et dissuadent leurs enfants de reprendre ,ce qui aggrave le problème du renouvellement de la profession .Les mouvements de défense et de promotion de la culture et de la langue bretonne ne sont pas non plus épargnés par ces tendances anti produits carnés alors que l’agriculture est dépendante naturellement de l’élevage vu les conditions pédo climatiques de la Bretagne .
Tout à fait d’accord. Pour la taille des exploitations il y a tout de même un minimum vital mais vous avez raison certains avec 50 VL vivent mieux que d’autres avec 160 ou plus . A condition de s’entendre, l’ideal est quand même le modèle sociétaire à plusieurs associés pour pouvoir souffler surtout dans le lait . Je parle des week-ends et de vacances et aussi d’envoyer la solitude. Économies d’echelle aussi. De plus , on ne peut ignorer la concurrence en Europe et ailleurs avec des exploitations de 300 à 800 VL voire plus. D’où cette volonté politique absente il me semble, qui devrait permettre l’existence de modèles différents.