Le matriarcat se définit comme un « fonctionnement familial dans lequel la mère a une influence, une autorité prépondérante ».
Il se définit donc par opposition au patriarcat qui avait été institué par le Code civil napoléonien en 1804, aux termes duquel la femme est un être inférieur, mineur, placé sous la tutelle de son père, de son mari ou d’un tuteur désigné.
Tout droit social et politique lui est retiré.
Elle est sans recours légal pour porter plainte contre son mari ou engager une action contre son agrément.
Elle est défavorisée face à l’adultère pour lui normal, pour elle répréhensible et puni.
Sommaire
Le Code civil dans cette formulation fut aboli par la loi sur l’autorité parentale de 1970.
L’existence d’une forme de matriarcat en Bretagne ne pouvait donc être qu’officieuse, sans être officielle.
Plusieurs auteurs s’en sont fait l’écho, tels Yann Brekilien, Per-Jakez Hélias et plus près de nous Mona Ozouf qui est d’origine bretonne. Mais aussi, la plupart des Bretons l’ont rencontré ou bien connaissent son existence, si bien que l’on peut se demander par quel fantasme on pourrait le nier. On pourrait le nier, si l’on ne comprenait pas le mécanisme par lequel il s’est développé en Bretagne.
Pour le comprendre, il nous faut revenir aux origines de la population bretonne.
Aux Ve et VIe siècles, l’Armorique qui était peu peuplée de Gaulois, fut une terre d’immigration pour les Bretons en provenance des Cornouailles et du Pays de Galles, chassés par les invasions des Scots d’Irlande.
Les Bretons sont des Celtes, comme les Gaulois, mais ils ont été très peu marqués par les conquêtes romaines du Ier siècle AEC. Ils ont donc pu conserver leur culture originelle. Or nous savons que chez les Celtes, il existait une égalité des droits entre les hommes et les femmes. Ce fait est attesté par les Grecs qui dans l’antiquité s’étaient approché des tribus nomades de l’Asie centrale, mais aussi par les Romains qui lors de la guerre des Gaules, constatent que les femmes celtes peuvent être des druidesses (le rang le plus élevé de la société), des guerrières et même des reines.
Elles ont un pouvoir d’arbitrage, de décision et de conseil dans les domaines économique et politique.
Dans le cadre du mariage les droits des époux sont égalitaires.
Cette égalité, bien sûr, va s’éroder avec les siècles mais la femme conservera en Bretagne un statut particulier, jusqu’à la Révolution.
En témoigne la Très Ancienne Coutume de Bretagne, texte rédigé en français au début du XIVe siècle, qui définissait le droit privé. Il en allait ainsi au nord de la Loire alors qu’au sud, régnait le droit canon romain, très patriarcal. Selon le droit coutumier, l’homme est le « seigneur » de la femme, il est responsable d’elle et de ses actes, il a le pouvoir de la châtier comme il châtie ses enfants, si elle mésuse de sa liberté. Mais la femme n’est pas dépourvue de droits: elle peut être exécuteur testamentaire, tutrice ou curatrice, elle peut recourir en justice contre son mari afin de lui ôter l’administration de ses biens, et même se voir confiée l’administration de ses biens mais aussi celle de la communauté et des biens appartenant au mari.
La communauté des biens entre époux établit une stricte égalité.
Le droit d’aînesse qui interdisait aux nobles le partage du fief était mal appliqué en Bretagne et le partage des biens restait égalitaire, et les fiefs morcelés.
Ainsi la femme bénéficiait-elle en Bretagne d’une reconnaissance qu’elle n’avait pas dans le reste du royaume. Mais cette reconnaissance ne définit pas le matriarcat, elle définit seulement une forme particulière de patriarcat, dans laquelle la femme jouit d’un statut plus favorable. Or le matriarcat se caractérise clairement par une inversion des rôles au sein du couple parental, la femme détenant l’autorité de façon, non pas officielle, mais « détournée »
Comment peut-on l’expliquer ?
