L’Europe est en droit de contrôler les migrations en direction de son territoire, c’est entendu. On conviendra encore que la politique menée par l’État turc, marquée par l’absence totale de scrupules d’un véritable autocrate, peut être qualifiée d’odieuse.
Mais fallait-il pour autant donner quitus à l’État grec de son rejet violent des réfugiés syriens, à coups de fusil et à grand renfort de mobilisation de supplétifs ? Les images sont terribles pour l’Europe. On parle même d’un migrant tué par balle.
Certes, ce « rejet de l’envahisseur » répond au besoin de maîtriser la pression migratoire et rassure l’opinion publique tentée par le vote extrémiste. Mais ne s’agit-il pas là d’un objectif à courte vue, et oublieux de l’essentiel ?
Sommaire
L’essentiel, c’est le petit caillou dans la chaussure de l’Union européenne.
L’humanité ou ses valeurs fondatrices de respect de la dignité humaine. En soutenant avec conviction l’État grec dans l’emploi de la force contre les migrants, l’Europe viole ses propres valeurs fondatrices. Elle se tire une balle dans le pied, elle qui, déjà si fragile, menace à chaque crise de se déliter.
Création hybride, l’Union européenne se déchire entre les intérêts des Etats nations souverains, et la dynamique de dépassement. Comme la déesse mythologique qui lui donna son nom, l’Europe est une âme blessée qui peine à surmonter la force brutale et maléfique.
C’est la logique de replis des États nations souverains qui s’est exprimée à la frontière grecque, avec ces gardes-frontières capables de faire feu de sommation en direction de migrants voguant sur des embarcations de fortune, avec le renfort de civils prêts à tout pour repousser l’envahisseur.
Cette logique de repli signe la mort de l’Union européenne dont le moteur est l’esprit de dépassement.
On ne crée pas d’unité dans la haine d’autrui mais autour de valeurs fortes susceptibles de rassembler. La France ferait bien d’y songer, elle qui a tout construit sur la mort de ses vieux peuples qui attendent la juste reconnaissance.
L’Europe nous donne le sentiment d’une forteresse envahie qui ne parle plus à l’humanité. Elle recèle même en son sein des prisonniers politiques catalans. Qui voudra demain défendre l’Europe de la haine et du repli ?
Cette Europe-là ne fait plus sens. Je frémis à lire tous ces messages de haine qui fleurissent sur les réseaux sociaux et qui encouragent les gardes-frontières grecs et hongrois. L’Union européenne ne retrouvera pas le poids politique qu’elle a perdu, sans remonter à sa source humaniste.
Europe, réveille-toi !
En disant cela, c’est moins aux migrants que je pense qu’à nous-mêmes. Ce rejet violent d’autrui nous parle de nous, Européens, et c’est terrifiant.
Qu’aurions-nous dû faire ? Au lieu de tirer des coups de semonce, les recevoir dignement, prendre soin d’eux, répondre à leurs besoins fondamentaux, les répartir sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne et ensuite seulement, vérifier leur situation au regard des lois régissant les étrangers.
On m’opposera l’appel d’air ? Il est faux de prétendre que les frontières ont encore un sens, alors qu’il est si simple de les contourner. Et que valent les frontières, si un seul homme est en souffrance ?
L’humanité n’est pas notre faiblesse, c’est notre force et la seule cause qui vaille. A nous de nous en convaincre, car si nous n’en sommes plus convaincus, qui d’autre le sera ?
A voir les Grecs, germés du berceau de la pensée humaniste, tirer en direction de frêles embarcations, je ne peux m’empêcher de songer à l’avenir de l’humanité. Et si elle était déjà morte ?
Que ferons-nous demain, des grandes migrations climatiques à venir ?
Europe, réveille-toi !