Il nous arrive régulièrement et certainement à tous de découvrir à quel point telle musique que nous écoutions un peu machinalement, nous avait accompagnée durant notre vie au point d’y jouir d’une place majeure, symbolique.
Jean-Paul Corbineau avec son groupe Tri Yann, patrimoine de la musique bretonne, participa à la vie de nombreuses personnes. Il clama alors, aux côtés de ses deux compagnons, haut et fort la grandeur de la culture bretonne au cœur même de son ancienne et historique capitale un peu endormie.
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Depuis décembre, et le jour de son décès, je n’aurais pas voulu que la disparition de Jean-Paul Corbineau se fasse en silence.
Car finalement lui, se battit toute sa vie pour détruire tous les silences que la France aurait voulu créer. Je fais ici référence aux silences qu’elle aurait bien prolongés, consolidés comme des caveaux, à propos de l’identité bretonne, en général et en Loire-Atlantique, à propos de l’histoire de notre pays. Jean-Paul Corbineau chanta, dansa, il nous rapporta de la profondeur des âges, avec ses deux compères Jean-Louis Jossic, l’exubérant trublion et Jean Chocun, le discret, des textes anciens, parfois mêmes en vieux « françois » incompréhensibles et ils arrivèrent à nous ravir quand même. Tous les trois contribuèrent à ce que beaucoup, a priori condamnés à l’ignorance, approchent de la découverte souhaitée de Morvan Lebesque, de ce qu’ils sont.
Hommage.
Pour tout cela, je voulais rendre hommage à Jean-Paul Corbineau qui, de sa voix posée, un peu académique de professeur de chant sut aimer si fort la Bretagne, Nantes qu’il nous oblige aujourd’hui à ne plus l’oublier. Évidemment de nature plutôt stoïque, nous, Bretons, aimons peu les réactions exagérées, et restons bien plus souvent dans une posture pudique et secrète. Nos héros sont ainsi en notre pays des gens simples, n’opposant aucune prétention entre eux et le reste de la population.
C’étaient les Frères Morvan, c’était Glenmor.
Quoiqu’il en soit, mon cœur et le cœur de beaucoup, je n’en doute pas, vous entendront encore, Monsieur Corbineau, en leurs souvenirs, occupés sur le chemin de vos mélodies.
A chacune de celles-ci, c’est la Bretagne que je voyais ressurgir, vivre pleinement.
Nantes en Bretagne.
Parce qu’il venait de Nantes / Naoned où le cœur de la Bretagne (à savoir celui d’Anna Vreizh au Musée Dobrée) réside toujours, parce qu’il a œuvré pour la Bretagne nous ne pouvons que le saluer à l’heure de son départ. Il fit partie de cette génération, avec Gilles Servat, Alan Stivell, de défenseurs ardents d’une cause perdue depuis des siècles et qui pourtant survit toujours et pour longtemps. La Bretagne est ainsi faite qu’elle n’a pas d’armée (elle n’en a plus), elle n’a pas de violence mais elle a ses résistants, des combattants armés de détermination, de passion et parfois de guitares, de binious et de bombardes. Jean-Paul Corbineau a contribué à ce que l’on chante, danse, ensemble autour de notre hermine blanche.
Merci à vous Monsieur Jean-Paul Corbineau.
Je vous aurais vu en concert quelques fois, à Nantes / Naoned, à Guingamp / Gwengamp, à Concarneau / Konk Kerne et ailleurs, et j’aurais aimé vous revoir encore et encore. Mais la vie des hommes est réduite, à la différence des rêves.
Né à Nantes comme vous, mais sensiblement à l’époque de mon père, moi aussi j’ai été soumis à cette incertitude : « Suis-je même Breton ? » comme vous le disiez en prenant un accent appuyé afin de rouler lourdement le R. Et vous avez à votre manière, réhabilité ma grand-mère qui née au début du XXème siècle avait officiellement vu le jour, Bretonne, en Bretagne, en Loire-Atlantique avant d’en finir avec la vie dans les années 2000, toujours en Loire-Atlantique mais entre-temps dépossédée, volée de ce qu’elle était car projetée au sein des « Pays de la Loire ». Par votre musique, vous lui avez permis, à elle, à mon père, à moi d’être ce qui nous était refusé d’être.
Il y eut en Bretagne, la célèbre affaire Seznec.
Mais il y eut aussi finalement le vol de tant d’identités bretonnes et des millions de victimes. Et vous avez dénoncé cette folie sans cesse. Merci donc Monsieur Corbineau, de nous avoir permis d’être un peu plus libre. Nous aurons désormais à poursuivre notre lutte.
La Bretagne, la Haute, la Basse, toute la Bretagne réunie, aussi vous a tant et tant aimé.
Nous vous applaudirons donc encore et pour longtemps.