Peuples armoricains : Osismes, Namnètes, Coriosolites, Redones, Venêtes - Histoire de Bretagne

Peuples armoricains : Osismes, Namnètes, Coriosolites, Redones, Vénètes – Histoire de Bretagne

de NHU Bretagne
Publié le Dernière mise à jour le

Voici le 11e épisode de notre série L’Histoire de Bretagne écrite par des Bretons libres.

Des peuples d’élites à forte identité maritime.

Osismes, Namnètes, Coriosolites, Redones, Vénètes : l’Armorique fut la terre de cinq peuples puissants et distincts.
Ces noms résonnent aujourd’hui encore dans les paysages, les toponymes et parfois même dans l’identité locale. Pourtant, ces peuples sont souvent engloutis sous le mythe globalisant des « Gaulois », forgé par les manuels scolaires français.

Pourtant, les peuples de l’Armorique n’étaient pas des sous-tribus indistinctes. Ils formaient des communautés structurées, avec des capitales, des territoires définis, et même des relations diplomatiques entre eux. Grâce aux textes de César, Strabon ou Pline l’Ancien, mais aussi aux découvertes archéologiques récentes, nous pouvons reconstituer en partie leur histoire. Ces peuples possédaient leurs propres spécificités, parfois solidaires face à Rome, parfois rivaux entre eux.

En effet, l’Armorique n’était pas une terre périphérique, isolée ou sauvage. Bien au contraire. Elle était intégrée dans les grands réseaux commerciaux de l’Europe antique. Par mer ou par voie terrestre, l’étain, le sel, la céramique et d’autres richesses circulaient activement. Ces cinq peuples ont su exploiter leurs atouts géographiques pour s’imposer dans les dynamiques économiques et politiques du continent.

Mais ils ont aussi résisté. Quand Jules César entreprend la conquête de ce qu’il appellera la Gaule, l’Armorique devient un front majeur. Les Vénètes en particulier opposent une résistance acharnée, à la hauteur de leur puissance maritime. Leur défaite marquera le début de la domination romaine.

À travers ce nouvel épisode, nous redonnons vie à ces peuples oubliés. Non pas comme des figurants dans une histoire centralisée, mais comme les véritables acteurs d’un territoire vivant, puissant et déjà breton.

Osismes
Osismes Namnètes Coriosolites Redones Vénètes : les cinq peuples armoricains de l’actuelle Bretagne couvraient à peu près les actuels cinq départements bretons.

Osismes à l’extrémité du monde connu

Les Osismes occupaient ce que nous appelons aujourd’hui la pointe de la Bretagne occidentale. Leur territoire s’étendait de l’Aulne / Ster Aon jusqu’à la mer d’Iroise, incluant les actuels pays de Cornouaille, du Léon et du centre Finistère.
Leur capitale, Vorgium, située à l’emplacement de Carhaix / Karaez, était un important carrefour commercial.

Contrairement à l’idée d’une Armorique isolée, les Osismes étaient pleinement connectés. D’ailleurs, leur nom signifie littéralement ceux du bout du monde. Mais cela ne les empêchait pas d’échanger avec d’autres peuples gaulois et maritimes. Ils tiraient profit des routes intérieures, des fleuves et des chemins antiques qui sillonnaient l’Armorique.

Leur mode de vie était structuré autour de villages organisés autour de chefs, économie agricole, artisanat du métal, mais aussi commerce du sel et de l’étain. Les fouilles archéologiques réalisées à Carhaix / Karaez ont révélé une ville structurée, dotée d’un système d’adduction d’eau, preuve d’une société avancée avant même l’arrivée des Romains.

Lorsque César mène ses campagnes de conquête, les Osismes font partie des peuples qui résistent. Mais ils ne sont pas les plus hostiles. Leur éloignement géographique les place en marge des premières batailles. Toutefois, ils se rallieront au soulèvement général de Vercingétorix en -52, confirmant leur attachement à une forme d’autonomie.

Ainsi, bien que moins célèbres que les Vénètes, les Osismes n’étaient pas des figurants. Ils incarnaient l’Armorique maritime et intérieure, solide, organisée, et ancrée dans des traditions millénaires.

Stèle du sculpteur breton Patrick Gueho dédiée aux Osismes à Karaez / Vorgium / Carhaix

📍 Armorique ou Bretagne

On peut parler d’Armorique du IIe siècle avant notre ère jusqu’au Ve siècle après JC..

Ce terme, d’origine latine (are-morika, “pays devant la mer”), désignait alors l’ensemble de la façade atlantique nord-ouest de la Gaule, de la Loire jusqu’à la Seine.

À partir du Ve siècle, avec l’arrivée massive de migrants venus de l’île de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), l’Armorique occidentale change d’identité.

