Philippe Carrer

Qui était Philippe Carrer, ethnopsychiatre spécialiste de la civilisation bretonne ?

de Michel CRENN
Publié le Dernière mise à jour le

Philippe Carrer, pour l’amour de la Bretagne

Philippe Carrer nous a quittés le 11 mars 2023, à l’âge de 94 ans.
Le jour de ses obsèques dans la petite église Saint-Julien qui surplombe le port d’Audierne / Gwaien, une pluie fine tombait discrètement sur la Bretagne, et je me suis permis de confier à sa famille : « On dirait que la Bretagne le pleure… »
Étonnamment, nous n’étions qu’une poignée de personnes à assister à la cérémonie religieuse, et je me suis dit que ce dénuement lui convenait très bien.

Qui était Philippe Carrer ?

Philippe Carrer naît à Rennes / Roazhon en 1928.
Après une enfance passée à Vitré / Gwitreg puis à Rennes, il poursuit ses études secondaires à Saint-Lô durant la guerre qui anéantit la ville. Son père est fonctionnaire dans d’administration fiscale.
Attiré lui-même par l’administration coloniale et par le professorat d’Histoire, c’est finalement vers la Médecine qu’il se dirige, suivant le conseil de son père.

Philippe Carrer débute ses études à l’école de Médecine de Rennes et les poursuit à Bordeaux où il passe le concours de l’Internat en Psychiatrie.
Au cours de ces années 1950, il assiste à la transformation radicale de la discipline avec l’apparition des neuroleptiques, des anxiolytiques et des antidépresseurs, qui permettent d’ouvrir le champ de la psychothérapie à ceux qui auparavant s’en trouvaient écartés.

Des études et des responsabilités …

Après avoir obtenu un poste d’Assistant dans le centre de la France, il est reçu au concours des Hôpitaux psychiatriques et débute sa carrière hospitalière à Plougernevel, dans les Côtes d’Armor.

A l’âge de 37 ans Philippe Carrer est nommé chef de service à Rouen et entreprend à Paris une psychanalyse durant cinq années.
En 1974 il crée le secteur psychiatrique de l’hôpital de Kemperle dont il restera le chef de service jusqu’à sa retraite en 1994.
En 1976 il publie son premier ouvrage, La dépression d’Ovide, poète romain qui fut relégué à Tomis sur les bords de la Mer Noire aux confins de l’empire romain, par l’empereur Auguste.

L’auteur y allie ses deux passions pour l’Histoire et pour la Psychiatrie. A la même époque il fonde la Société Bretonne d’Ethnopsychiatrie et prend la direction de la section « Anthropologie médicale » de l’Institut Culturel de Bretagne.

Philippe Carrer

Philippe Carrer ethnopsychiatre et grand spécialiste de la civilisation bretonne

Des publications, encore …

En 1983 Philippe Carrer publie son premier ouvrage d’Ethnopsychiatrie intitulé Le matriarcat psychologique des Bretons, suivi de Oedipe en Bretagne en 1986.
Dans le même temps il obtient à l’université de Brest un DEA de civilisation de la Bretagne.
En 1997 il publie un premier ouvrage d’Histoire intitulé Louis de Plélo, une folle entreprise au siècle des lumières.
En 1999 il publie Ethnopsychiatrie en Bretagne, Tome 1 puis en 2011 le Tome 2. Ces deux ouvrages constituent le coeur de ses travaux d’Ethnopsychiatrie, dans lesquels il développe la thèse d’une acculturation pathogène des Bretons.

Puis il poursuit ses ouvrages d’Histoire avec Ermengarde, l’autre duchesse de Bretagne (2003), La Bretagne et la guerre d’indépendance américaine (2005), Quimperlé, 3 emblèmes pour 3 rivières (2010), Folies et déraisons en Bretagne d’antan (2012).
En 2014 il se lance dans le roman historique avec Une armure et des rêves, suivi de Pour l’amour de Anne Kervour en 2021, et le troisième restant à paraître.
C’est donc treize ouvrages que l’on doit à Philippe Carrer, écrits pour la plupart durant sa retraite à Redene.

Philippe Carrer, une personnalité bretonne

Outre les ouvrages d’Histoire, qui passionneront les doctes comme les profanes, nous retiendrons qu’il fut l’initiateur de l’Ethnopsychiatrie en Bretagne, conjuguant ainsi ses deux passions pour l’Histoire et la Psychiatrie. Il fut ainsi le premier à mettre en évidence les conséquences psychiques négatives d’une acculturation contrainte, liée à l’éloignement des deux cultures considérées, la culture bretonne qui est d’essence celtique et la culture française, d’origine gallo-romaine.

Ces conséquences se nomment le matriarcat, l’alcoolisme et la toxicomanie, la psychopathologie dans ses diverses déclinaisons, ainsi que le suicide dont la région détient le triste record européen. Ces effets délétères se retrouvent dans toutes les populations soumises elles aussi à des contraintes du même ordre.

Ainsi la Bretagne doit-elle beaucoup à Philippe Carrer, tant sur le plan de son histoire que de son ethnologie.
Nous aurons une pensée pour ses proches et tout particulièrement pour son épouse, tant chérie.

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