pour une écologie profonde

Pour une écologie profonde, chez Yoran Embanner

de Kaoura CARPENTER

Lorsque Alan le Cloarec m’a demandé d’écrire quelque chose sur l’écologie pour sa collection de livrets politiques chez Yoran Embanner, j’ai tout de suite su que je ne souhaitais pas proposer un petit manuel d’écologie mainstream. Les publications sur le sujet étant déjà nombreuses, je n’aurais plus rien eu d’autre à ajouter.

Les jeunes de ma génération ont grandi avec la présence pesante de la menace de l’effondrement climato-biologique. Contrairement à nos parents, nous avons passé la majorité de nos existences baignés de messages tous plus alarmants les uns les autres quant à la crise environnementale. Au fil des années, nous avons eu le temps de voir la lutte pour la sauvegarde du vivant récupérée par les rapaces de la sphère capitaliste, parvenus à transformer notre combat en objet à posséder, incarner, une identité à revendiquer.

Née en 1997, étudiante dans les années 2010, produit de ce que les socio-marketeux appellent la « génération Z », j’ai moi aussi cru en la possibilité d’un changement global, émanant de la simple volonté individuelle. Nos comportements semblaient engager notre futur commun. J’ai assez vite réalisé que cela ne suffirait pas à nous sortir de l’impasse. Puis, ce même discours qui visait à faire de la « singularité » le moteur de la transformation effective, se modifia à son tour. Dans les milieux écolo « mainstream », cette idée se mua, désormais mieux dirigée, à charge contre le capitalisme. C’était déjà beaucoup mieux. Mais pas suffisant à mon sens. Cette nouvelle réalisation s’imposa à moi lorsque je commençai à fréquenter des groupes de plus en plus « radicaux ».

Ironiquement, je dois mon approche actuelle de la lutte écologiste à un banal « effet Streisand ». C’est grâce à de jeunes camarades indépendantistes de gauche que j’en suis venue à fréquenter des militants issus de groupes comme Deep Green Resistance. Ce collectif d’écologie radicale est encore aujourd’hui décrié, particulièrement à gauche. DGR est pourtant elle-même une organisation de gauche. Mais à cause de leur rapproche radicale, on leur reproche, entre autres, des positions « transphobes », « handiphobes », « racistes ». Seulement, la nature même d’un tel collectif d’écologie radicale est aux antipodes de ce dont on les accuse. Comme je l’explique dans mon livre, une écologie sincèrement radicale ne peut exister que si elle a pour cheval de bataille la destruction des hiérarchies de notre monde : patriarcat, colonialisme, eugénisme…

Dans ce livret, j’ai tenté d’articuler les problématiques bretonne et écologiste radicale. Le sujet étant extrêmement vaste et passionnant, il m’aurait certainement fallu des milliers de pages pour aller jusqu’au bout de ma pensée. J’ai choisi d’exposer les grandes lignes, de synthétiser ce qui me semblait le plus évident, ce qui m’apparaît en premier lorsque je songe aux défis de notre temps. Pour approfondir, je ne peux que vous inciter à vous pencher sur les publications du blog-média Floraisons, Le Partage, ou encore de Green Washing Economy, dont tous les contenus sont en accès gratuit.

Je vous souhaite une bonne lecture et, pour aller à rebours du grand John Keats, de rêver à des printemps qui chantent.

Pour une Écologie profonde, par Kaoura, chez Yoran Embanner, l’Éditeur des Peuples Oubliés

pour une écologie profonde
Pour une écologie profonde – catastrophe environnementale de l’Amoco Cadiz en Bretagne

Avant-propos : Et la Bretagne, dans tout ça ?

L’essor environnemental dans toute sa dimension politique correspond peu ou prou à la fin du XIXe siècle, mais ce n’est pourtant pas avant les années 1970 qu’il prendra sa forme telle que nous la connaissons aujourd’hui. En effet, la terreur nucléaire et ses nombreuses incertitudes accroissent partout les préoccupations. Mais pas seulement : en Bretagne, c’est la terrible catastrophe maritime de l’Amoco Cadiz qui catalysera ces inquiétudes.