Nous pensons que le phénomène d’acculturation, tel que nous l’avons défini dans notre article précédent, s’est accompagné d’une perte de la fonction du père dans la famille. Cette fonction du père, qui est la fonction symbolique, se trouve singulièrement attachée à la langue, ou plutôt au langage. Il se trouve que lors de l’acculturation, l’enseignement scolaire se fait en français – le breton est banni à l’école – alors que l’éducation, à la maison, se fait difficilement en français puisque les parents et les grands-parents le connaissent mal. Il s’ensuit une perte de la fonction du père, celui-ci se réfugiant alors dans le mutisme, quand ce n’est pas dans l’alcoolisme.
Là serait la véritable blessure narcissique.
Il semble que la femme, davantage que l’homme, ait encouragé le passage du breton au français et, plus généralement, le passage d’une culture à l’autre, du fait de sa prédisposition naturelle au contact verbal et de son empathie proverbiale.
Ainsi, de façon insensible, se produisit le glissement de la fonction symbolique et de l’autorité parentale du paternel au maternel, du patriarcat vers le matriarcat.
Mais où est le problème, pourrait-on objecter ?
En quoi cette inversion des rôles peut-elle être néfaste ? Il se trouve qu’elle s’accompagne dans les familles concernées de désordres psychologiques divers: alcoolisme masculin comme nous l’avons dit, conflits conjugaux, troubles de la personnalité chez la progéniture.
Comment peut-on l’expliquer simplement ? Il apparaît que le fonctionnement psychique de l’homme et de la femme diffère singulièrement. Il existe un cerveau masculin et un cerveau féminin qui ont chacun leur spécificité. Ce fait est bien établi scientifiquement chez l’animal (le rat) mais pas encore absolument chez l’être humain, l’expérimentation se heurtant bien évidemment à des barrières d’ordre éthique. Il s’agirait d’administrer des hormones de l’autre sexe au foetus humain, ce qui n’est pas concevable.
En outre, sur le plan de la psychopathologie…
On observe depuis longtemps que les femmes sont deux fois plus exposées que les hommes aux troubles anxieux et dépressifs. Cela pourrait être dû à la différence de leur statut social, depuis des temps immémoriaux. Mais cela pourrait tenir aussi à la différence de leur fonctionnement psychique, qui rendrait la femme plus vulnérable aux agressions de la réalité. De ce fait l’homme aurait, au sein de la famille, un rôle protecteur du fait, justement, d’un lien plus solide à la réalité, c’est-à-dire d’une fonction symbolique plus affermie.
Dans le matriarcat, le père tend à perdre ce rôle protecteur au profit de la femme qui ne peut assurer cette fonction que dans de rares cas. Il en résulte désordres, conflits et surtout, une difficulté majeure pour les enfants à trouver leurs repères identitaires. Cela explique que le trouble aura tendance à se transmettre avec les générations et à se pérenniser dans le temps, jusqu’à nos jours.
Il est capital de noter ici que le matriarcat s’est surtout développé dans les campagnes bretonnes où le breton était parlé jusqu’au milieu du siècle dernier alors que dans les villes, le français avait cours depuis le Moyen Age. Il est difficile d’évaluer son expansion mais elle fut probablement importante, du fait de sa notoriété.
Que nous apprend le matriarcat ?
Il nous informe d’une part que la psychologie de l’homme n’est pas celle de la femme et qu’ils ont donc au sein de la famille, et probablement de la société, une place sensiblement différente, et complémentaire. Il nous confirme d’autre part cette notion fondamentale de la psychanalyse, que le langage est le véritable moteur de notre développement psychique. C’est par le langage que l’enfant appréhende la réalité, et qu’il en prend possession. Également par le langage que le psychiatre explore le rapport de son patient à la réalité, et donc sa personnalité. C’est par le langage enfin, que le psychanalyste aide le sujet à faire venir en mots le contenu de son inconscient.
