Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode

Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode

de Olivier CAILLEBOT
Publié le Dernière mise à jour le

Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode de la série du Réalisateur Olivier CAILLEBOT.

L’année 844 ne va pas être très bonne pour les Francs.
Charles le Chauve a décidé de passer le Noël 843 à Tours jusqu’à la fin de l’hiver. Les beaux jours arrivant, il doit partir en Aquitaine pour mater quelques révoltes. Alors il demande à Herve d’Herbauges, le fils de Renaud d’Herbauges, ainsi qu’à Bernard de Poitiers de contrôler les frontières de l’Anjou et du pays nantais. Sauf que, à Nantes / Naoned*, il y a Lambert II de Nantes. Vaillant guerrier qui prouvera encore par la suite sa vaillance, et qui a décidé de ne pas se laisser faire.

Est-ce que lui et Nominoë se sont concertés ?

Le fait est qu’à l’été 844 Lambert II agresse Herve d’Herbauges et Bernard de Poitiers et les tue tous les deux. Pendant ce temps-là Nominoë fonce sur Le Mans et razzie complètement la région. Il est sur le point de détruire la ville lorsqu’un message lui parvient : les Vikings sont en Bretagne, et il faut rentrer. Alors cette incursion des hommes du nord est salvatrice pour les Francs qui vont pouvoir se ressaisir.

Que vont-ils faire ?
Et bien c’est assez curieux, ils vont se réunir en octobre à Thionville. Charles le Chauve va consacrer une partie de son temps avec ses frères Louis et Lothaire à écrire une lettre. Une lettre qu’on va envoyer à Nominoë, le sommant d’arrêter ces exactions sous peine d’être excommunié. Est-ce que cela va avoir un effet sur les Bretons ? On n’en sait rien. En tout cas le fait est que l’hiver va se passer plutôt tranquillement.

Puis arrive le printemps 845 et l’à Nominoë repart en campagne sur Nantes / Naoned. Puisqu’il a un vrai boulevard. En effet Lambert II a tué tous les comtes et marquis qu’on lui a opposé jusqu’aux pays du Poitou. Et c’est justement jusqu’au Poitou qu’il va Nominoë. Ils incendient même le pays des Mauges et le magnifique monastère de Saint Florent le Veil si cher au coeur de Charles le Chauve.  Puis au passage en revenant en Bretagne, il passe par l’Anjou qu’il met à sac, ainsi que la Mayenne. Charles le Chauve le poursuit. Nominoë est déjà en Bretagne. Charles le Chauve est repéré à ce moment là du côté de Saint Benoît sur Loire.

Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode

Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode

C’est peut-être à ce moment là que Charles le Chauve a manqué de clairvoyance.

Il commet une première erreur de politique intérieure, et pour en savoir un petit peu plus je vous propose de partir en Allemagne.

Nous sommes ici à Paderborn au nord de Cologne. Alors pourquoi cette destination ? Parce que Louis le Pieux avait huit ans lorsqu’il va rencontrer son père pour la dernière fois. Père qui sera plus tard nommé empereur de l’église catholique romaine par le pape qu’il rencontrera ici -même. Par ailleurs, Paderborn est aussi la ville dans laquelle Charlemagne aimait se baigner. C’est aussi là qu’il rencontrait tous ses princes pour renforcer son armée. Et c’est ici aussi que deux cent sources jaillissent quotidiennement pour donner leur nom à cette ville.

Les images de cette magnifique ville qui fut le théâtre de plaids au temps de Charlemagne.

Que sont les plaids ?

Ce sont les assemblées qui se tiennent deux fois par an chez les Francs et qui permettent de décider de toute la politique à mener pour la demi douzaine de mois à venir. Généralement la plus importante se tient au moins d’octobre. On y réunit les barons, les vassaux et tous les chefs de guerre pour avoir vraiment une vision d’ensemble. Alors pourquoi parler des plaids ? Parce que chaque fois qu’il y a eu une décision importante à prendre chez les Francs, cela s’est toujours passé au sein des plaids. Alors Charles le Chauve va t-il faire un plaid lorsqu’il va décider d’attaquer la Bretagne ? En fait non !

