L’été dernier, nous relayions sur NHU Bretagne le premier volet de l’enquête menée par Splann sur l’hôpital public en Bretagne. Ce travail journalistique indépendant révélait un système en crise profonde, marqué par des déficits chroniques, des fermetures de services et des personnels épuisés.
Aujourd’hui, le collectif Splann revient avec un deuxième volet explosif : « En Bretagne, l’hôpital public rationné… les cliniques privées rassasiées ». Une plongée dans les mécanismes financiers qui étranglent le service public et ouvrent, en parallèle, des boulevards au secteur privé.
Sommaire
La logique comptable qui étrangle l’hôpital public
Depuis des années, la tarification à l’activité (T2A) s’est imposée comme le mode principal de financement des hôpitaux. Chaque acte médical est transformé en ligne comptable. Chaque service est évalué selon sa rentabilité.
Ainsi, une maternité ou un service de gériatrie, pourtant indispensables, deviennent vite « non rentables » aux yeux des tableurs. Splann révèle comment, derrière les murs des hôpitaux bretons, les directions jonglent avec les chiffres plutôt qu’avec les besoins réels de santé.
Cette gestion par la rentabilité pousse à privilégier les actes rapides et bien cotés, au détriment des prises en charge longues, complexes ou humaines. Les soignants témoignent d’une obsession des marges, alimentée par les rapports d’experts et les consignes des ARS Agences Régionales de Santé.

Les maternités : victimes emblématiques de cette logique
Parmi les services les plus fragilisés figurent les maternités.
En Bretagne, comme ailleurs, leur survie est conditionnée à un seuil : environ 1 200 accouchements par an.
En dessous, elles deviennent déficitaires.
Splann rappelle la fermeture brutale de la maternité de Dinan en 2020. Une décision vécue comme une trahison par la population locale. Les femmes enceintes doivent désormais parcourir des kilomètres supplémentaires pour accoucher, avec des risques évidents.
Dans ce domaine, les cliniques privées n’échappent pas non plus à la logique comptable. Mais elles disposent de plus de souplesse et d’une capacité à cibler les activités rentables.
Résultat : là où le public se retire, le privé peut choisir d’investir… ou pas, selon son intérêt.
Quand le public recule, le privé s’installe
L’enquête Splann démontre clairement ce mécanisme : chaque recul du service public crée une brèche dans laquelle les cliniques privées s’engouffrent.
Exemple : à Saint Brieuc / Sant Brieg, la clinique privée de Plerin a pu renforcer son offre alors que le centre hospitalier public voyait ses moyens réduits. Autre terrain de conquête : la chirurgie ambulatoire, extrêmement rentable. Les cliniques y trouvent une manne financière, laissant au public les cas lourds et coûteux.
Les médecins eux-mêmes, parfois découragés par les conditions de travail dans le public, migrent vers le privé.
Là, ils peuvent bénéficier d’horaires plus confortables et de rémunérations plus attractives. Les patients suivent, souvent contraints, et découvrent au passage le mur des dépassements d’honoraires.
Un système à deux vitesses qui menace la Bretagne
Ces choix politiques et comptables mènent à une conséquence directe : la mise en place progressive d’une santé à deux vitesses.
D’un côté, un hôpital public rationné, contraint de fermer des services, de repousser des soins, de surcharger ses personnels. De l’autre, des cliniques privées qui choisissent leurs activités, engrangent les actes les plus rentables et attirent les médecins.
Splann rappelle que derrière chaque fermeture, ce sont des régions entières qui se retrouvent fragilisés. Pour les habitants, l’égalité d’accès aux soins devient un mirage. Pour les soignants, la vocation se transforme en épuisement.

Responsabilités et alternatives
Qui est responsable ?
Les témoignages recueillis par Splann pointent les directions hospitalières, les ARS et le ministère français de la Santé. Mais la racine du problème reste la T2A, système pervers qui confond rentabilité économique et intérêt médical.
Des voix s’élèvent pour réclamer un financement global, basé sur les besoins réels et non sur les actes comptables. D’autres plaident pour un pilotage territorial, permettant de maintenir les maternités, les urgences ou les gériatries, même si elles ne sont pas « rentables ».
En Bretagne, comme ailleurs dans l’Hexagone, l’urgence est de rééquilibrer. Faute de quoi, l’hôpital public continuera sa lente agonie, laissant les cliniques privées et les logiques marchandes s’imposer dans un domaine vital : la santé de toutes et tous.
Avec ce deuxième volet, Splann confirme ce que beaucoup pressentaient déjà.
La casse de l’hôpital public n’est pas une fatalité, mais le résultat de choix politiques.
En Bretagne, ce rationnement organisé profite directement aux cliniques privées, qui s’installent sur les ruines du service public.
Le collectif Splann poursuivra son enquête avec d’autres volets.
De notre côté, à NHU Bretagne, nous continuerons à relayer ces révélations, car l’avenir de notre santé collective est en jeu.
Retrouvez l’article original de Splann
1 commentaire
Les services publics n’ont pas à être rentables !
Et la santé n’est pas une marchandise !