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Le lancement du projet Breizh sukr en 2014 : une mini-sucrerie bio en Bretagne pour une production déconcentrée.
En 2014 j’ai initié le projet Breizh Sukr en Bretagne dont la finalité était de développer une production de betteraves sucrière bio en Bretagne et sur les départements limitrophes.
La betterave a été cultivé dans la moindre de parcelle de Bretagne jusque dans les années 1970. Grâce à une nouvelle génétique, le maïs l’a supplanté et l’importation du soya en fut un aspect corollaire. Elle était hautement appréciée car elle assurait un volume de récolte certain tant en qualité qu’en quantité.
Il s’agissait de betteraves fourragères pour l’alimentation des animaux. Cependant depuis dix ans le retour de la betterave fourragère qui se cultive comme la sucrière fait son retour avec une progression de 15/20% annuellement. La betterave de nos champs d’aujourd’hui est quasiment parmi toutes les espèces cultivée en Bretagne la seule qui ait une présence endémique au travers du type indigène Bèta Maritima qui pousse absolument partout sur le haut de la grève sur le bord de mer.
La longue histoire de la betterave en Bretagne.
Ce type indigène n’est pas du tout ignoré des milieux de la recherche en matière de génétique puisqu’il est prélevé des gènes de ce type «sauvage» pour conférer des caractères de résistances aux variétés qui font l’objet de sélections destinées à la grande culture. Dans le seul Finistère en 1930 Fañch ELEGOET Historien et sociologue fait ressortir des études statistiques menée par la chambre d’agriculture de l’époque que la betterave couvre environ 30000 hectares.
Ainsi si l’on ramène cela à l’échelle de l’ensemble de la Bretagne cela fait en environ 150 000 hectares de surfaces. Une culture donc bien présente encore dans les années 1970 où à l’époque les problèmes de Jaunisse Nanissante ne sont pas du tout des fléaux comme telle est la présentation de l’actuelle situation de la sucrière dans les zones de plaine ou elle est cultivée de façon intensive dans le cadre de rotations faites de trois à quatre espèces. Autant dire que l’on est proche de forme de monoculture tout simplement !
Typiquement la sucrière caractérise le schéma de la production agricole intensive qui est une quasi monoculture.
De nombreux bassins de productions de sucrière ont disparu au fil des décennies. Et les bassins actuels se sont aussi bien rétrécis. Ne faisons cependant pas un retour trop loin dans le temps. Car à la veille du dix neuvième siècle il y avait des centaines de petites sucreries. D’ailleurs auxquelles étaient étroitement associées des activités de distillerie pour la production d’alcool. Les problèmes et vraies difficultés au demeurant liées à la culture de la sucrière sont apparus en cours de route. En particulier par le fait que cette culture a été mené de façon de plus en plus intensive et concentrée.
Il y a eu donc un Avant.
Nous sommes dans la phase du Pendant qui est installée depuis maintenant plusieurs décennies. Il y aura un Après mais celui-ci est notre affaire du moment, de notre actualité. Les difficultés liées à la présence de parasites que sont les pucerons ne sont pas discutables. En effet, on peut sans risque affirmer qu’ils s’étendent à l’ensemble des cultures sous diverses formes et variantes. Il est intéressant me semble t-il de s’attarder sur le cas du blé et de sa conduite de culture en conventionnel d’une part et d’autre part en bio.
En conventionnel l’azote (engrais/ fertilisant )qui est un facteur déterminant du rendement fait l’objet d’apports sous la forme minérale à hauteur de 130/200 unités hectare. En bio la fertilisation azotée provient de la matière organique qui minéralise dans le sol. Puis se rendent disponibles dans des conditions de combinaisons humidité/chaleur donc très graduellement. Le super coup de fouet de l’azote chimique (ammonitrate) que les paysans connaissent si bien ne survient pas du tout dans le cadre d’une culture bio.
Exsudat et insecticides.
Quand en conventionnel viennent les mois de mai/juin sous l’effet de la chaleur, de l’humidité la consommation d’azote par le blé a pour effet de faire transpirer les épis de blé. Cet exsudat n’est autre que de la nourriture pour les pucerons qui alors vont se multiplier. Cet exsudation est très faible pour les blés bio, car lente et bien moins intense.
Les paysans choisissent aussi des blés barbus moins sensibles et ceci est connu pareillement des conventionnels. Les blés bio sont plutôt épargnés et les paysans conventionnels déclenchent pour leur protection le passage des pulvérisateurs pour l’application d’insecticides.