C’est une décision unilatérale qui va lui coûter cher.

En effet, il a une armée assez appauvrie car elle a été malmenée auparavant par les Bretons. Également par ceux de Lambert II de Nantes / Naoned*. On est au mois de novembre, il est loin de ses terres, et il se précipite en Armorique par ce qu’il a entendu dire que Nominoë est un peu malade. Surtout que lorsque le roi des Bretons était en campagne à l’extérieur, certains chefs avaient décidé de faire sédition, de tirer la couverture à eux, ce qui est assez humain finalement.

Alors il s’est dit c’était le bon moment. Je vais y aller sans plus tarder, je vais prendre ma revanche, et je vais pouvoir asséné un coup fatal aux Bretons. Il est en sous-effectif, mais  il est vrai que Nominoë n’a pas non plus beaucoup de guerriers sa disposition. Il se rend près de Redon où il ya une toute petite abbaye, l’Abbaye de Ballon, entourée de marécages.

Puis il entreprend d’attaquer Nominoë qui va l’accueillir comme on sait recevoir en Bretagne.

Ici nous sommes sur le lieu-dit La Bataille, qui s’appelle comme ça depuis toujours en raison justement de cette bataille de Ballon. Là où ça s’est mal passé pour Charles le Chauve qui s’est même, dit-on, enfuit dans la nuit en abandonnant son armée. La technique du combat des soldats de Nominoë est bien connue. Ils étaient mobiles, ils avaient des petits chevaux, ils avaient des javelots qu’ils lançaient. Puis ils s’enfuyaient. Tandis que les armées et franques étaient lourdement armées et plus pesantes.

Donc dans ces territoires, ici entre l’Oust et la Vilaine, un territoire de marécages, un territoire de bois, c’était peu manoeuvrant pour leur armée. L’armée franque était une armée constituée alors que les troupes bretonnes étaient beaucoup plus légères et n’ont pas accepté le combat face à face. Cela a été plutôt un peu de la guérilla et la bataille s’est déroulée dans la journée. Puis dans la nuit, Charles le Chauve a eu peur, il est monté sur son cheval en prenant son trésor, il est parti en laissant ses troupes.

Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode

Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode

Ce qui est bien sûr donné la conclusion de la bataille en faveur des Bretons.

Les chroniqueurs locaux du XIXe siècle évoquaient cette bataille avec pas mal d’imprécisions historiques que les chercheurs d’aujourd’hui cherchent toujours à améliorer. Et ils ont prétendu que la tradition locale des paysans se rappelait de ce ruisseau de la bataille qui va à cinq kilomètres d’ici se jeter dans l’Oust. Ce ruisseau de de bataille avait été rougi par le sang des combattants pendant les jours qui ont suivi cette bataille.

Il existait un pré-monument si je puis dire.

En effet, dès le XIXe siècle, la croix de schiste ici a été érigé et on suppose que c’était en commémoration de cette bataille. Cette deuxième croit date des années cinquante.  Depuis ces lieux de commémoration ont été fréquenté par le mouvement breton et par les historiens. Donc le fait que ce terrain soit disponible nous a donné envie de lui donner un impact nouveau pour le XXIe siècle. Ce capuchon de cristal est la reproduction d’une monnaie de Charles le Chauve, Carolus Rex, qui donne plus d’ampleur et de beauté à ce monument contemporain.

Ce visage couronné, apparemment de lauriers, est la représentation précise de la monnaie. Une petite monnaie qui se trouve à la Bibliothèque nationale de France et est le visage de Charles le Chauve. Étonnamment moderne, presque du Picasso. Cela est vraiment surprenant, ce qui me fait dire bien sûr que c’est un monument du XXIe siècle.

