La jeunesse est l’avenir : Skol Uhel ar Vro, kendiviz yaouankiz Emvod ar Gelted an Oriant
Cette année, le célèbre Festival Interceltique de Lorient / An Oriant ne célébrait pas une des nations constitutives de sa galaxie, mais la jeunesse des pays celtiques. L’occasion pour Skol Uhel ar Vro / l’Institut Culturel de Bretagne, de dédier son forum à ce thème transversal.
Sommaire
La jeunesse est l’avenir.
L’avenir des peuples et l’avenir de notre civilisation.
A chaque nouvelle génération se posent des questions fondamentales : quelle relève ?
Le flambeau sera-t-il transmis ?
Dans son intégralité ?
Quel message pour le futur ?
En ce début de troisième millénaire, la question semble d’autant plus cruciale, plus cohérente et plus légitime que jamais, sur une planète où les échanges, qu’ils soient physiques ou virtuels se font à une vitesse supersonique. Dans un monde occidental ensuite qui conjugue, dans une sorte d’hallucinante dérive pathologique, repentance et arrogance, sans se rendre compte qu’il faut choisir et peut-être, un jour cesser de vouloir donner des leçons de morale à un monde entier qui ne lui en demande pas tant.
Un Occident qui organise consciencieusement sa sortie de l’Histoire et la détestation des autres à force d’être partial, partiel, injuste, totalitaire et totalement incohérent.
Comment peut-on en effet, dans le même temps vilipender un pays « occupant » la Crimée qui demandait à cor et à cris son retour à la mère-patrie et cautionner, approuver, financer et soutenir à Gaza ce que la terre entière – en dehors de l’Occident – considère comme un génocide et une extermination ?
C’est pourtant dans ce monde que la Bretagne, l’Irlande, l’Écosse, le pays de Galles, l’île de Man et la Cornouailles insulaire se trouvent entraînées. Sans la moindre consultation. Car ce qui vaut pour l’Ukraine ne vaut pas pour nous. On a vu hier l’Union Européenne, fidèle vassal d’Oncle Sam condamner la proclamation d’indépendance des Catalans. Ce qui vaut pour les Catalans vaut aussi pour les Bretons ou les Gallois.
C’est de la jeunesse que viennent sursaut et résistances
A chaque moment de l’Histoire, c’est de la jeunesse qu’est venu le sursaut, le courage de reprendre le flambeau, une impertinence bien placée et bien pensée. Wolfe Tones et ses amis ont, à la fin du XVIIIe siècle créé le mouvement Jeune Irlande qui posait les bases d’une Irlande libre et débarrassée du joug anglais.
Morvan Marchal, Job de Roincé et leurs amis avaient dix –huit ans lorsqu’aux lendemains de la grande boucherie fratricide de 14-18, ils fondèrent un mouvement national breton qui allait libérer les consciences. Les garçons et les filles du F.L.B Front de Libération de la Bretagne, avaient l’audace de leurs vingt ans. Ils affrontaient avec détermination l’un des États les plus puissants et les plus liberticides – quoi qu’il en dise !- de la planète.
Polig Monjarret avait leur âge lorsqu’il créa la clique des cheminots de Carhaix / Karaez et la Bodadeg ar Sonerion.
Et aujourd’hui, qu’en est-il dans un monde qui somme les jeunes d’être vieux avant l’âge et de plier aux injonctions d’un système dont on a vu les effets pervers et délétères pendant la crise du covid qui permit à des multinationales soutenues par les États pirates de bâillonner les peuples et de détricoter une par une toutes les libertés fondamentales ?
Au Festival Interceltique de Lorient, les jeunes sont invités d’honneur !
Vaste question à laquelle le Festival Interceltique de Lorient tenta, partiellement de répondre avec une gravité et une décontraction qui le caractérisent depuis un demi-siècle. Pour la première fois en effet, Jean Philippe Mauras, son directeur général et ses équipes décidèrent de placer sous les projecteurs, non pas l’une des nations constitutives de ce rassemblement unique dans le monde, mais la jeunesse.
L’accent était mis, donc, sur ces enfants et ces adolescents qui portent le flambeau de la celtitude aux quatre coins du monde. Ils furent nombreux à défiler, en avant des cercles celtiques et des bagadoù ce jeudi 15 août, lors de la traditionnelle Grande parade des Nations Celtes, dont les deux derniers mots, comme par enchantement, disparaissent des écrans télévisuels. Et la direction du FIL avait donné carte blanche à huit garçons et huit filles issus des huit nations celtiques par lui reconnues, pour composer, ensemble, de nouvelles partitions destinées au grand public.
Dans le cadre de cette 54e édition du rassemblement estival, Skol Uhel ar Vro/ L’Institut Culturel de Bretagne, qui avait proposé l’an dernier un passionnant colloque sur l’identité celtique de la Bretagne, en journée d’ouverture du festival, a organisé, le 14 août, un forum dédié entièrement aux jeunesses des pays des celtiques.
Pour Jacky Flipot, son dynamique président, les choses coulaient de source.