Peu à peu, elle devient Bretagne, du nom de ces nouveaux habitants. Ce nom s’impose pleinement entre le VIe et le VIIIe siècle, avec l’émergence des royaumes bretons, jusqu’à donner naissance au royaume, puis au duché de Bretagne.

Namnètes gardiens de l’estuaire de la Loire

Les Namnètes occupaient l’ouest de l’actuelle Loire-Atlantique, département breton le plus au sud, autour de leur capitale Condevincum, ancêtre de Nantes / Naoned
Situés sur la rive nord de la Loire, ils contrôlaient un point stratégique : l’estuaire. Grâce à cela, ils développaient une économie prospère, fondée sur le commerce fluvial et maritime.

Leur nom pourrait venir de la racine celtique namneto, liée à l’humidité ou à un peuple des eaux. Ce lien avec le fleuve était au cœur de leur puissance. En effet, les Namnètes servaient d’intermédiaires entre les peuples maritimes armoricains et les peuples de l’intérieur, comme les Éduens ou les Bituriges. Leurs navires, bien que moins puissants que ceux des Vénètes, étaient réputés.

Durant la « Guerre des Gaules », les Namnètes s’allient aux Vénètes contre l’envahisseur romain. Ils fournissent des navires et des troupes dans cette coalition maritime. Mais leur défaite aux côtés des Vénètes en -56 av. J.-C. provoque un retournement brutal : leur élite est décapitée par les légions de César.

Cette punition fut exemplaire. César voulait briser l’indépendance maritime de l’Armorique. Malgré cela, l’identité des Namnètes survécut longtemps, comme en témoignent plusieurs inscriptions et noms de lieux. Nantes / Naoned elle-même conserve encore leur mémoire.

Coriosolites tournés vers la Mor Breizh ou Channel

Les Coriosolites vivaient dans l’actuel département breton des Côtes-d’Armor, principalement autour de la capitale Corseul, située non loin de Dinan. Ils contrôlaient une portion importante du littoral nord, avec un accès direct à la Manche, ce qui favorisait les échanges avec les îles britanniques et le monde nordique.

Leur nom viendrait du gaulois corio- (troupe, armée) et solito- (habitué, expérimenté), ce qui pourrait se traduire par “guerriers expérimentés”. Une appellation évocatrice, qui souligne sans doute leur rôle militaire dans la région. D’ailleurs, leur territoire était une zone de contact entre plusieurs peuples : Vénètes à l’ouest, Redones au sud, peuples de l’actuel Cotentin normand au nord-est.

Corseul fut une ville prospère à l’époque gallo-romaine. Mais avant cela, le site était déjà un centre important, probablement un oppidum fortifié. Le peuple coriosolite maîtrisait les techniques agricoles, métallurgiques et artisanales. Le commerce maritime constituait aussi une source de richesse.

Contrairement aux Vénètes, les Coriosolites ne sont pas cités pour une résistance marquée contre César. Ils semblent s’être soumis plus rapidement, probablement pour éviter les destructions massives infligées aux autres. Ce choix leur permit de préserver leur structure sociale et d’obtenir certains avantages dans la romanisation.

Aujourd’hui, leur nom survit dans quelques lieux-dits, mais leur mémoire reste moins présente que celle des autres peuples. Pourtant, ils ont contribué à façonner l’Armorique nordique.

Redones cœur vibrant de l’Armorique

Les Redones occupaient le centre de l’actuelle Bretagne orientale, avec pour capitale Condate, future Rennes / Roazhon. Leur position géographique leur donnait un rôle central dans les réseaux terrestres de l’Armorique. Grâce à eux, les voies commerciales reliant la Manche, l’océan Atlantique et la Loire convergeaient vers l’intérieur.

Leur nom pourrait signifier “les conducteurs de chars” ou “les cavaliers”, ce qui renforce l’idée d’un peuple mobile, habile dans les échanges et les contacts interpeuples. Les Redones étaient en lien étroit avec les peuples de l’intérieur à l’est comme les Andécaves ou les Turons, mais aussi avec les Vénètes et les Coriosolites.

Condate était déjà une ville organisée avant l’arrivée des Romains. L’urbanisme antique s’est appuyé sur des structures préexistantes. On y trouve encore aujourd’hui des traces de ce passé millénaire. Les Redones sont aussi connus pour leur artisanat du fer et leurs productions agricoles variées.

Ils participèrent, comme d’autres peuples armoricains, à la révolte générale contre César en -52. Leur implication est attestée dans les textes antiques, même si leur rôle exact reste secondaire comparé aux Vénètes. Leur choix de résister montre cependant leur attachement à l’indépendance.

Après la romanisation, les Redones surent préserver leur position centrale. Rennes / Roazhon demeura un carrefour stratégique durant toute l’Antiquité et le Moyen Âge. Leur héritage est donc très présent dans l’actuelle identité bretonne orientale.