Je pense qu’il n’est pas exagéré de dire que ce type de description et raisonnement peut s’étendre à l’ensemble des cultures et caractérise l’agriculture dominante intensive.
L’azote apportée abondamment en conventionnel est une cause majeure de fragilisation des végétaux. Car elle déclenche la plupart du temps le recours au insecticides et au fongicides. La sucrière en est un bon exemple.
Dans le cadre du projet Breizh Sukr …
… j’ai développé pendant trois ans des productions tests de sucrière sur l’ensemble de la Bretagne et dans les départements limitrophes. Ceci a permis de constater sa parfaite acclimatation car le climat préféré de la betterave est le climat océanique. Les mesures de richesse en sucre ont également été très bons. Diverses techniques de plantations ont été expérimenté et ont fait apparaître qu’il était aisément faisable d’obtenir des rendements pouvant aller de 70 à 100 tonnes selon qu’il s’agisse de semis sur place ou de replantage. Le rendement moyen en conventionnel étant de 96 tonnes/hectares.
Circuit-court.
Le schéma de la sucrière sous forme de culture extensive bio a aussi un autre corollaire qui est de bâtir des outils de transformation décentralisés dans les bassins de productions indigènes ou locaux/grand locaux. Dès son lancement, j’ai strictement écarté l’idée de faire transporter et transformer les betteraves cultivées en Bretagne dans des grands outils industriels. Dont les capacités varient de 12000 tonnes à 24000 tonnes de betteraves /jour. Un chargement pèse trente tonnes : soit environ 900 camions jour/24 heures. Des trafics de camions sont donc considérables.
Ayant une grande accointance avec les sujets relatifs aux process et techniques de transformation, j’ai naturellement et d’emblée conçu que les productions de betterave bio produite à l’échelles de bassins isolés et sans historique avec la transformation industrielle de la betterave doivent se doter de petites unités sucrières de transformation.
Tout aujourd’hui est en faveur de la défense de ce point de vue.
Dont l’existence d’un marché du sucre bio qui a reposé en totalité sur l’importation. Et qui était sous la gouverne des grands groupes sucriers français. Puis un faible coût logistique pour le retour des drèches qui sont des co-produits de la production du sucre vers les élevages laitiers bio ou vers les élevage de porcs bio. Tout comme ils étaient principalement nourris de betteraves autrefois. Également un marché durablement en croissance et une adhésion des consommateurs. Aussi une agriculture diversifiée et autonome, attirante pour de nouvelles installations…
Enfin et surtout, en concevant une mini sucrerie qui produit 7000/10000 tonnes de sucre dans une campagne (une sucrerie moyenne produit 120 000 tonnes de sucre dans une campagne de 80 jours). Car grâce à ces petites échelles de transformation il est possible de conférer à ces outils déconcentrés des caractéristiques pour en faire des outils polyvalents capables de réunir des fonctionnalités permettant de transformer de nombreux autres végétaux pour produire des jus et les concentrés. Également d’extraire des molécules car c’est un domaine très connecté à la chimie.
Edou Breizh.
Cette polyvalence, flexibilité, est exactement ce qu’une grande sucrerie ne peut absolument pas envisager en raison de son échelle. Car ce sont de grands outils hyperspécialisés qui ne peuvent rien faire d’autre, contrairement à une petite sucrerie.
Notre première usine de fabrication d’aliment bio (Edou Breizh) était justement la démonstration de cette agilité et polyvalence lorsqu’elle fut créée en 1990. Tandis que la logique de l’époque imposait dogmatiquement de faire des usines en conventionnel qui ne pouvaient produire moins de 800 000 tonnes pour être économiquement viables.
En vingt ans, il s’est créé une dizaine d’usines de fabrication d’aliments bio qui aujourd’hui ne sont pas prêtes de disparaître tant elles ont démontré leur pertinence.
Les sucreries indigènes : Une partie des vraies solutions pour le futur …
Les projets initiés avant l’heure sont souvent contrariés, incompris, non soutenus. La région Bretagne a pu recevoir de ma part une présentation de cette démarche. Mais la pertinence du projet n’a pas fait mouche chez le premier responsable des questions agricoles pour la région… Cela est sans surprise car beaucoup des responsables politiques se posent en gestionnaires et oublient de faire de la politique. Déconstruire le schéma de l’industrie sucrière concentrée est un acte politique si on veut imaginer la mise en orbite d’un concept de mini sucre.
Les leaders de l’agro alimentaires n’ont cependant pas du tout intérêt à voir grossir le flot de créations de petits outils.