Les Bretons sont peinés, en colère, et des émeutes éclatent à Brest en avril 1978, tandis qu’essaiment les manifestations. Des volontaires venus d’un peu partout en Bretagne arrivent massivement pour aider les communes touchées à nettoyer les dégâts. Les côtes sont rongées de ce pestilentiel fluide noir, qui tue et ravage ce que chérissent tant les Bretons : la vie sauvage. Les enfants du pays, eux, en savent quelque chose. La mer, ce n’est pas seulement une étendue d’eau inerte, mais une véritable entité nourricière. Le quotidien des habitants de la côte, dont les traditions sont en perdition, est rythmé par le flot continu des vagues qui viennent se heurter aux rochers. La pêche, les marées, les embruns, le lien avec les autres, tout passe par cette mer, désormais souillée.

Pis encore, la folie technophile semble vouloir emporter avec elle tout espoir de paix sur terre.

pour une écologie profonde
Pour une écologie profonde – lutte populaire anti-nucléaire de Plogoff / Plougoñ en Bretagne

A Plogoff, dans les années 1970 – 1980, la bataille s’engage face à l’ambition de l’État français d’installer une centrale nucléaire : « mazoutés aujourd’hui, radioactifs demain ? ».
Les femmes, elles, sont en première ligne pour défendre leur lopin de terre. Certainement avaient-elles déjà compris que la présence de cette future centrale, monstrueuse et turgescente, ne promettait rien d’autre que l’anéantissement de la vie, elles qui la défendaient farouchement. Heureusement pour cette fois, la bataille fut gagnée par les défenseurs et les défenseuses du vivant. A y regarder de plus près cet événement constitue un riche mélange de tout ce dont nous devrions nous inspirer aujourd’hui : enracinement, amour pour notre terre et gratitude pour l’héritage de nos Anciens, conscience nationale, éco-féminisme, action directe, pugnacité. Oui, ce combat en partie porté par les femmes fut un exemple émouvant de sororité, bien qu’il ne signât pas la fin de la guerre contre ce Moloch que l’on appelle aussi « Progrès ».

Anjela Duval, l’immense poétesse bretonne – Met ‘drokfen ket evit teñzorioù : va Bro, va Yezh ha va Frankiz
Anjela Duval, l’immense poétesse bretonne – Met ‘drokfen ket evit teñzorioù : va Bro, va Yezh ha va Frankiz

Le plouc, l’autonomie et la liberté

Le « plouc », qui s’enracine dans sa terre, est aussi libre dans son corps que dans sa tête.
Il est tantôt ingénieur, astronome, météorologue, poète et philosophe…
Anjela Duval, poétesse nationaliste bretonne et anarchiste naturienne inavouée, en fut une très belle image. Habiter la terre est primordial car nous, animaux humains, avons besoin d’un endroit où nous épanouir, à l’ombre des arbres et au coin des ruisseaux. Il nous faut, dans notre mouvement de réappropriation de nos campagnes, aller à contre-courant : revenons sur l’enfer des enclosures, entreprise de privatisation des communaux entamée au cours de la révolution industrielle, ré-ouvrons les prés, les collines et les vallées, faisons revivre le « range », ces espaces ouverts où allait autrefois paître le bétail. Imposons de défendre l’eau en tant que bien commun, comme tentent de le faire Les Soulèvements de la Terre.

Arrachons les terres aux mains des coopératives qui nous volent nos moyens de subsistance, reprenons dans les villages les outils laissés par les anciens, les caves, les forges et les fours à pain. Favorisons les écrins de biodiversité, les couloirs de buissons et d’arbrisseaux qui abritent la vie, et n’ayons pas honte de chasser le gibier pour nous nourrir, peu importe les complaintes bourgeoises.
Mettons un frein à l’artificialisation des sols, laissons pousser les « mauvaises herbes » qui nous soigneront, replantons les talus qui nous protégeront et nous chaufferont durant les longues nuits d’hiver. Réhabilitons le chaume, vivons dans des maisons qui respirent.
Résistons à la standardisation des modes de vie qui signe l’arrêt de mort de nos autonomies.

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Pour une écologie profonde – floraisons.blog

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