«L’origine de ce projet », précise-t-il, « repose sur la nécessaire réorganisation de l’ICB, à la suite de la suppression d’une grande partie de nos subventions publiques, une réduction de la toile qui nous a contraints à licencier Armelle Guillou, notre dévouée salariée. Nous allons recentrer notre action sur des projets précis tels que ce forum. L’an dernier, nous étions centrés sur la Bretagne, dont les racines celtiques se trouvaient mises en doute par l’exposition des Champs Libres de Rennes. Cette année nous avons choisi un thème interceltique. Nous avons donc concocté pour ce forum plusieurs plateaux centrés sur le sport, la musique et les échanges universitaires et invité des jeunes des diverses nations celtiques, pour communiquer sur leurs activités, sur les organisations de jeunesse des divers pays celtiques, mais aussi pour leur permettre de se rencontrer et d’échanger sur leurs expériences. Ça a bien fonctionné. A tel point que nous envisageons dès à présent de pérenniser l’expérience, de créer une maison des pays celtiques, virtuelle dans un premier temps, avec nous espérons, le soutien de la ville de Lorient, dont M. Loher, le maire, a participé à notre colloque, tout comme Jean-Philippe Mauras. L’idée est de créer une possibilité pour les jeunes des pays celtiques, d’échanger de manière permanente tout au cours de l’année et pas seulement au sommet de l’été. »
Pari tenu pour Rémy Le Roux
Le pari a été tenu haut la main, selon Rémy Le Roux, membre du conseil d’administration de l’ICB Institut Culturel de Bretagne en charge de la communication, et qui fut le principal maître d’œuvre de cette journée riche en émotions et en informations.
« Nous souhaitions des échanges inspirants, un partage de bonnes idées pour faire avancer nos combats respectifs pour la défenses de nos identités plurielles. Force est de constater que ça a bien fonctionné. Le succès de ce forum ouvre de belles perspectives pour les années à venir. Nous sommes sur des processus volontaires de préservation de nos héritages. »
L’Héritage des Celtes, selon la formule de Dan ar Braz.
Justement, que devient-il ?
Comment les jeunes de nos divers pays s’approprient-ils le concept ?
Que signifient pour eux la celtitude et le combat à la fois pour l’identité et la liberté ?
Des questions qui figurent en filigrane dans l’annonce du colloque sur le site de l’ICB Institut Culturel de Bretagne, et dont les réponses n’ont pas fusé spontanément.
A l’heure actuelle, l’Écosse semble le pays celtique le plus proche de l’indépendance, surtout depuis le Brexit, mais avec un recul aux dernières élections législatives.
Nos cousins du nord partageront-ils leur expérience du combat vers la souveraineté ?
Un aspect essentiel de la celtitude est évidemment la langue. A tel point que l’abbé Perrot clamait à qui voulait l’entendre : Heb brezhoneg, Breizh ebet, mis en musique par Stivell dans Brezhoneg rock. Citation à laquelle faisait écho le célèbre Ar brezhoneg eo ma Bro de Pierre-Jazkez Hélias.
Force est de reconnaître que de ce côté les choses n’avancent pas à une vitesse supersonique.
Luned Hunter, jeune Bretonne insulaire – terme plus approprié que celui de «galloise » – a souligné le travail réalisé par et pour les jeunes, depuis un siècle par l’association nationale U.R.D.D, qui compte 55 000 membres et affirmé que la langue galloise progresse désormais chez les jeunes.
Normal pour une langue obligatoire dans les écoles jusqu’à l’âge de seize ans et qui jouit désormais d’un statut de co-officialité avec l’anglais.
Malgré tout, après une avancée nette avant le passage à l’an 2000, la vieille langue de Merlin et d’Arthur accuse depuis une vingtaine d’années un recul en terme de nombre de locuteurs, en raison principalement de la colonisation de population par les Anglais.
Le même phénomène touche une Bretagne continentale à la pyramide de population vieillissante et dont les maisons du bord de mer sont de plus en plus souvent achetées par des Français. Pour Alan Kersaudy, de Douarnenez, qui a créé un site et une méthode pour apprendre le breton, la société bretonne est vieillissante et la moyenne d’âge des militants de l’Emsav s’accroit dangereusement. Pour lui, qui parle le breton au quotidien avec ses amis et avec sa compagne ukrainienne, « même s’il y a des écoles bilingues et une école immersive, à Douarnenez presque personne en dessous de trente ans ne parle breton au quotidien. » Un phénomène qui touche désormais l’ensemble du territoire national où, parmi les jeunes, seuls les enfants sortant de Diwan – et encore pas tous ! – utilisent la langue bretonne au quotidien.
Quel comportement les jeunes des pays celtiques adopteront-ils ?
Entre mondialisation, domination culturelle par un État qui ne protège plus ses populations mais qui opprime les peuples et vieillissement démographique, force est de constater l’ampleur des défis à relever pour la jeunesse de Bretagne. Gageons que celle des autres pays celtiques puisse l’inspirer et partager ses expériences positives.
Plus que jamai , dans un monde incertain où le pire est toujours possible et que des vieillards séniles et vindicatifs poussent activement à une troisième guerre mondiale faite avec le sang des autres, les questions posées voici un demi-siècle par Morvan Lebesque restent d’actualité : «La Bretagne n’a pas de papiers . Elle n’existe que si, à chaque génération, des hommes se reconnaissent bretons. A cette heure, des enfants naissent en Bretagne. Seront-ils bretons ? Nul ne le sait. A chacun, l’âge venu, la découverte ou l’ignorance. »
A ces questions on peut en ajouter d’autres : les diverses nations celtiques dont certaines ont eu des États pendant un millénaire, comme la Bretagne, parviendront-elles, dans les années qui viennent, à retrouver liberté, dignité et souveraineté ? Et nos langues en danger parviendront-elle à se perpétuer ?
Plus que jamais, à l’heure où l’Union Européenne a failli à toutes ses missions par rapport à la protection des nations sans État et où l’ONU est de plus en plus brocardé et contesté par un Occident sûr de lui, arrogant et dominateur, ces questions apparaissent cruciales et d’actualité.
La réponse résidera sans doute dans le comportement de la jeunesse de nos pays respectifs. La partie est loin d’être gagnée.