Sommaire
Tentatives de raisonnement par l’histoire et une actualité qui nous rattrape.
Encore il y a quelques mois au ministère de la santé, à la faveur d’une commission nationale s’intéressant à la prise en charge des cancers, la corrélation entre alcool-tabac et pointe Bretagne dans le cadre des néoplasies de l’œsophage paraissait à certains, naturelle. A l’écoute de ce sophisme, un cancérologue breton s’est vu obligé de défendre les patients et leur droit à la meilleure prise en charge possible sans qu’aucune association à tel ou tel facteur de risque ne leur soit péjoratif. Cet incident en dit long sur la persistance de stéréotypes très parisiens encore vivaces, associés aux Bretons.
Depuis la nuit des temps, les vexations, humiliations, remarques publiques ethno dirigées anti-bretonnes ont prospéré. D’abord celles des chefs d’état français. Dont Sarkozy et «je me fous des Bretons», jusqu’à la «mafia bretonne» d’Emmanuel Macron s’adressant au pape François. Puis celle du philosophe Michel Onfray et son «peuple qui parle un dialecte tribal». Enfin celle de Jean Michel Jarre et sa récente sortie, plus teintée de tristesse que de méchanceté à la suite du décès du tant regretté Christophe. Et tant d’autres …
Va t-on continuer à accepter ces railleries encore plus longtemps ?
Alors faut-il considérer qu’elles font partie du jeu ? Qu’elles permettent aux Bretons de se souder encore un peu plus pour laver leur honneur pour, enfin, assumer leur destinée de peuple souverain?
Car les difficultés des Bretons, jusqu’alors indépendants, ont commencé en 1532, date de la signature du traité d’Union de la Bretagne à la France. Dont les juristes d’aujourd’hui y trouveraient des clauses d’annulation.
Tous les lecteurs connaissent l’Histoire, notre Histoire bafouée(1). Celle qui a consistée à faire de notre peuple si avide d’autonomie et d’indépendance, un peuple dépendant d’un autre état nation. Celui-là même qui allait peu à peu, au fil du temps, détricoter tout ce qui faisait nos fiertés et surtout notre fil conducteur, notre colonne vertébrale, c’est à dire notre langue.
Essayons donc de tenter d’y voir plus clair.
De 475 à 824 : période de combats des Bretons contre les Francs, Clovis, Dagobert, Charlemagne, Louis Le Pieux.
Puis de 824 à 1488, nous sommes indépendants.
En 1675 a lieu la (première) Révolte des Bonnets Rouges.
En 1789, la révolution et la chute du Roi devaient entraîner le bonheur du peuple. Les Bretons ont perdu leurs « droits historiques » avec en prime la domination de Paris.
Les Républiques …
Suite à la prise de pouvoir en 1793 des Montagnards (parisiens) sur les Girondins (provinciaux) sous la Convention (Ière république) va débuter alors une domination hégémonique de la pensée parisienne qui fera du pouvoir un leg de génération en génération dont nous sommes aujourd’hui encore contraints et victimes.
Georges Cadoudal, à la tête de son armée rouge, tentera de s’opposer aux excès de la Convention devenue dictatoriale.
La IIIème république n’eut de cesse de matraquer la religion des Bretons, d’éradiquer la langue bretonne (hussards noirs de la république aux méthodes très coloniales), de mettre les Bretons, suspectés de n’être que d’éternels Chouans, sur la touche ou pour en faire de la chair à canons (Camp de Conlie)(2).
La IVème république, bien qu’accompagnant le CELIB, consacra l’amputation de la Loire Inférieure, initiée par le régime de Vichy.
La Vème république sonne le glas de nos dernières espérances. Chacun de nous a eu des espérances qui en Mitterrand (décentralisation ratée), en Chirac, en Sarkozy ou en Hollande (père de la réforme territoriale bâclée).
L’insuffisance de la décentralisation ne nous a pas échappé, de même que les avatars voulant donner le change.
Nous savons nous méfier des positions, des postures, des phrases des uns et des autres, des pseudo régionalistes voulant surfer sur une idée en vogue- et il est temps de le dire haut et fort que nous ne sommes pas dupes. Même François Baroin se prête à l’exercice en critiquant dans les colonnes du Figaro fin avril 2020 , je cite «l‘état figé dans sa culture jacobine et ultra centralisatrice». Dans les colonnes du Télégramme, en début d’année, Richard Ferrand s’y met aussi en souhaitant un parlement breton!
Une cascade d’arrogance se perpétue de siècles en siècles diffusant en partant de Paris vers les territoires périphériques.
A l’inverse, l’impôt, collecté à la base, inonde Paris pour sa riche culture et entretient la caste des grands corps d’état. Sur tous les plans, une infime partie de l’impôt prélevé est distribuée aux régions.
Cet état hypertrophié et cette techno structure parisienne montrent aujourd’hui leurs carences :
- désertification des territoires.
- désindustrialisation.
