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Telgruc sur Mer : une victoire pour la langue bretonne et après ?

de Yvon OLLIVIER
Publié le Dernière mise à jour le

A Terrug / Telgruc sur Mer, en Cornouaille bretonne, les rues vont retrouver leur vrais noms bretons.

Je viens d’apprendre avec plaisir que le nouveau Conseil municipal de Terrug / Telgruc sur mer va bien donner de nouveaux noms de rue, à la demande de la Poste, mais il va le faire dans notre langue bretonne. L’association EOST sera chargée de lui faire des propositions en ce sens. Souvenons-nous, il y a un peu plus d’un an, les artistes et auteurs de Bretagne avaient lancé une mobilisation contre le projet de l’ancien maire visant à nommer de multiples noms de lieu, exclusivement en Français. Conformément à la loi Toubon disait ce dernier, et souvent de manière totalement hors sol. Une manifestation organisée par Kevre Breizh avait eu lieu sur la plage de Telgruc.
Ce maire a perdu les élections … Et on peut penser que la forte résonance médiatique de l’affaire y est pour quelque chose.

Quelles conclusions tirer de tout cela ?

Ma première réflexion…

… est que la mobilisation paie toujours dans notre monde ultra-médiatique. L’avenir appartient à celles et ceux qui savent maîtriser les outils modernes de communication pour faire connaître l’injustice de leur sort. Je crois pouvoir dire qu’à ce petit jeu, nous ne sommes pas très bons.

Et pourtant, nous aurions tout à gagner à bouger. D’autant plus que nous sommes nombreux – et même majoritaire en Bretagne- et que les injustices que nous subissons sont indéfendables sur le plan du droit international comme sur celui de la morale. La démocratie ne saurait tout légitimer et certainement pas la mort d’une langue.

Ce qui m’a le plus surpris, dans cette affaire des noms de lieux, c’est le silence de nos adversaires traditionnels. Les jacobins étaient comme pétrifiés et n’ont jamais su faire entendre une voix discordante. Nos pires adversaires, partisans farouches du national-souverainisme et de la destruction de la diversité culturelle, comme le rassemblement national et la France insoumise- étaient aux abonnés absents.

Le charisme de gens comme Alan Stivell ou Nolwenn Korbell n’explique pas tout !

Les Bretonnes et les Bretons aiment leur culture.
Ils ont compris tout l’intérêt que représentent leur langue et leur identité dans cette mondialisation broyeuse de différences. Ils étaient avec nous.

Ma seconde réflexion …

… consiste à rappeler que l’on peut aussi attribuer de nouveaux noms de lieux en breton. Il suffit d’en avoir la volonté, et surtout l’idée. Notre langue bretonne est plus ancienne que le français, mais c’est aussi une langue d’avenir. Dans chaque situation où les municipalités sont amenées à forger de nouveaux noms de rue ou de quartier, le premier réflexe doit consister à se tourner vers le passé et la toponymie du lieu pour y puiser le nom adapté.

L’Histoire fait sens, le plus souvent.

Si aucun nom utile n’apparaît, rien n’empêche de faire preuve d’imagination, de désigner les lieux en Breton ou en gallo, ou de mettre en place une désignation bilingue. Il est encore possible de se plonger dans l’histoire locale pour honorer la mémoire de femmes et d’hommes du pays qui ont accompli de grandes choses.

Ma troisième réflexion …

… consiste à appréhender la situation générale. L’arbre de Telgruc cache une forêt qui, trop souvent, n’en a que faire de nos langues. Nous connaissons tous des endroits où un Conseil municipal bien intentionné a attribué à de nouvelles rues, des noms qui fleurent bon la banlieue parisienne. Il est aussi permis d’être optimiste en considérant que l’affaire des noms de lieu à dessillé les yeux d’un grand nombre de gens. Et qu’ils ne seront pas si nombreux les maires à reproduire les erreurs du maire de Terrug /T elgruc. Ne serait-ce que pour éviter de subir la même déconvenue. Certains maires avaient compris avant les autres, comme à Plonevez Porzhe / Plonevez Porzay, où une carte exhaustive de la toponymie bretonne a été établie.

Comme à Terrug / Telgruc, c’est sur le terrain que la bataille se joue.

Donc au sein des Conseils municipaux mais aussi dans la capacité des Bretonnes et des Bretons à interpeller leur maire sur ces questions et à faire toute proposition utile. Si toutes les communes ne disposent pas d’association aussi dynamique que celle d’EOST, rien n’empêche d’agir, via une association, ou à titre individuel, afin que la question soit posée.
Il suffit d’oser !
Pour conclure : Lorsque j’étais enfant à Brest, la ferme familiale comportait un champ éloigné au « Dour Gwenn ». C’est ainsi que nous l’appelions. Un jour, ce lieu a reçu l’appellation « rue de l’eau blanche » par la mairie de Brest. Mais nous avons continué à parler du « dour gwenn », comme si de rien n’était. En repassant dernièrement à Brest, je me suis arrêté sous un panneau. Et J’y ai lu « rue Dour Gwenn ».
C’est donc nous qui avions raison !

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