Stèle du sculpteur breton Patrick Gueho dédiée aux Vénètes à Lokmaria Kaer

Vénètes maîtres de la mer

Les Vénètes furent sans doute les plus puissants et les plus redoutés des peuples armoricains. Installés sur la façade sud de l’actuelle Bretagne, autour de leur capitale Darioritum (Vannes / Venetis / Gwened), ils dominaient le golfe du Morbihan (mot breton qui signifie « Mer petite » en langue française) et au-delà. Leur flotte commerciale et militaire était réputée dans tout l’ouest de l’Europe.

Leur nom évoque une racine indo-européenne signifiant “amour, désir, conquête” – un nom de prestige, partagé par d’autres peuples antiques comme les Vénètes de la Venise italienne. En Armorique, ils formaient une thalassocratie, une puissance fondée sur la mer. Leurs navires à fond plat, renforcés pour affronter les marées et les vents, étaient bien supérieurs à ceux des Romains.

C’est précisément cette puissance maritime qui les rendit incontournables… et menaçants. En -56, ils forment une coalition de peuples armoricains pour résister à César. Leur stratégie repose sur le contrôle des routes maritimes et sur l’évacuation rapide de leurs villes côtières. Mais les Romains, après avoir construit une flotte ad hoc, réussissent à les vaincre au terme d’une bataille navale spectaculaire.

La répression fut féroce. Le Sénat des Vénètes fut exécuté, leur élite déportée. Cependant, leur mémoire résista. Ils restèrent longtemps un symbole de résistance armoricaine à la domination romaine.

Encore aujourd’hui, la toponymie morbihannaise, la richesse archéologique et le nom même de Vannes / Gwened témoignent de leur influence. Les Vénètes étaient plus qu’un peuple : ils étaient une puissance.

Une Armorique bien vivante

Les cinq peuples de l’Armorique – Osismes, Namnètes, Coriosolites, Redones et Venètes – n’étaient pas de simples tribus éparpillées sur une terre marginale. Ils formaient un ensemble cohérent, dynamique, structuré, profondément enraciné dans la civilisation européenne. Leurs capitales, leurs routes, leurs alliances et même leurs rivalités témoignent d’un haut niveau d’organisation, bien avant la conquête romaine.

Ces peuples ont su exploiter les atouts géographiques de leur pays. Les Osismes dominaient les terres de l’intérieur, riches en ressources naturelles. Les Namnètes contrôlaient l’estuaire de la Loire, carrefour entre terres et mer. Les Coriosolites, aux confins de la Manche, jouaient un rôle tampon stratégique. Les Redones, eux, faisaient circuler hommes et biens dans les vallées du centre. Quant aux Vénètes, ils imposaient leur suprématie navale de la presqu’île de Rhuys aux îles atlantiques.

Face à la pression romaine, chacun choisit sa voie : résistance farouche ou reddition stratégique. 
Mais tous furent intégrés de force dans un Empire qui effaça peu à peu leurs structures politiques. Pourtant, leur mémoire survit. Dans les noms de villes – Carhaix / Karaez, Nantes / Naoned, Vannes / Gwened, Rennes / Roazhon, Corseul – dans les traditions orales, et parfois même dans l’esprit breton lui-même, toujours rebelle à la domination extérieure.

Rappeler l’existence de ces peuples, c’est rompre avec l’imagerie du “Gaulois uniforme” imposée par le roman national français. C’est rendre justice à la diversité, à la profondeur et à la richesse de la Bretagne à devenir. C’est aussi une manière de dire que notre Histoire n’a pas commencé avec la France… et qu’elle ne se termine pas avec elle.

En revendiquant nos racines armoricaines, nous affirmons une Bretagne complexe, fière et libre. 
Une Bretagne qui ne se résume ni à des clichés folkloriques, ni à des chapitres imposés par d’autres. Ces cinq peuples armoricains sont les premières pierres d’une nation toujours debout.

Retrouvez les dix précédents épisodes de notre série L’Histoire de Bretagne écrite par des Bretons libres

Osismes Namnètes Coriosolites Redones Vénètes : Image header designed by FreePik IA

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4 commentaires

Penn kaled 11 août 2025 - 9h14

Voici une autre approche de l’énigme armoricaine!!
http://marikavel.com/genese/genese-chapitre_iii.htm

Répondre
Anne Merrien 13 août 2025 - 14h28

Pourquoi utiliser l’adaptation latine Vorgium et non le nom gaulois d’origine : Uorgion ?

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Anne Merrien 13 août 2025 - 14h44

Aremorica signifie bien « devant la mer » mais c’est du gaulois, pas du latin (ante mare).

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Anne Merrien 13 août 2025 - 15h01

Carhaix viendrait du latin carrofensis. Carrefour, je suppose.

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