- nouvelle carte des régions menées à la hussarde sans consultation ou refusée (Loire Atlantique)
- et actuellement, l’incapacité à anticiper la survenue d’une crise sanitaire et à doter la France de réserve stratégique en nombre de gants, de masques, de gel hydro alcoolique, de respirateurs, de médicaments de réanimation… Nous détenons un des taux de mortalités le plus élevé du monde. Et c’est en France, pour différentes raisons antérieures (passif économique) et également postérieures à cette crise sanitaire, que les conséquences économiques seront les plus importantes avec les drames psycho-sociaux inhérents.
Depuis les Gilets Jaunes, un appel, une colère s’expriment demandant :
- plus de proximité avec les circuits courts,
- moins de technostructure : l’exemple de la santé est éloquent, l’ARS Grand Est compte 808 fonctionnaires.
- une meilleure adaptation à chaque territoire à l’instar du modèle allemand.
Sera t-il entendu ?
En fait rien n’est moins sûr. Car les lendemains pourraient déchanter. Les risques de plus de centralisation et/ou étatisation et d’un affaiblissement de la société civile (ou du souhait) si l’on croit les signaux les plus récents envoyés par l’état Providence :
- Dramatisation de la crise sanitaire, atmosphère pro anxiogène, infantilisation de la population. Le tout parfaitement orchestré par les chaînes d’info en continue et la REM.
- risque d’avènement d’un monde professionnel différent avec perte de liens et perte de sens, avec moins de relation directe, plus d’isolement (télétravail, téléconsultation médicale qui n’est vraiment adaptée que pour un très faible nombre de consultation).
- difficultés à maintenir en vie le tissu sportif (et bien d’autres) associatif.
- positionnement de l’hôpital public comme seul et unique rempart initial (3) au détriment de la médecine libérale, délaissée et mise en grand danger.
- tout récemment tentative avortée de désignement de la « bonne presse »
- souhait de reporter les élections régionales en 2022, en proposant un chantage abject aux présidents de région en poste (« vous acceptez le report et l’état met la main à la poche »)
- passage en seconde lecture et vote à l’assemblée en catimini (en plein été et par 90 députés) de la loi de bioéthique. Ainsi que de ses nombreux articles annonçant une révolution anthropobiologique majeure pour les prochaines décennies. L’atomisation des structures sur lesquelles reposaient nos sociétés jusqu’à pas si longtemps, continue de voler en éclats.
- enfin, il n’aura échappé à personne de la « cause » que derrière la future loi que nous préparent EM et ses fidèles députés sur les séparatismes; qu’au delà de l’écosystème islamiste (dont personne ne discute l’utilité d’être démantelé) sont également visés tous les peuples au souhait d’émancipation hors sol, corses, basques,occitans, alsaciens, savoyards ou bretons…
Ce ne sont que des exemples.
Pour éviter cet écueil, une vraie application du principe de subsidiarité devrait être réclamé haut et fort :
- une Europe moins technocratique, recentrée sur le régalien et intégrant la sécurité médicale (pandémie) et le risque climatique. Également une plus grande prudence vis à vis des autres puissances (Chine, USA).
- des États stratèges recentrés sur les temps longs avec une vision de long terme. Donc vigilants quant à leur souveraineté réelle, et s’appuyant sur les collectivités locales (régions, communes..).
- des régions, actrices de terrain et de proximité, aux pouvoirs plus étendus. Leur budget est aujourd’hui trop faible. Le poids de la région Bavière est supérieur de 20 % à celui de toutes les régions françaises cumulées.
La compétence des équipes gouvernementales sera un facteur clé :
- diversité des formation (pas uniquement ENA, Science Po, et Droit).
- expérience de terrain.
- de la concrétisation par des actions.Qui peut aujourd’hui nier que la mondialisation se lézarde ? Et donc qu’un minimum de souveraineté des peuples ne soit pas, dès lors, naturellement légitime? Les hommes politiques bretons (des partis français) pourront- ils se servir des ancrages locaux …
- pour faire naître des projets sains et ambitieux, nourris par le bon sens paysan, impulsés du bas vers le haut.
- pour faire naître des circuits courts en alimentaire (et le juste prix) et dans le domaine administratif.
- soutenir le développement de l’éco-système numérique breton, nourri par l’abondante matière grise bretonne qui ne serait plus obligée de s’expatrier à Paris, Londres, USA ?
- pour diminuer notre dépendance énergétique.
- en limitant les consommations excessives.
- en développant les EMR tout en respectant l’ensemble des acteurs concernés.
- pour soutenir et promouvoir la culture et la langue bretonne. Où étaient les neufs députés bretons qui ont brillé par leur absence lors du vote (protection des langues régionales) à l’assemblée nationale pour soutenir Paul Molac en février dernier? Aux sujets des langues régionales, il est intéressant de lire l’avis Michel Feltin Palas dans l’Express en avril dernier(4).
Détruire l’identité bretonne.