Le problème avec la Bataille de Ballon, c’est que Charles le Chauve a disparu …

Donc panique chez les Francs ! Charles le Chauve s’est enfuit.
Il est au Mans. Nominoë l’apprend et fonce aussi sur Le Mans, massacrant au passage tout ce qui se trouve jusqu’au Maine. Là il accule Charles le Chauve. Celui-ci est pris à la gorge. Il panique et demande grâce. Il propose un traité de paix aux Bretons, qui l’acceptent.
Alors ce qui va se passer c’est que Charles le Chauve va provoquer une assemblée à Épernay. Où il va y avoir un échange bilatéral entre les émissaires du Roi breton et ceux du Franc. Et on va comme cela, concocter un traité qu’on estime équitable pour les deux parties. Puis une fois le traité établi, Charles le Chauve se décide à venir le signer en Bretagne .

Où exactement ?

C’est important ! Plusieurs endroits sont candidats. Dont Rennes / Roazhon, Gwened / Vannes, Nantes / Naoned. Trop proches des lignes franques qui pourraient tenter un coup de jarnac. Alors Landevenneg, prestigieuse abbaye ? Trop proche de potentielles incursions viking. Là c’est dangereux pour les Bretons. Même chose pour Dol de Bretagne et pour Redon.
Maintenant, ce que ce que je vais vous dire n’a rien de scientifique. Mais d’un point de vue humain ça se tient !

On va faire venir Charles le Chauve et ses émissaires dans un endroit où on est sûr qu’ils ne vont rien tenter. On va les faire venir dans un bel endroit.  Pas question de signer le traité sur un coin de table. Donc il faut une résidence, un château puissant pour les accueillir, pour leur montrer que la prochaine fois qu’ils veulent venir en Bretagne et bien ils verront la force des Bretons.
D’ailleurs sûrement que Nominoë et entouré de tous ces guerriers en grande pompe lorsque Charles le Chauve arrive. Puis on va l’accueillir. Il y a des problèmes logistiques pour loger toute la suite de Charles le Chauve.

Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode

Nominoë et les Rois de Bretagne : neuvième épisode

Alors il y a un endroit qui s’y prête !

Rappelez vous ce que fit Hitler lorsqu’il fit signer les forces de Pétain après la défaite française. Il fit sortir un wagon, celui-là même qui avait servi à signer la défaite de l’Allemagne en 1918. Il fit sortir un wagon pour signifier sa revanche sur  l’état-major français. Alors pourquoi Nominoë n’aurait-il pas choisi Priziac / Prizieg. L’endroit où en 818 son père fut décapité. L’endroit où peut-être il fit un serment secret sa mère, de venger son père et de venger les Bretons. Pourquoi n’aurait-il pas convoquer Charles le Chauve pour laver l’affront de la défaite de 818.

Cette théorie se tient d’autant plus que l’on a trouvé aux abords du Lac de Prizieg* un trésor mérovingien avec deux mille pièces toutes frappées au nom de Charles le Chauve. Car quand on demande comme cela des dommages à un pays qu’on a vaincu, on réclame des terres mais on retrouve aussi de l’argent. Il se peut que ces deux mille pièces soient une partie du tribut que le roi Breton a demandé au Franc. Ce qui voudrait dire que dans ces cas-là Prizieg* est un lieu très important pour l’Histoire de la Bretagne.

Car c’est à Prizieg que le traité donne l’indépendance à la Bretagne.
Surtout que l’on donne aux Bretons la région de Nantes / Naoned*. Car Nominoë l’a exigé à Charles le Chauve, qui le lui donne. Comment fait-il ? Il dit à Lambert II de Nantes / Naoned* : Je te donne l’Anjou et le Poitou où tu vas régner comme comte, mais tu laisses Nantes / Naoned* aux Bretons.
Ainsi Lambert de Nantes va accepter, car effectivement l’échange lui convient.

Avec la participation de Louis Appery et Patrick Renaud, de Poellgor Gouel Ballon

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