Dans le moyen termes cela devrait s’amplifier et pourrait conduire à faire émerger cette catégorie comme une force concurrente. Tant dans le domaine de la production que sur les marchés. Les productions bio génèrent dorénavant l’apparition d’une multitude de nouveaux opérateurs de petites et moyennes tailles dans le domaine de la transformations et de la distribution. Is alimentent une atomisation considérable ou les agriculteurs ont beaucoup à gagner.
La mini sucrerie est un exemple d’une échelle nouvelle d’activité ou les paysans pourraient se sentir mieux. Car les structures qui transforment leurs produits n’ont jamais cessé de grandir. Au point où ils se retrouvent dans des rapports de déséquilibre avec ceux ci.
Pour que l’agriculture biologique s’étende, il y a un point majeur qui fait obstacle.
C’est la question de l’efficacité des moyens pour la maîtrise du désherbage. C’est le point de blocage déterminant. Passer la barre des 10% d’agriculteurs bio sera très difficile si des évolutions n’apparaissent pas pour faciliter et sécuriser le travail des agriculteurs. Pourquoi nous imposer la technologie 5G alors qu’une agriculture écologique à grande échelle est entravée par un vide en matière de progrès technologique …
Oublie t on que l’agriculture est un fonction vitale ?
Le concept de mini-sucrerie.
Il faudrait faire valider le concept de la mini sucrerie pour envisager de construire une première unité à l’échelle grandeur nature passer à l’expérimentation : budget dix millions d’euros, parfaitement amortissable de mon point de vue.
Les grands groupes habitués au lobbying réagiraient certainement mais la validation d’un tel type d’outil permettraient d’en multiplier le nombre dans de nombreux autres bassins de productions.
Cela conforterait les conversions , ferait valoir les paysans. Une agriculture dynamique aurait plein d’atouts pour contribuer à batir autour d’elle un tissu de petites et moyennes entreprises qui rendraient le monde rural plus attrayant, diversifié, pourvoyeur d’emplois.
La suppression des néonicotinoïdes a visiblement été géré par des gens incompétents. Car décider dogmatiquement de leur suppression ne pouvait que conduire à cette décrédibilisation et à cet impasse. Beaucoup de nos décideurs politiques sont des individus qui n’ont jamais travaillé qu’avec l’argent public et cela conduit à de l’irresponsabilité et à de l’inconséquence..
La situation actuelle est donc sans surprise.
Le sujet du glyphosate est très similaire. Car le supprimer de but en blanc de façon péremptoire produira le même effet suivi d’une famine immédiate.
Mais il n’y a pas à avoir d’hésitations : il faut se passer de ces biocides.
L’agriculture et ses évolutions sont des sujets complètement politiques.
L’usage des phytos est une catastrophe et cause beaucoup, beaucoup, de dégâts. Ce sont des biocides ni plus ni moins. Et ces produits ont des actions diffuses destructrices. Il y a des moyens, de l’argent à injecter pour trouver des solutions de remplacement en phase avec les exigences sociétales et environnementales de notre époque. Pour tendre vers une agriculture écologique, il faut y mettre les moyens.
Comme cela fut le cas dans les années 1960 ou l’État décidait qu’il fallait produire massivement et avoir pour objectif notamment l’export. De l’argent fut injecté pour la création de nouveaux moyens de productions. Nous avons exactement la même chose à faire aujourd’hui. Mais avec de nouveaux moyens et pour d’autres finalités. Créer les conditions pour la pratique d’une agriculture écologique innovante signifie se passer des phytos. Dont sont complètement dépendants les paysans à 90% d’entre eux et sans lesquels ils ne savent pas produire.
Leur mettre à disposition de nouveaux moyens serait de nature à les rendre plus libres et indépendants. Car le nœud de la question est là. En effet, en devenant affranchis de ces techniques
(surtout les herbicides) ils trouveront aisément par eux-mêmes des marchés pour écouler des productions diversifiés. Ils se soustrairont alors naturellement de l’emprise de l’agro-alimentaire très concentrée et puissante. Alors ils pourront devenir des paysans entrepreneurs.
Au sujet de l’Auteur.
Bernard CANO. Créateur avec son associée Laurence TRÉHIN de la Société Edou Breizh en 1987 pour la relance de la culture du sarrasin qui avait totalement disparu. Puis de la première usine de fabrication d’aliments spécialisée en bio à partir de 1990. Diffuseur d’une large gamme de matériels de désherbage mécanique.