René Madec

René de Madec, le Quimpérois qui devint Nabab aux Indes

de Stéphane BROUSSE

Dans  le petit cimetière de Penharz, à l’ombre de la vieille église, une pierre tombale porte une curieuse épitaphe : Ici repose René de Madec, né à Quimper en 1736, colonel et chevalier de Saint Louis en France et nabab de première classe dans l’Inde, décédé en 1784.

Dans un faubourg de Quimper / Kemper dépendant de la paroisse Saint Mathieu, nait le 27 février 1736 un garçon qui sera prénommé René Marie. Il est le huitième enfant – la famille en comptera dix – de François Madec, maitre-maçon, et à l’occasion, instituteur. Sa mère, nommée Corentine Manon Melin, est, quant à elle, gérante d’une hostellerie sise place Terre au Duc. 
René Madec est donc issu d’un milieu certes modeste, mais ni indigent, ni inculte.
Son père a été dans sa jeunesse élève des jésuites et condisciple de Joseph François Dupleix (1) futur gouverneur de Pondichéry.

Le jeune René Madec, au grand dépit de ses parents, est un élève médiocre.

Il préfère aux bancs de l’école, les quais du port du Kemper. Son père décide donc,alors que René n’est âgé que de neuf ans, de le faire embarquer comme mousse, sur un caboteur qui fait commerce de vin entre Bordeaux et Quimper. Lors des escales, René suit des cours de navigation avec pour objectif de devenir officier au Bataillon d’Orient de la Compagnie Françaises des Indes Orientales (2).  Il n’est âgé que de onze ans, quand il décide sur un coup de tête, de mettre un terme à ses études et de s’embarquer à Lorient / An Oriant, sur un navire négrier, qui fera route vers le Sénégal puis vers Saint Domingue.

René Madec
René Madec – carte des Indes

René Madec embarque en 1750, pour Pondichéry, alors comptoir français du sud est du sous-continent indien.

Si la traversée s’avère épouvantable – le jeune homme souffre du scorbut et du typhus – son séjour de quelques semaines en Inde est idyllique. De retour en Bretagne, René Madec n’a plus pour seule ambition que de retourner aux Indes.
Il y reviendra comme simple artilleur, en 1752, sous les ordres de Joseph François Dupleix.

Après de nombreuses batailles, une paix est signée entre Français et Anglais. Joseph François Dupleix, désavoué par Louis XV par suite de calomnies, s’en retourne en France.
René Madec, quelque peu désappointé, songe à rentrer en Bretagne, mais, parvenu à la Réunion – alors Ile Bourbon – il s’engage comme simple matelot pour faire du transport de denrées entre les iles de l’Océan Indien.
Pour la plus grande joie de notre jeune aventurier, la guerre reprend le 29 août 1756.  Elle durera sept ans !  
René Madec s’engage à nouveau dans la Marine Royale Française, mais alors que son escadre mouille devant Pondichéry, il décide à nouveau de déserter pour s’engager dans un bataillon d’infanterie de marine avec le grade de sergent.

Le 11 décembre 1758, les troupes françaises mettent le siège devant Madras.

Mais après quarante cinq jours, elles échouent à conquérir la capitale du Tamil – Nadu. Débute alors pour René Madec et ses troupes, une longue errance à travers les différentes provinces indiennes. C’est à la tête d’une compagnie de 400 cipayes (3) qu’il échafaude un improbable projet de reconquête de Madras. Barricadées dans la forteresse de Gingy, les troupes françaises capitulent après cinq mois de siège. René Madec est emprisonné, et, afin de ne pas mourir de faim, accepte avec une centaine de ses hommes, de constituer un bataillon au service de … la couronne britannique.

René Madec
René Madec Nabab aux Indes

Après une année en garnison à Calcutta, il contribue à une bataille victorieuse aux côtés des troupes britanniques.

Il déserte encore, puis se met au service du Grand Moghol Shâh Alam II. En 1764, René Madec se trouve ainsi à la tête d’une milice privée forte de 1500 hommes qui combattent sous la  bannière à fleur de lys du roi de France. Ayant amassée en deux ans une immense fortune, équivalente dit-on, à cinq millions d’euro actuels, il décide de prendre épouse en la personne de Marie Anne Barbette une jeune et jolie créole  âgée de treize ans, la cadette d’un conseiller français du vizir.
La noce fastueuse : pas moins de dix mille personnes y assistent ne durera pas moins de dix jours !