Le matriarcat est donc un révélateur de la psychologie des sexes.
5 commentaires
Pardon mais je ne comprends pas vraiment cet article, entre naturalisation de la femme, culpabilisation de la perte du breton et lacune scientifique ( il a été prouvé à de nombreuses reprises qu’homme et femme sont doués des même qualitées ), les seules différences étant dû à un contexte sociale millénaire qui pathologise et psychologise la femme. Comment pouvez vous, en tant que médecin, user d’un tel argumentaire ? En ce qui concerne votre assomption sur la tendance anxieuse et dépressive des femmes, incapable de protêger les enfants, renseigner vous peut être sur la notion de « charge mentale » féminine, les attentes sociales d’être une bonne mère, bonne femme, bonne travailleuse, soumise mais volontaire, sur les injonctions sociales et culturelles de genre. Attester que les femmes ne peuvent pas protêger leur famille quand elles sont les seules à tenir alors que l’homme que vous décrivez croule dans l’alcoolisme, l’abandon, le mutisme ? Ne pensez vous pas que la mère et épouse de cet homme protège sa famille, de l’alcoolisme de son mari pour commencer ? Comment pouvez vous attester d’un matriarcat avec une rhétorique si patriarcale au contraire ? L’accès des femmes au druidisme n’est pas gage de matriarcat mais d’égalité. La Bretagne est certainement plus matriarcale qu’ailleurs, mais pas selon vos arguments non sourcés. Enfin, je vous prierai de ne pas parler des femmes et de leur fragilité psychologique en ne sachant pas ce qu’est être une femme.
Bien à vous, une femme bretonne.
Bonjour Moan et merci de votre commentaire. Nous le transmettons à l’Auteur de l’article qui pourra vous répondre directement
Merci de suivre NHU Bretagne
Bonjour Madame, excusez-moi de vous répondre si tard, mais je ne suis pas encore bien habitué au site NHU.
Vous signez « une femme bretonne » et effectivement vous semblez être une femme de caractère comme le sont souvent les bretonnes, et telles que nous les aimons.
Voici d’abord quelques réflexions sur la psychologie de l’homme et de la femme. Je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais j’ai lu plusieurs ouvrages qui me permettent de me faire une opinion. Nous savons à présent qu’il existe un cerveau masculin et un cerveau féminin, qui diffèrent sur certains points, et que ces différences sont pour une part d’origine génétique, mais surtout d’origine hormonale. Je ne peux pas rentrer ici dans le détail, mais nous savons aussi que les hommes et les femmes ont un quotient intellectuel équivalent, ce qui signifie que globalement, ils sont d’intelligence égale. Ce qui les différencie est d’ordre qualitatif, et non pas quantitatif.
Ce que j’ai voulu mettre en évidence dans mon article, est que cette différence de fonctionnement psychique leur attribue un rôle différent et complémentaire au sein de la famille, mais aussi de la société. Certaines tâches sont plus féminines que masculines, par exemple le « maternage » et d’autres plus masculines que féminines, par exemple le « bricolage », sans qu’il n’y ait pour autant d’exclusive: un homme peut tout à fait faire du maternage, et une femme du bricolage, selon ses propres attraits.
En parlant du matriarcat breton, j’ai voulu mettre en évidence le fait que l’acculturation, c’est-à-dire la perte du langage et de la culture, a entraîné pour les hommes la perte de leur pouvoir d’autorité et de protection au sein de la famille, et de ce fait une grande souffrance psychique qui s’est traduite notamment par le mutisme et l’alcoolisme.
