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D’obligation de moyens à obligation de résultats : La France des promesses sans lendemain
Obligation de moyes à obligation de résultats.
Chaque année, Paris annonce un nouveau plan : plan santé, plan mer, plan agriculture, plan climat.
Les Bretons entendent ces promesses répétées depuis des décennies : « nous allons agir », « nous renforçons les moyens », « nous ouvrons une concertation ». Pourtant, sur le terrain, les hôpitaux ferment, les trains se raréfient et les terres continuent de s’épuiser. Entre les annonces et la réalité, l’écart demeure abyssal.
Cette situation révèle un trait profond du modèle français : la culture de l’obligation de moyens, qui se substitue trop souvent à une véritable obligation de résultats.
La différence entre les deux notions est fondamentale.
L’obligation de moyens consiste à promettre de faire de son mieux, sans garantie de succès.
L’obligation de résultats, au contraire, impose d’atteindre un objectif concret, mesurable et vérifiable.
La France, fidèle à sa tradition administrative hyper-centralisée, se contente de la première approche : celle de la promesse et de la justification.
Or, la Bretagne n’a pas besoin de nouvelles annonces venues de Paris : elle a besoin de résultats visibles, définis et contrôlés localement. Tant que cette logique n’évoluera pas, la Bretagne restera prisonnière d’un système où tout le monde dit agir, mais où rien ne change.
Les obligations de moyens : une culture française
Depuis Napoléon, la France s’est construite autour d’un pouvoir central parisiano-centré qui décide, planifie et finance.
Cette organisation a longtemps rassuré : elle donnait l’impression d’un pilotage clair, d’une direction unique. Mais elle a aussi créé une culture de la conformité plutôt que de la performance. Dans ce modèle, un ministre peut se féliciter d’avoir « lancé un plan » même si rien ne bouge sur le terrain. Un préfet peut se glorifier d’avoir « mobilisé les services de l’État » sans que la vie des habitants s’améliore. L’essentiel est de montrer que l’on agit, pas d’obtenir des résultats.

En Bretagne, cette logique s’est traduite par des décennies de plans successifs, souvent bien intentionnés mais rarement efficaces : plan pour la langue bretonne, plan algues vertes, plan santé, plan pêche, plan transport…
Chacun dispose de moyens, de comités et de rapports, mais combien ont atteint leurs objectifs ? Très peu.
Car ces politiques publiques ne sont pas évaluées à l’aune de leurs résultats, mais de leur conformité aux directives venues de Paris. Lorsque les effets ne suivent pas, personne n’en assume la responsabilité. Ainsi, la centralisation maintient la Bretagne dans une dépendance structurelle, incapable de décider seule de ses priorités ni de rendre des comptes à sa propre population.
Les obligations de résultats : la voie de la responsabilité
Changer de logique, c’est possible.
Cela suppose de passer d’un système de promesses à un système d’engagements concrets. L’obligation de résultats implique de fixer des objectifs précis, de rendre les moyens transparents et d’évaluer publiquement les progrès accomplis. Elle repose sur la confiance et sur la responsabilité : celle des décideurs politiques, mais aussi celle des citoyens qui peuvent vérifier les faits. Ce principe, simple en apparence, transforme en profondeur la gouvernance.
Plusieurs pays l’ont déjà adopté avec succès.
En Écosse, le gouvernement fixe des objectifs mesurables dans des domaines essentiels comme la santé, l’éducation ou la réduction de la pauvreté, et rend des comptes chaque année.
Au Pays de Galles / Cymru, la Well-being of Future Generations Act impose au gouvernement de prouver l’impact durable de chaque politique publique.
En Irlande, les régions disposent d’une autonomie budgétaire réelle : elles sont évaluées sur la qualité de leurs services, pas sur le nombre de réunions tenues. Ces exemples démontrent que la responsabilité territoriale n’est pas une utopie, mais une pratique efficace.
Pour la Bretagne, l’enseignement est clair : sans autonomie, pas de résultats.
Tant que Paris conservera la main sur les moyens, la région administrative restera condamnée à une logique d’excuses plutôt que de réussite, et continuera à formuler des voeux.
Donner à la Bretagne la liberté d’agir, c’est aussi lui offrir la possibilité d’être jugée sur ses résultats, et non sur les intentions affichées.

En Bretagne, des résultats qu’on attend toujours
Depuis quarante ans, la Bretagne a servi de laboratoire à toutes sortes de plans publics. Des promesses répétées, des moyens affichés, mais rarement des résultats mesurables.
Le plan algues vertes, lancé en 2009, en est un exemple frappant : quinze ans plus tard, les marées vertes se maintiennent sur les côtes du Léon et du Trégor. Malgré les millions dépensés, les nitrates continuent de ruisseler dans les baies. On communique sur des progrès « en tendance », mais le problème reste visible à l’œil nu.
De même, le plan langues régionales, vanté par les ministres successifs, n’a toujours pas permis un bilinguisme réel. Les écoles immersives manquent de moyens, et la signalétique bilingue reste symbolique.
Le domaine de la santé illustre la même impasse. Les Bretons entendent parler de « plans territoriaux de santé » depuis des années, mais les urgences ferment et les médecins généralistes se raréfient.
Quant au transport, l’État promet régulièrement de « désenclaver » la région. Pourtant, il suffit de comparer la liaison Rennes / Roazhon – Nantes / Naoned à celles des métropoles régionales d’Europe pour comprendre le retard accumulé. Aucun RER breton, aucune vraie interconnexion ferroviaire entre les grandes villes. Là encore, beaucoup de moyens ont été engagés, mais sans objectifs contraignants.
Ces échecs répétés ne sont pas le fruit du hasard.
Ils traduisent un système où la Bretagne n’a pas la main sur les priorités, ni sur les indicateurs d’évaluation. Les moyens sont décidés à Paris, selon des logiques nationales uniformes. Les résultats, eux, ne font l’objet d’aucun suivi régional indépendant. En clair, la Bretagne est tenue responsable des problèmes, mais privée des outils pour les résoudre.

