Comment peut-on être Breton : vivre sa bretonnité.

de Thierry GUERIN
Publié le Dernière mise à jour le

Vivre sa bretonnité.

Comment être Breton était déjà une question que se posait Morvan LEBESQUE dans son ouvrage du même titre.
Je voulais aujourd’hui ajouter une autre dimension à ce questionnement.
Comment être Breton aujourd’hui dans une société qui ne permet plus les différences et qui bien au contraire les annulerait par l’uniformisation émanant d’un appareil économique ?
Bien souvent, la culture est ainsi relayée à un statut de produit comme un autre.
Depuis plusieurs décennies maintenant, nous avons pris l’habitude de voyager vers des pays étrangers en vue de jouir de nouveaux et fabuleux paysages. Nous en faisons alors de formidables photos, au gré de l’emploi du temps effréné du touriste voulant voir le maximum de choses ou voulant profiter au mieux des espaces hyper-aménagés à ses plaisirs.
Mais à quel moment ici la culture de l’autre est-elle réellement appréhendée ?
A quel moment la rencontre existe-t-elle réellement sans qu’elle ne soit modifiée par un rapport mercantile ?

Ma bretonnité est plusieurs choses à la fois.

A la fois une certitude, une évidence, qui s’affirme en moi aussi certainement que l’air que je respire. Mais en même temps, je pourrais deviner dans le regard des autres, Bretons ou non, se demandant si tout cela ne serait pas de la croyance. Et ils se raccrochent en voyant les choses ainsi leur « connaissance » de l’ordre du monde. Car pour eux, qu’y a-t-il par exemple de différents entre un Belge et un Français ? Tous deux s’habillent avec les mêmes vêtements de marque, mangent dans les mêmes fast-foods, vivent les mêmes besoins technologiques. Seule l’histoire semble les différencier par cette frontière, cette ligne créée dans le passé.


Nous pouvons comprendre que par conséquent, la pensée vis-à-vis d’une bretonnité puisse paraitre antagonique avec un temps où l’effacement des frontières, et des différences serait de mise. Pour un peu, il y aurait dans l’ambiance majoritaire, la pensée par laquelle l’intérêt ne serait plus de se revendiquer, Breton, Basque ou Corse; mais de s’inscrire face à une existence humaine où le lien à un collectif n’a plus autant de valeur que le mouvement nous permettra de résoudre nos besoins individuels. Je note néanmoins que l’excès des deux postures engendra à chaque fois, de la violence.
Après tout, la violence de nos villes ne s’explique-t-elle pas aussi par le délitement du lien social ?
Vivre sa bretonnité amènerait donc pour eux, dans une vision portant l’individu, plusieurs questionnements.

Comment peut-on être Breton : vivre sa bretonnité.

Pourquoi avoir besoin d’affirmer son identité bretonne ?

Et pourquoi avoir besoin de mener un tel « combat » ?
Pourquoi s’embêter avec cela ?
A cela, j’aurais envie de répondre que les personnes dénonçant avec empressement et ironie un lien avec un pays perçu comme archaïque et infondé, sont aussi des personnes qui se satisfont pourtant d’un lien avec des marques commerciales (vestimentaires, de mobiliers, de réseaux sociaux, etc…). Donc qui laissent en cela, l’image fantasmée ou fabriquée à l’aide de stratégie marketing de marques venir construire leurs propres êtres. Ce sont les mêmes personnes qui en dénonçant le « patriotisme » ou le « nationalisme » organisent leur vie en lien avec des communautés de pensées fermées favorisées par les algorithmes de nos applications décidément si portées à l’uniformisation.

Mais la période à laquelle nous sommes désormais arrivés, ne nous dit-elle pas autre chose ?

Ainsi aujourd’hui, le dérèglement climatique entraine une réflexion autour du rapport de l’homme au vivant et par cela les limites devant s’opposer à un appétit individuel qui jusqu’à présent s’exerçait sans autre considération que celle du profil. Ne serait-ce pas là le point d’arrêt à une pensée égocentrée qui proposait une forme de déni des réalités ? Cette réflexion affiche la nécessité en terme de valeurs qu’il est impossible de réduire en produit le vivant, animal, végétal. J’ajouterais à cette liste, la culture et à travers elle, l’empreinte des Anciens.


