Éditorial de la revue Istor Breizh, par Christian GOUEROU et Jacques-Yves LE TOUZE
Sommaire
« Istor Breizh, avec pour sous-titre « La Bretagne dans l’Histoire, l’Histoire de la Bretagne », ne sort pas de nulle part.
En 1985, la revue Dalc’homp sonj , « Souvenons-nous », avait été créée dans le but de transmettre l’Histoire de la Bretagne. Elle avait dû interrompre sa publication en 1989.
Nous nous inscrivons dans ses pas.
Aujourd’hui, ce livre-magazine, ce « mook », souhaite donner à lire et à approfondir l’Histoire de la Bretagne. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour se rendre compte combien elle est peu ou pas enseignée dans les écoles, collèges et lycées de Bretagne. Et « notre » histoire au sens de « celle d’ici », « celle où je vis », n’est pas non plus transmise par les grands outils médiatiques.
L’école et les manuels d’Ernest Lavisse, « instituteur national de la IIIe République », ont transmis une histoire étatisée qui place la France au centre du monde. Songez donc qu’on a asséné aux futurs cadres qui déclareront l’indépendance du Vietnam en septembre 1945, le « nos ancêtres les Gaulois« . Il en fut de même pour les populations africaines colonisées. Telle une prière universelle, l’historiographie française s’est imposée à tous ses « sujets ». Depuis l’historienne Suzanne Citron, (1922-2018), et la publication de son ouvrage critique Le mythe national en 1987, par à-coups, selon les ministres de l’Éducation nationale, l’histoire de France arrive parfois à devenir plurielle. Mais le chemin à parcourir reste long pour comprendre que non, la France n’a pas toujours été là. Il existe une pluralité culturelle, sociale et historique à l’intérieur de l’Hexagone.
Cette matrice des manuels d’histoire occupe tout l’espace.
Pour les périphéries, rien de comparable à ce qu’on appelle le roman national français. Non pas qu’il faille créer un roman national breton, gardons-nous-en! Non, il s’agit de permettre à chacune et chacun de s’approprier un passé qui lui est propre, de Brest à Nantes et de Penmarc’h à Saint-Malo. Et plus loin encore, c’est aussi une histoire « celtique » européenne et une histoire mondialisée à partir du XVIe siècle.
La volonté d’Istor Breizh est de poser le débat.
La connaissance de l’Histoire aide à s’émanciper des messages contraints. Abordons les sujets historiques avec des grilles de lecture variées. Il est évident que les points de vue anglais, français ou breton sur la bataille d’Auray à l’époque du duc Jean IV de Montfort, en 1364 ne peuvent être les mêmes!
Dans l’élaboration de la matrice histoire, faut-il parler de prismes, de focales et de carences françaises ?
Plus près de nous, prenons un exemple cité dans l’essai La Nuit Celtique de Donatien Laurent et Michel Treguer (chez Terre de Brume, Éditions et Presses Universitaires de Rennes,1996) : dans l’Ain, en 1897, fut découverte une table de bronze, le Calendrier du Coligny, document capital pour l’archéologie gauloise. La table donne les clés de compréhension de la mesure du temps des sociétés druidiques. Dès 1909, une étude sur le sujet, signée d’un Britannique Sir John Rhys, paraît. Suivie par une deuxième publication de l’Irlandais Eoin McNeill en 1926. C’est en 1986 qu’une étude scientifique voit le jour en France! Posons donc la question, combien de trésors historiques bretons dorment à l’abri des regards dans les tiroirs des musées de France ?
C’est à dessein que nous citons l’ouvrage de Donatien Laurent et Michel Treguer.
D’abord parce que, comme un clin d’œil, l’essai débute par cette phrase de Michel Treguer : « Il existe une façon de raconter l’histoire de France« . Mais aussi parce que, dans ce numéro d’Istor Breizh, nous revenons sur la polémique créée par l’exposition « Celtique? » au cœur de l’été 2022 au Musée de Bretagne à Rennes. Cette polémique parle d’elle-même : l’histoire peut être revue de différentes manières ou menée à des conclusions pour le moins divergentes.
Il est remarquable que la place laissée à l’ethnologue Donatien Laurent (1935-2020) dans cette exposition se réduise à une portion congrue. En 1989, la version publique de sa thèse, soutenue en 1974, portait le titre suivant : Aux sources du Barzas Breiz: la mémoire d’un peuple.
Nous avons également choisi plusieurs entrées pour éclairer l’œuvre des Seiz Breur, mouvement artistique breton qui a vu le jour en 1923.