En 1767, René Madec soutenant les Jats (4)  contre les Rajputs (5) remporte de brillantes victoires et amasse une fortune colossale lui permettant entre autres d’acquérir un palais à Bharatpur au Rajasthan.
En 1768, nait un fils prénommé Balthazar René Félix. L’aventurier quimpérois quelque peu las de cette vie songe à rentrer en Bretagne. Il est retenu par le représentant du roi à Chandernagor qui souhaite se rapprocher des princes indiens qui luttent contre la colonisation britannique.


Shâh Alam II, en remerciement des service rendus, lui attribue le titre de Nabab (6)

Ce qui le place au troisième rang de la hiérarchie impériale. Il se voit également attribuer un immense et riche fief. Par ailleurs, est désormais à la tête d’une armée ne comptant pas moins de six mille hommes. Il défile dans Delhi à la tête de ses troupes, accompagné de cinquante seigneurs moghols, juchés sur des éléphants de combat.

René Madec livre une dernière bataille à Pondichéry où les Britanniques assiègent une nouvelle fois la ville.
Pondichéry tombe le 18 octobre 1778.

Muni d’un sauf-conduit, il quitte les Indes.

Sur la route du retour, son navire, Le Brisson, est attaqué au large des côtes espagnoles par des corsaires britanniques. Il est fait prisonnier et sera détenu en Irlande durant deux mois, puis, libéré, il débarque bientôt à Lorient / An Oriant et se rend immédiatement à Versailles où il rencontre Louis XVI pour lui remettre un rapport sur la situation des comptoirs français aux Indes.
René Madec, apprend qu’il a été promu au grade de colonel. Il est anobli et se voit attribuer  l’ordre royal et militaire de Saint Louis.

René Madec
René Madec – port de Kemper

De retour à Kemper, il installe sa famille dans un bel hôtel particulier bâti en 1771.

Autrefois Rue du Sel ou Rue du Quai, aujourd’hui au 5 de la Rue René Madec, non loin du Quai du Port au Vin, sur les bords du Steir.
Une plaque colorée montre René Madec à cheval en tenue orientale. Il y perçoit des taxes sur les barriques de vins de Bordeaux. En 1782, nait une fille prénommée, Marie Henriette. René Madec a aussi la charge de faire éclairer les quais de sa ville natale. Il acquiert à cette époque deux beaux domaines. Coatfao en Pluguffan / Pluguen et Prat an Raz en Penharz.
Il y fait bâtir une jolie demeure, aujourd’hui hôtel connu sous le nom de Manoir des Indes. Au fronton, sa devise : nul monstre ne l’effraie !  
Il aime alors à se promener à cheval sur les bords du fleuve vêtu de son uniforme de colonel et toujours accompagné d’un esclave.

Le 27 juin 1784, une méchante chute de cheval fait passer notre héros, tout juste âgé de quarante sept  ans, de vie à trépas.

  1. Joseph – François Dupleix (1697 – 1763) : gouverneur de Pondichéry et commandant général des établissements français des Indes orientales.
  2. Compagnie Française des Indes orientales :   compagnie coloniale française créée le 27 aout 16664 par Colbert dont le but est de naviguer et de négocier depuis le Cap Bonne Espérance jusqu’aux indes orientales afin que les Anglais et les Hollandais n’en profitassent seuls comme ils l’avaient fait jusqu’alors  … 
  3. Cipaye : soldat indien servant  dans un bataillon occidental à la période coloniale.
  4. Jats : populations du Pendjab.  
  5. Rajputs :  populations du Rajasthan.
  6. Nabab : dans l’Inde musulmane, un nabab est un gouverneur ou grand officier de la cour des empereurs moghols.
René Madec
René Madec – magasins de la Compagnie des Indes à Pondichéry

Bibliographie

Histoire du Nabab René Madec (biographie), Max Vignes, Bibliothèque du Voyage, Éditions Terre de Brume, 1995, 244 pages

Le Nabab (roman), Irène Frain, Éditions Le Livre de Poche, 1983, 832 pages

SITE WEB: https://musee.lorient.bzh/musee

Iconographie

Le port de Quimper – 1857 – Eugène Boudin
Gravure extraite de Le Nabab René Madec par Émile Barbé, paru en 1894
Joseph – François Dupleix rencontrant un gouverneur de la Province du Deccan
Carte des Indes au XVIIIe siècle
Gravure du port de Pondichéry au XVIIIe siècle  

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