Du fait de cette défaillance masculine, les femmes ont dû prendre à leur compte cette charge qui revenait naturellement à l’homme, à l’époque du patriarcat. C’est ce que l’on nomme le matriarcat et qui est spécifique à la Bretagne, du fait d’une certaine égalité entre les sexes qui a toujours existé, jusqu’à l’avènement du code civil. Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer de ce matriarcat, ou de le considérer comme néfaste. Mais dans la pratique nous constatons de nombreux dysfonctionnements dans ces familles où le père est absent (même s’il est présent physiquement), que l’on constate encore aujourd’hui: alcoolisme, délinquance, toxicomanie, suicide, qui nous permettent justement de mieux cerner la fonction du père, en ce que la mère ne peut le remplacer.
J’espère avoir répondu à vos questions.
La consommation d’alcool effectivement peut être pour certains un façon de se remonter le moral. A force de consommer, on peut devenir alcoolique. Ce n’est pas la seule façon de tomber malafe de lalcool.. Historiquement, la Bretagne a servi de déversoir aux surplus viticoles du sud de la France. A cette époque, les politiques ont voulu calmer les vignerons qui manquaient de débouchés et logiquement ont favorisé « l’export » du mauvais vin du Languedoc sur deux régions densément peuplées : le nord et la Bretagne. Une fois, la mauvaise habitude prise et ancrée dans les mentalités , il devient difficile de s’en défaire, surtout si on vous serine que c’est une boisson naturelle…
Et que dire du monte en ligne des soldats ? Au service militaire, on habituait les jeunes à consommer du vin en leur en octroyant dans leur dotation tout comme on leur fournissant leur dose de tabac. Lors de la guerre de 14/18, les bretons furent envoyés en plus grand nombre que les habitants d’autres régions car la population était nombreuse et non indispensable à l’effort de guerre comme pa recemple, les ouvriers des usines du Nord de la France. Alors, il fallait du courage pour combattre et une aide informelle come le pinard et la gnole. Sans cela, sans cet anesthésiant qu’est l’alcool, il n’y aurait pas eu ces sacrifices au combat. Et ceux qui en ont réchappé ? Ils sont revenus alcooliques de ces tranchées. Je ne me souviens plus des references de ces livres lus en Bretagne qui ont cités ces éléments come pouvant expliquer l’alcoolisme en Bretagne mais c’est bien plus pertinent que cette explication fumeuse du matriarcat. Le matriarcat est plutôt dû à la tradition celte égalitaire, au fait que les hommes partant mer, les femmes ont dû assumer seules les tâches à terre, voire assumer quand l’homme est trop imbibé pour assumer quoi que ce soit.
Bonjour Madame, et merci de votre commentaire. Effectivement, j’ignorais cet élément important que vous me signalez, concernant l’importation du « mauvais vin » du sud vers le nord et l’ouest de la France. On m’a signalé aussi que dans les campagnes, le « mauvais vin » d’Algérie avait remplacé le cidre, dans la 2e moitié du XXe siècle. Pour ce qui est de la Première Guerre mondiale, le vin n’existait pas encore dans les campagnes bretonnes et à leur retour, les soldats n’en disposaient pas.
Je voudrais souligner ici deux points importants. D’une part, je ne considère pas que l’alcoolisme des hommes soit une conséquence du matriarcat. Il s’agit de deux phénomène qui sont concomitants. Dans mon ouvrage, au terme d’un long chapitre intitulé « Alcoolisme et matriarcat », j’arrive à cette conclusion. Je précise ici que mon livre n’est en principe plus disponible en librairie, il devrait, je l’espère, être de nouveau publié chez un autre éditeur (nous vous tiendrons informés). Enfin, dernier point, l’égalitarisme des sociétés celtes est lié au fait que ces sociétés ont été peu imprégnées par le patriarcat qui s’est développé en Occident, consécutif aux invasions successives venues de l’Asie Centrale (lire à ce sujet « L’origine des systèmes familiaux » de E. Todd).
Je rappelle enfin qu’il est difficile, dans un article forcément limité, d’être exhaustif dans son argumentation, ce qui expose l’auteur à l’acrimonie.