L’état français a œuvré et oeuvrera encore, c’est sa stratégie, à détruire notre sentiment d’appartenance à notre sol, notre culture, notre Histoire, notre géographie (B5/ B4). Son souhait est que l’être humain soit citoyen du monde. Qu’il soit sans frontières, et n’ait aucune attache d’aucune sorte.
Nous devons réagir.
- lutter contre une société d’individus isolés, déracinés et de moins en moins solidaires.
- préserver et développer le bien commun.
- apprendre à la jeunesse bretonne son Histoire, sa langue, sa culture (d’où on vient) et surtout
- montrer aux jeunes le chemin à suivre puisque c’est eux qui piloteront un jour à la destinée de notre peuple et de notre nation.
Ne pourrions nous pas leur faire naître une ambition autre que celle de survivre.
- à une crise économique (2008).
- puis à une crise sanitaire.
- et à des attaques terroristes de salafistes radicaux.
- ou aujourd’hui à une crise sociale et civique ?
Nous sommes à un moment charnière, celui ci est unique, à nous de saisir notre chance.
Unissons nos forces, citoyennes, politiques, sociales, associatives, culturelles et soyons fiers d’être ce que nous sommes, loin des clichés qui nous collent encore à la peau.
Enfermés depuis des dizaines d’années voire plus, depuis les révolutions industrielles /Karl Marx, Adam Smith/dans le débat réduit à l’économique et au social (salaire, syndicats, corps intermédiaires, ..), ces aspirations sociales peuvent laisser place à des aspirations communautaires (Les communautés, Jean Pierre Le Mat (5).
Regroupons nous, hors extrêmes, faisons re-naître l’espoir d’une Bretagne riche et prospère, autonome … pour débuter. Puis émancipée, animée par des personnalités modérées.
Régulièrement des voix qui comptent dans notre paysage (Yvon Olivier et Christian Troadec pour ne citer qu’eux) s’élèvent pour faire union de toutes les bonnes volontés d’origines diverses politiquement afin de constituer ce front BRETON, celui qui permettra de faire tomber le mur jacobin.
N’est ce pas l’homme qui prépare et construit son avenir (5)?
Références.
1) « Le livre bleu de la Bretagne » de Louis MELENNEC
2) NHU Bretagne 20 Février 2019 de Rémy PENNEG
3) Décret RF du 25 Mars 2020 interdisant à tout médecin généraliste pratiquant en ville à prescrire la chloroquine
4 ) » Les langues régionales : une richesse à partager plus qu’un danger séparatiste » de Michel FELTIN-PALAS.
Au sujet des langues régionales, l’avis de Michel FELTIN-PALAS (l’Express, Avril 2020) est intéressant : c’est l’action répressive d’un état qui conduit un peuple à avoir des velléités identitaires en particulier linguistiques et ce ne sont pas les langues régionales qui conduisent en elle mêmes au séparatisme, et citant l’exemple de la Suisse.
5) NHU Bretagne, Mai 2020 de Jean Pierre LE MAT : « Après les lumières françaises, le soleil breton » ?
Annexe : analyse de la crise sanitaire.
Le virus a pénétré et tué différemment dans chaque Etat Nation et ceci peut amener à des discussions sur
– la gestion territorialisée de la crise qui trouve son satisfecit en Allemagne (Länder)
– vision géographo culturelle avec une Europe du Nord épargnée et une Europe du sud particulièrement touchée ou
– une vision économique
– plus globale, mondiale (pays riches touchés versus pays pauvres moins touchés) … ou
– moins globale (relocalisation, réindustrialisation d’industries stratégiques …) avec -in fine – une gestion plus pragmatique et rapide (Afrique, Colombie britannique, etc.) : fermeture des frontières, mesures de distanciation dont les masques,
2 commentaires
Pourquoi ne pas reprendre le projet de l’assemblée de Bretagne arrimé à la notion d’autonomie de la Bretagne avant un avenir encore meilleur.
Pourquoi l’assemblée de Bretagne. Parce que le mouvement Breton qui n’en est plus vraiment un se perd systématiquement dans la construction de programme qui ressemble fort à des programme politique. Or les Bretons n’ont que faire de programme politique il faut leur proposer un outil avec lequel Ils décideront. L’assemblée de Bretagne est un retour au source et un début concret d’une réalité d’émancipation. Le reste n’est qu’entourloupe. Pour l’instant je ne connais personne qui pense à la création d’une assemblée de Bretagne. Si vous avez des pistes?Je suis preneur.
Je suis en accord total avec votre analyse mais ce projet aura des difficultés à éclore par la seule société civile. On le voit en Corse où tout passe par les partis politiques corses qui font de très gros scores à chaque élection.
L’ « assembliste » identifié comme tel et le plus célèbre est JJ Urvoas. Il ne cesse ( à raison) de la revendiquer. Yvon Ollivier, à ma connaissance, également. Ce dernier a l’avantage de ne pas être un politique.