Ce que serait une Bretagne à obligation de résultats
Imaginer une Bretagne régie par une obligation de résultats, c’est imaginer une gouvernance enfin adulte.
Dans ce modèle, les objectifs seraient définis localement, à partir des besoins réels du territoire. Chaque politique publique aurait des indicateurs clairs, accessibles à tous : taux d’emploi, qualité des eaux littorales, accès aux soins, transport collectif par habitant. Ces données seraient publiées chaque année, comparées, discutées, améliorées. C’est ainsi que se construit la confiance démocratique.
Une telle approche suppose évidemment une autonomie budgétaire réelle.
La Bretagne doit pouvoir décider non seulement de ses priorités, mais aussi des ressources qu’elle mobilise. Sans liberté fiscale, il n’y a pas de responsabilité possible. Les exemples étrangers le prouvent :
• en Écosse, la dévolution budgétaire a permis de financer des politiques éducatives ambitieuses.
• Au Pays de Galles, l’investissement régional dans les énergies renouvelables a porté ses fruits grâce à des choix locaux assumés. L’autonomie, loin d’être un privilège, devient un levier d’efficacité collective.
Cette logique transforme aussi la relation entre élus et citoyens.
L’élu breton ne pourrait plus se contenter d’annoncer un plan ou une subvention. Il devrait démontrer les résultats obtenus. Et si les objectifs ne sont pas atteints, il lui faudrait en rendre compte publiquement. Une telle exigence redonnerait du sens à la politique. Elle ferait naître une culture nouvelle : celle de la responsabilité partagée entre institutions et population.
Vers une nouvelle culture de la responsabilité politique
Passer d’une culture de moyens à une culture de résultats, c’est accepter de remettre en cause le fonctionnement même de l’État central français. C’est aussi une question de maturité politique. Les Bretons ne demandent pas la perfection, mais la cohérence : si des milliards sont investis, ils veulent pouvoir constater les progrès réalisés.
La confiance se nourrit de transparence et de faits, pas de slogans.
Dans cette perspective, la Bretagne peut être pionnière.
Les médias, les associations et les citoyens ont un rôle essentiel à jouer.
Ils doivent exiger des bilans, des chiffres, des preuves. NHU Bretagne s’inscrit dans cette démarche : informer, documenter, confronter les discours aux résultats. Le débat public ne doit plus se contenter d’intentions. Il doit devenir un espace d’évaluation collective.
La Bretagne n’a plus besoin de promesses, mais de preuves.
Elle n’a plus besoin d’efforts proclamés, mais de résultats mesurés. Pour cela, elle doit obtenir la liberté de définir ses propres objectifs et d’être jugée sur sa réussite. C’est la condition d’une gouvernance moderne, transparente et crédible.
Et c’est peut-être aussi le premier pas vers une Bretagne pleinement responsable d’elle-même, enfin jugée sur ses actes, non sur la bonne volonté des autres.
Voici, en un coup d’œil, la différence entre la logique française actuelle et celle que réclame une Bretagne autonome et responsable.
| Modèle | Obligation de moyens | Obligation de résultats |
|---|---|---|
| Philosophie | Faire de son mieux, sans garantie de succès. | Atteindre des objectifs mesurables et vérifiables. |
| Responsabilité politique | Floue, diluée entre administrations et ministères. | Claire : chaque niveau rend des comptes publiquement. |
| Évaluation | Sur les efforts engagés. | Sur les résultats obtenus. |
| Fonctionnement typique | Multiplication de plans, comités et rapports. | Objectifs fixés, indicateurs suivis, bilans publics. |
| Exemple : France centralisée | Plan algues vertes, plan santé, plan langues régionales… peu d’impact concret. | Aucun système de reddition des comptes territoriale. |
| Exemple : Bretagne autonome (projeté) | Plans décidés à Paris, sans évaluation locale. | Objectifs bretons fixés par le Parlement de Bretagne, résultats publiés annuellement. |
| Exemple : pays celtiques | — | Écosse : objectifs santé/éducation chiffrés. Pays de Galles : loi sur le bien-être des générations futures. Irlande : autonomie fiscale et régionale. |
| Conséquence finale | Dépendance et inefficacité. | Responsabilité, transparence et confiance citoyenne. |
Trugarez Jakez
1 commentaire
Vous raisonnez comme si réunifier la Bretagne ne serait qu’une formalité.
Pour moi, le mouvement breton est mort fin 2018, lorsque personne ne s’est offusqué du refus de Grosvalet d’inscrire la pétition des 100 000 dans l’ordre du jour. Le mouvement breton, en fait, ce ne sont que des clientèles : les sonneurs, les brittophones, etc.
J’avais demandé à un membre d’un bagad si cela ne le gênait pas de recevoir tant d’argent de Grosvalet, lui qui avait fait un si mauvais sort à la pétition. Cette personne m’avait répondu que, de toute façon, la Réunification ne se ferait jamais. La Réunification ne se fera jamais : quelle chance !