monnaies locales en Bretagne

Monnaies locales en Bretagne

de Alain RAULLET

Monnaies locales en Bretagne : et si la révolution économique commençait ici ?

Monnaies locales en Bretagne : et si la véritable autonomie commençait dans nos poches ?
Derrière ce mot presque oublié — monnaie locale — se cache une idée puissante : reprendre le contrôle sur la circulation de la richesse, là où elle est produite. En Bretagne, plusieurs régions ont déjà osé le pas. Leurs expériences racontent une autre manière de penser l’économie : plus proche, plus solidaire et plus libre.

Car la monnaie locale en Bretagne n’est pas une utopie d’économistes ou d’altermondialistes. C’est une réalité vivante, parfois fragile, mais porteuse d’un immense potentiel. Et au cœur de ce mouvement, un nom revient avec insistance : le PEZH, la monnaie du Trégor-Goëlo, symbole d’un avenir encore à construire.

Les monnaies locales bretonnes : un maillage discret mais bien réel

La Bretagne fait partie des pays où les monnaies locales citoyennes se sont le plus développées en Europe.
Aujourd’hui, on compte plusieurs initiatives actives :

  • L’Heol, créée à Brest en 2011, couvre une large partie du Finistère.
  • Le Segal, lancé à Rennes / Roazhon, dynamise l’économie locale du pays de Vilaine.
  • Le Bizh, en Morbihan, soutient artisans et commerces de proximité.
  • Le Buzuk, monnaie emblématique du pays de Kemper, compte déjà plus de 400 utilisateurs.
  • Et enfin, le Pezh, dans le Trégor-Goëlo, qui cherche aujourd’hui un second souffle.

Chacune de ces monnaies locales en Bretagne partage le même principe : 1 unité = 1 euro, mais dépensée localement et au service d’entreprises engagées.
Les euros échangés ne disparaissent pas. Ils sont déposés sur un compte éthique, souvent géré par une banque coopérative, et servent à financer des projets durables dans le pays.

Pourquoi une monnaie locale ? Pour que la richesse reste en Bretagne

Chaque jour, des millions d’euros quittent la Bretagne pour alimenter les circuits des grandes enseignes et des multinationales. Cet argent, une fois dépensé, ne revient presque jamais.
À l’inverse, une monnaie locale crée une boucle vertueuse : elle circule uniquement dans le pays ou dans une de ses régions, soutenant les producteurs, les artisans, les associations et les commerces locaux.

Quand vous payez un café, un panier de légumes ou une réparation de vélo en monnaie locale, vous multipliez l’impact de votre dépense. Votre argent soutient un réseau de partenaires responsables, qui eux-mêmes font travailler des acteurs du territoire.

C’est une manière concrète de reprendre la main sur l’économie, sans attendre une réforme venue de Paris ou de Bruxelles. Et c’est bien là que réside l’esprit breton : décider par Nous-Mêmes, pour Nous-Mêmes.

Le Pezh : un symbole d’espoir dans le Trégor-Goëlo

Le Pezh, lancé en 2018, tire son nom du mot breton signifiant « part » ou « portion ». Il incarne une idée simple : chaque citoyen peut prendre sa part dans la construction d’une économie locale.
Mais malgré un départ prometteur, la monnaie peine aujourd’hui à trouver son rythme. Beaucoup d’habitants ignorent encore son existence, et nombre de commerçants restent prudents.

Pourtant, le potentiel est immense. Si le Pezh parvenait à mobiliser 1 400 professionnels, objectif ambitieux mais atteignable, il deviendrait la première monnaie locale européenne. Une telle réussite attirerait l’attention de toute la presse bretonne, voire au-delà.

Des acteurs réunis autour du centre Milin Kemper à Kemper Gwezhenneg, travaillent à une relance structurée. Leur idée : transformer le redémarrage du Pezh en challenge collectif, où chaque inscription de professionnel serait conditionnelle au franchissement d’un seuil de participation.
Cette méthode, à la fois rigoureuse et motivante, pourrait créer une dynamique sans précédent.

Une méthodologie à la bretonne : collective, concrète, ancrée

Le renouveau du Pezh reposerait sur trois piliers simples :

  1. Mobilisation citoyenne : aller à la rencontre des commerçants, un par un, dans tout le Trégor-Goëlo.
  2. Transparence : expliquer clairement comment fonctionne la monnaie et où vont les euros convertis.
  3. Engagement commun : conditionner le lancement à l’atteinte d’un objectif collectif.

Ce mode d’action rappelle les meilleures campagnes bretonnes : solidaires, méthodiques et têtues. En Bretagne, on sait qu’une idée, même modeste, peut changer beaucoup quand elle s’enracine dans le réel.

Des retombées locales concrètes

L’impact d’une monnaie locale dépasse la simple transaction. Elle :

  • favorise les circuits courts et réduit les transports inutiles ;
  • stimule l’emploi en consolidant les petits commerces ;
  • renforce les liens sociaux, car les utilisateurs se reconnaissent dans une démarche commune ;
  • valorise la langue et l’identité bretonnes, souvent présentes sur les billets ou dans la charte des partenaires ;
  • oriente l’épargne vers des projets éthiques et locaux.

