Après avoir dangereusement frôlé l’extinction en Bretagne et ailleurs au décours des années 70 – 80 la Loutre européenne – Lutra lutra – recolonise peu à peu ses anciens territoires. Ar C’Hi Dour – le chien d’eau – bénéficie de nos jours auprès du grand public d’un extraordinaire capital sympathie. Cela n’a pas toujours été le cas !
La Loutre européenne demeurait tristement absente d’Ille et Vilaine depuis une quarantaine d’années.
Quelques naturalistes y annoncent enfin son retour …
Statut de Conservation UICN : quasi menacée
Éléments biométriques
Taille : 80 cm pour un mâle et 60 cm pour une femelle (queue = 40cm)
Poids : 6 à 15 kg pour un mâle et 5 à 12 pour une femelle
Maturité sexuelle : 2 à 3 ans
Longévité : 5 ans
Sommaire
La Loutre en Bretagne : ses biotopes
La Loutre européenne est une espèce dite ubiquiste. Elle est observée le plus souvent dans les marais et les tourbières, les zones littorales, les estuaires, les estrans rocheux, sur les berges des rivières et les rives des étangs … On la retrouve aussi parfois en milieu urbain, Quimper / Kemper, Vannes / Gwened, Lannion / Lannuon, Nantes / Naoned pour peu qu’elle se sente en sécurité et que la ressource en nourriture soit suffisante.
Elle a aussi été observée à Ouessant / Enez Eusa, Molène / Molenez, Belle – Ile / Ar Gerveur, Hoëdic / Edig, Houad , Batz / Enez Vaz…
La loutre occupe un vaste territoire, de cinq à quinze kilomètres de cours d’eau pour une femelle et plus de trente kilomètres pour un mâle. Sur les côtes son territoire plus restreint ne s’étire que sur deux à quatre kilomètres.
Son régime alimentaire
La Loutre européenne est essentiellement piscivore. Son régime alimentaire varie cependant en fonction des lieux et des saisons. Elle peut être donc considérée à ce titre comme une opportuniste. On va ainsi retrouver dans son ordinaire, des poissons bien sûr, mais également des amphibiens, des crustacés, de petits mammifères, de petits oiseaux d’eau et même des insectes. Elle se repait à satiété depuis quelques années de ces écrevisses américaines qui pullulent.

Dynamique des populations de la Loutre en Bretagne
La Loutre européenne était partout présente en Bretagne jusqu’au début du XXe siècle. Sa régression se serait accélérée juste après la seconde guerre mondiale. Selon certains témoignages datant des années 60, elle était encore présente sur tous les cours d’eau, mais de plus en plus rare. Au cours des années 70, selon les scientifiques, elle n’était plus présente que sur quelques zones littorales. C’est au cours des années 80 que les naturalistes s’intéressent tout particulièrement au sort de ce charmant mustélidé. Les enquêtes effectuées montrent qu’il ne restait alors probablement que 100 à 200 loutres en Bretagne, principalement en Presqu’ile de Crozon, le long de l’Ellez dans les Monts d’Arrée, dans les Montagnes Noires, dans le Golfe du Morbihan et dans les Marais de Brière, des isolats donc faisant craindre une proche extinction.
De sérieuses mesures sont alors prises pour éviter ce drame.
Au cours des années 90, les populations du sud de la Bretagne se reconstituent lentement, renforcées peut – être, par des sujets vendéens. Au début des années 2000, les populations finistériennes se restructurent et permettent sans doute une recolonisation progressive vers l’est de la Bretagne. Aux environs de 2010, les effectifs étaient estimés entre 600 et 1000 individus. L’animal est discret, très discret, nocturne, crépusculaire, aussi est -il donc toujours difficile d’évaluer sa population. En Ille et Vilaine, une population relictuelle se serait maintenue dans le nord entre 1970 et 2002, des individus erratiques sans doute, venus de la proche Normandie.

Quelles furent les causes de la régression de la loutre européenne ?
Les causes de cette régression sont multiples.
La Loutre européenne au même titre que le Castor européen (Castor fiber) a toujours été chassée pour sa fourrure d’une qualité esthétique et thermique exceptionnelle. Son commerce constituait une source conséquente de revenus. Il se dit que le prix d’une peau de loutre correspondait à un mois de salaire d’un ouvrier agricole. Il se disait aussi que cette peau équivalait au prix d’un veau et que celui qui s’en allait au marché à pied avec une peau à vendre en revenait à vélo !
Un des derniers chasseur de loutres en Bretagne fut Marcel Quemener (1906 – 1998) de Bulad Pestivien (22).
Il entretenait une meute de six à huit chiens et chassait à la fourche. Il cessa son activité en 1962. La loutre fut également largement piégée pour protéger les ressources piscicoles. Des primes étaient distribuées pour son éradication. Elle est considérée comme un super prédateur. On dit aussi, que sa chair, bien que peu savoureuse, était consommée naguère par les populations les plus modestes. Au début du XXe siècle, la transformation accélérée des milieux : assèchement des marais et des tourbières, canalisation des cours d’eau, pollution des zones humides, démographie galopante, industrialisation exponentielle impactèrent de manière significative les populations.
L’expansion du réseau routier, associé au nombre sans cesse croissant de véhicules, conduisit à une multiplication des collisions nocturnes. Rappelons enfin que la Loutre européenne à une espérance de vie relativement courte, une maturité sexuelle tardive et qu’une femelle ne donne naissance que de un à trois loutrons.