Le monde peut-il être pensé qu’à partir de soi ?
Peut-il être pensé sans regarder d’où on vient, comme si nous nous étions construit tout seul ? Le monde peut-il être pensé à partir d’identités immédiates, factices, fabriquées en niant de quelle manière nous venons tous de gens qui nous ont précédés ?

Je répondrais donc que vivre sa bretonnité consisterait à refuser une identité française …

Qui n’entendrait pas, autoritairement, percevoir les nuances de son territoire et qui en cela, en viendrait ou en serait venu à effacer les traces de l’Histoire.
Alors qui peut encore tolérer cela ?
Qui peut par exemple, accepter du jour au lendemain, qu’une filiation soit retirée à toute une population d’un département ? Je pense ici aux habitants de Loire-Atlantique, à mon père, lui-même né en 1946 dans le pays de Retz, à quelques trois petites années seulement du détachement de la Loire-Atlantique de la Bretagne. La signature d’un papier officiel peut-elle changer la réalité de ce qui se trouvait dans un cœur ?
Certainement que non. Mais à la longue, attention…

Vivre sa bretonnité s’est donc interroger, poser une question.

Au-delà de l’identité française, elle-même construite à partir de romans nationaux, de figures symboliques (Vercingétorix par exemple) qui furent clairement utilisées dans l’Histoire, à des fins politiques, et nos Anciens à nous ? Nos différences que le discours français sut à la fois et dans un exercice fabuleux de souplesse et de contradiction, nier tout en les dénigrant, en les changeant en insultes ? Devons-nous tout oublié au nom de notre plaisir matériel ?

Vivre sa bretonnité en cela, c’est aimer autre chose que soi, c’est se dévouer à une cause sous-jacente que la majorité essaie de faire taire depuis des siècles. Également se dévouer à des générations qui ont été là avant nous et envers qui nous ne pourrions être assez irrespectueux pour les oublier totalement.

Qui peut se construire à partir de mensonges ?

J’ai ainsi l’impression de vivre depuis ma naissance avec l’interdiction de pouvoir me vivre pleinement Breton. C’est-à-dire sans qu’il n’ait tout de suite, un discours d’incompréhension (dans le meilleur des cas) ou de contestations parfois agrémentées de mise en évidence à leurs yeux, du ridicule de telles considérations. Et tout cela conduirait à d’éternelles justifications… mais aussi à de fréquentes et constantes révoltes. Et pourtant tout cela n’est qu’une recherche d’être soi-même.

En breton, sauf erreur de ma part, pour dire vivre, on utilise le verbe « bevañ ».

J’ai remarqué cependant aussi que pour dire « exister », on dit bevañ anezhañ que nous pourrions assimiler à « être soi-même ». Voilà toute la différence. La satisfaction matérielle me permet de vivre agréablement. Ma bretonnité me permet d’être moi-même, c’est-à-dire en lien avec mes parents, mes grands-parents, en lien avec la culture qu’ils portaient et donc avec le pays dans lequel ils s’inscrivaient. Si d’autres peuvent être eux-mêmes sans prendre en compte les autres, moi, cela me parait illusoire et impossible.

Notre bretonnité est dans nos cœurs.

Elle ne se voit plus forcément sur nos vêtements. Nous ne portons plus de bragoù bras. Nous ne nous appuyons plus sur des pennoù-bazh. Mais notre goût pour la liberté, notre capacité à adorer notre nature, nos arbres sacrés, nos fontaines miraculeuses, nos légendes aux korrigans des landes, notre pensée, tout cela nous distingue et se voit lorsque la Bretagne impétueuse se soulève comme lors des Bonnets Rouges, ou lorsque la Bretagne solidaire s’organise en association ou en dons.
Quel autre pays sait être si attaché à ses racines et en même temps si capable d’accueillir l’autre ?

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