En d’autres termes, utiliser une monnaie locale en Bretagne, c’est acheter breton, penser breton et investir breton.Des exemples qui fonctionnent dans d’autres pays

Le scepticisme initial n’est pas une fatalité. D’autres pays ont réussi là où tout semblait impossible.
Le Basque Esko, par exemple, circule depuis 2013. Avec plus de 4 millions d’unités en circulation, il est devenu un modèle européen. Les banques locales le soutiennent, les entreprises y adhèrent massivement, et les habitants en sont fiers.

Même constat à Toulouse (France), où le Sol-Violette continue d’exister plus de dix ans après sa création, ou à Grenoble avec la Gonette.
Ces expériences montrent qu’une monnaie locale peut devenir un outil stratégique de développement territorial, dès lors qu’elle s’appuie sur un vrai réseau et une communication forte.

Et ailleurs près de nous…

Écosse. L’Eko circule depuis 2002 autour de l’écovillage de Findhorn, à parité 1:1 avec la livre sterling. Cette monnaie locale finance des projets durables via des prêts à faible taux, ancrant l’économie dans le territoire. Par ailleurs, Scotcoin explore une voie crypto à finalité sociale, tandis que les billets écossais restent bien des livres sterling, et non des monnaies locales.


Pays de Galles. Le projet Celyn développe un système de mutual credit à l’échelle du pays pour renforcer les chaînes d’approvisionnement locales. En parallèle, les Tempo Time Credits récompensent le bénévolat : les participants gagnent des crédits-temps qu’ils dépensent auprès de partenaires gallois. Ces initiatives complètent une monnaie indexée et préparent le terrain à une adoption régionale plus large.


La Bretagne a tout pour réussir

Avec sa culture de coopération, son tissu d’associations et son identité affirmée, la Bretagne réunit toutes les conditions pour faire de ses monnaies locales un modèle européen.
L’Heol, le Buzuk ou le Pezh pourraient un jour être interconnectés, permettant à un habitant de Karaez de payer à Rennes / Roazhon sans changer de système.
Cette interopérabilité, déjà expérimentée ailleurs,renforcerait encore la cohérence du projet breton.

Et pourquoi ne pas imaginer, à terme, une grande monnaie bretonne complémentaire, fédérant l’ensemble des initiatives régionales ? 
Ce serait une manière concrète de traduire l’esprit de “Ni Hon-Unan”Nous-mêmes — dans la vie économique.

Le rôle clé des institutions locales

Pour que la monnaie locale en Bretagne prenne toute son ampleur, les collectivités doivent aussi jouer le jeu.
Certaines mairies, déjà, acceptent d’être payées en monnaie locale pour certains services. D’autres versent une partie des indemnités d’élus en unités locales.
Ces gestes, encore rares, montrent la voie. Ils prouvent qu’une autre gestion des finances publiques est possible, plus proche, plus vertueuse et plus ancrée.

À terme, une Bretagne plus libre pourrait décider de soutenir officiellement ces initiatives, voire de les inclure dans ses politiques économiques.
Les outils existent. Il ne manque qu’une volonté politique et une mobilisation citoyenne à la hauteur de l’enjeu.

Et si la Bretagne montrait encore l’exemple ?

Les Bretons n’ont jamais attendu qu’on leur dise comment vivre. 
Ils innovent, expérimentent, se mobilisent. Les monnaies locales ne sont qu’une facette de cette vitalité.
Elles rappellent que la souveraineté ne se résume pas à la politique, mais se joue aussi dans nos actes quotidiens : consommer, produire, échanger autrement.

En soutenant l’Heol, le Buzuk, le Segal, le Bizh ou le Pezh, chacun participe à une économie plus libre, plus résiliente et plus bretonne.
Ce n’est pas un retour en arrière. C’est un pas en avant vers une Bretagne capable de bâtir son avenir économique sur ses propres forces.

La Bretagne, laboratoire d’une nouvelle économie ?

Le mouvement des monnaies locales en Bretagne n’en est qu’à ses débuts.
Il repose sur des citoyens qui refusent la fatalité de la dépendance et croient encore à la puissance du collectif.
Si le Pezh parvient à se relancer, il pourrait devenir le moteur d’un renouveau breton, prouvant qu’une économie humaine, éthique et locale peut rivaliser avec les grands circuits financiers.

Et si demain, la Bretagne devenait le premier pays européen où la monnaie retrouve son vrai sens : servir les gens, pas les marchés ?
L’avenir dira si nous aurons su, une fois encore, montrer la voie.

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4 commentaires

Mathias 15 novembre 2025 - 9h23

faut vraiment en faire exprès pour ignorer le galleco (et peut-être d’autres monnaies locales ?… sans doute pas suffisamment bzh…) https://galleco.fr/cest-quoi-le-galleco/

Répondre
Anne Merrien 15 novembre 2025 - 11h34

C’est bien sympathique de donner des noms bretons, mais la grammaire et l’orthographe ne s’y retrouvent pas.
buzhug : des vers de terre.
ur vuzhugenn : un ver de terre
div vuzhugenn : deux vers de terre
teir buzhugenn : trois vers de terre
peder buzhugenn : quatre vers de terre

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