Né de la rencontre d’artistes sensibles à la modernité des arts et aux arts appliqués, en opposition à un art dominant, les Seiz Breur s’inscrivent dans un temps historique breton et européen de l’entre-deux-guerres jusqu’en 1947. Oublié, puis redécouvert dans les années 1980, son caractère novateur demeure. »
Abonnez vous à Istor Breizh l’Histoire de la Bretagne
Istor Breizh
32 Straed / Rue François Le Levé
56100 An Oriant / Lorient
4 numéros, deux ans, pour 75 euros
Directeur de la publication : Jacques-Yves Le Touze
Rédacteur en chef : Christian Gouerou
Coordinatrice d’édition chargée de développement : Armelle Le Guillou
Conception graphique et mise en page : Olwenn Manac’h, Speied
Photogravure : Abers Studios, Karaez
Correction : Hélène Berre, Pluguen
Relecture langue bretonne : Herve ar Beg
Impression : Abedik
Diffusion : Coop Breizh, Speied
Auteurs : Daniel Le Couedic, Jules Verlingue, Jean Jacques Monnier, Aindrias O’Cathasaigh, Mikael Bodlore-Penlaez, Gildas Salaün, Ronan Le Couëdic, Armel Morgant, Malo Bouëssel du Bourg, Joël Cornette, Jean Michel Le Boulanger
Vous pouvez aussi adhérer à l’association Les Amis d’Istor Breizh / Mignoned Istor Breizh
Istor Breizh, l’Histoire de la Bretagne : Titre et liens par NHU Bretagne
3 commentaires
Bonjour.
Je suis fort surpris que vous relayez les excès de Louis Mélennec, chantre du « roman national breton » !
Dans sa détestation de la Révolution « française », il se permet de généraliser l’Histoire vendéenne à la notre. Il fait une totale abstraction du rôle que nos députés ont pu jouer dans la réalisation de celle-ci. À le lire, toute la Bretagne était royaliste. Il ne veut pas voir la population urbaine ainsi que certaines parties de la Bretagne qui étaient attachées à la république.
Il nous présente la Révolution comme un génocide à l’encontre des Bretons. Alors que dans les faits, la France vivait une guerre civile qui ne s’est pas limitée à l’Ouest. Par le passé, elle a connu les Guerres de Religions. Avec la Révolution, elle a connu d’avantage une Guerre Sociale (nobles vs bourgeois et prolétaires vs une partie de la paysannerie).
Nous avons eu effectivement de grands noms de la Chouannerie mais aussi de la Révolution. Mélonnec a une vision trop manichéenne de cette période ainsi que pour les débuts de la IIIème République. Pour lui, cela se résume à la France contre la Bretagne, il efface la complexité de ces épisodes.
La Vendée militaire par contre a clairement subit une volonté d’éradication. Mais elle n’est pas la Chouannerie, même s’il y a eu des liens d’opportunité entre les deux mouvements.
La Vendée a été beaucoup plus investie dans le protestantisme que la Bretagne, à l’échelle de son territoire. La Royauté réprima la population, puis y fit un travail d’abjuration tel que les Vendéens devinrent encore plus catholiques que par le passé, quel que soit leur classe sociale. Si bien que deux cents ans plus tard, ils vécurent la Révolution et ses prêtres jureurs comme une atteinte à leur croyance. À laquelle s’est ajouté la « Levée en Masse » de soldats, point qui suscita comme chez nous et d’autres provinces, l’étincelle à la contre-révolution. Mais pour les Vendéens, les « Bleus » ont été désignés, par leurs seigneurs, comme des ennemis à éliminer comme des nuisibles. Les escalades dans l’horreur des combats entre les deux camps conduisirent au final à ce qui est ou est proche du génocide.
En Bretagne, contrairement aux Vendéens, nous avons eu plus de combats fratricides. L’ennemi n’était pas nécessairement non breton…
Bonjour Yann et merci de votre commentaire. Louis Melennec a comme vous et moi, des qualités et des défauts. Une de ses qualités (pour nous, peut-être un défaut pour vous ?) c’est qu’il nous restitue une version bretonne de notre Histoire nationale. Pourquoi laisser libre champ au seul « roman national français » ? L’Histoire de Bretagne n’est enseignée nulle part, et lorsqu’une émission lui est consacrée à la télé, c’est uniquement sous un côté « insolite » avec une vision de vainqueur.
Louis Melennec a consacré sa vie à démontrer qu’il n’y a jamais eu de « traité d’union » entre les deux États, mais qu’il y a eu invasion des armées françaises suivie d’une annexion pure et simple. Que cette vérité dérange, nous pouvons l’entendre. Mais une des missions que s’est, modestement, fixé NHU Bretagne, c’est de dire ce que d’autres ne disent pas. Nous sommes un média indépendant, donc libre de publier ce que l’on veut.
Merci de nous lire
#RacontonsNotreHistoireNousMemes
Bonjour. Votre réponse dans la nuance me convient tout à fait. La diversité de l’origine des sources est effectivement la base pour la fidélité de l’Histoire, tout en conservant un minimum de distances avec celles-ci.
Bien à vous