Quelles sont les raisons de la recolonisation de la Loutre en Bretagne ?
Dès le début des années 2000, une recolonisation lente, mais conséquente, est observée par les naturalistes.
Cette recolonisation est principalement liée à l’interdiction de la chasse et du piégeage en 1972 et la promulgation en 1981 d’un décret de protection. Les associations naturalistes bretonnes, Groupe Mammalogique Breton en tête, conçoivent sur le modèle britannique des Otters Heavens, des Havres de Paix conventions à durée limitée avec des propriétaires terriens s’engageant à ne pas nuire aux loutres. Par ailleurs, des passages souterrains nommés loutroducs (!) sont installés afin de réduire les collisions nocturnes avec les véhicules.
Génétique !
Une étude génétique récente (1) permet aux naturalistes de mieux comprendre la recolonisation de la Loutre européenne en Bretagne. Elle a notamment montré que les individus de la Loire Atlantique et du Morbihan étaient rattachés aux populations du littoral atlantique et que ceux du centre de la Bretagne étaient issus de petites populations isolées. C’est à ces derniers que nous devons la recolonisation. La reconquête du bassin du Couesnon serait en lien avec des populations normandes.

Le retour de la loutre en Ille et Vilaine ?
La Loutre européenne avait disparu de département il y a sans doute une quarantaine d’années. Des observations avaient été faites ici et là mais le risque de confusion avec un ragondin (Myocastor coypus) ou un rat musqué (Ondatra zibethicus) ou encore un Vison d’Amérique (Mustela vison) demeurait importante.
Des traces avaient été identifiées aux environs des Marais de Redon et de Guipry Messac / Gwipri Mezeg…
En 2022 des empreintes sont identifiées aux environs de Rennes / Roazhon et surtout des épreintes, autrement des crottes à l’odeur si caractéristique, mélange de poisson et de miel affirment les spécialistes. La Loutre européenne serait bien présente sur la Vilaine jusqu’à Bourg des Comptes / Gwikomm. Sa présence serait également avérée sur le Couesnon entre Rennes / Roazhon et Fougères / Felger.
Après une absence de plus de quarante ans, la Loutre européenne serait enfin de retour en Ille &et Vilaine ?
Gardons – nous cependant de crier trop vite victoire, car Il ne pourrait s’agir là que de quelques individus isolés. Si la Loutre européenne n’est aujourd’hui plus chassée elle doit encore faire face à de nombreux défis : altération des zones humides, pollutions des cours d’eau, collision nocturnes avec les véhicules, braconnage … Soyons aussi raisonnablement optimistes et réjouissons – nous peut être un peu tôt du retour de ce charmant mustélidé, espèce emblématique, espèce patrimoniale, symbole d’un ré- ensauvagement des campagnes de notre pays.

La Loutre en Bretagne : bibliographie
La Loutre d’Europe, Description, Observation, Mœurs, Répartition, Habitat, Pascal Étienne, Delachaux et Niestlé, Collection les Sentiers du Naturaliste, 2005, 191 pages
Atlas des Mammifères de Bretagne, Éditions Locus Solus, Ouvrage coordonné par Franck Simonnet, 2015, 303 pages
(1) https://sciencepress.mnhn.fr/sites/default/files/articles/pdf/naturae2018a6.pdf
La Loutre en Bretagne : iconographie
Carte du Groupe Mammalogique Breton – 2022
Photographie loutre © FG. Grandin
Tableau chasse à la loutre de Carlisle / Georges Earl (1824 – 1905)
Gravure chasse à la loutre / Die Gartenlaube (1892)
Cartes postales piégeage loutres (1905)
4 commentaires
Le nom breton Dourgi (m.) est également usité pour désigner la loutre, tout comme le gallois avec Dyfrgi.
Le cornique utilise aussi ce mot sous l’orthographe de Dowrgý ; le gaélique Irlandais donne Dobharchú, le gaélique de Man Dooarchoo, et le gaélique d’ Ecosse Dobhar-chù .
Proximité des langues celtiques concernant ce bel animal de nos rivières.
Merci pour ce beau commentaire
Bonjour,
Pour une cartographie à jour de la répartition de l’espèce en Bretagne, voir ici: https://atlas.gmb.bzh/espece/60630
Bonsoir, et merci beaucoup pour cette carte de présence de la Loutre européenne en Bretagne. Nous l’avons intégré à l’article de Stéphane Brousse. Bravo pour vos engagements pour la biodiversité bretonne, et à votre disposition pour en parler plus.