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Le Fou de Bassan, le plus grand oiseau de Bretagne, comme le Goéland argenté, oiseaux emblématiques de Bretagne, gravement menacés.
Loin de l’actualité brûlante ― guerre en Ukraine, changement climatique, montée en puissance de la Chine, … ― il est pourtant une autre actualité qui devrait nous toucher. Car elle concerne notre patrimoine naturel, cette biodiversité qui nous entoure, nous touche et fait vibrer notre imaginaire.
Deux populations d’oiseaux emblématiques de la Bretagne, les Fous de Bassan et les Goélands argentés, sont gravement menacées.
La « grande » presse en a si peu parlé…
Fou de Bassan
Le Fou de Bassan est un oiseau de la famille des Sulidés, appartenant au groupe des oiseaux pélagiques, c’est-à-dire vivant en haute mer (comme les albatros, les pétrels, etc.). Son nom scientifique en latin est Morus bassanus. En gallo il est appelé margaod, et en breton morskoul boutin (1). C’est le plus grand oiseau marin de Bretagne et d’Europe, avec une envergure d’environ 1,80 mètre. Un magnifique oiseau avec beaucoup de blanc, l’extrémité des ailes noires, la tête jaune pâle, un bec gris en poignard et des yeux bleu clair.
Il est surtout connu pour sa technique de pêche impressionnante, plongeant en piqué dans l’océan de plusieurs dizaines de mètres de hauteur à une vitesse qui peut atteindre 100km/h lorsqu’il frappe l’eau ! Ce qui multiplié par de nombreux individus donne un spectacle unique à observer.
Observer la Fou de Bassan.
En dehors de l’été, période de nidification, il vit le reste de l’année en haute mer et fréquente l’Océan Atlantique de l’Atlantique nord à la Méditerranée occidentale et aux côtes de l’Afrique de l’ouest. On peut l’observer en migration tout au long de nos côtes, en particulier en automne. Avec une bonne paire de jumelles, ou mieux encore avec une longue vue, le spectacle est assuré.
Il revient chaque printemps nicher en groupe dans des anfractuosités de rochers ou sur des corniches de falaises, sur les côtes de l’Atlantique nord : Norvège, Danemark, Islande, Écosse, Irlande, Pays de Galles, Angleterre… et Bretagne ! En un seul endroit : l’île de Rouzic / Enez Riouzig dans l’archipel des Sept-Îles dans les Côtes d’Armor. C’est là, dans cet archipel géré par la LPO Ligue de Protection des Oiseaux, depuis 1912, que se situe durant la belle saison la seule colonie bretonne (et française), qui était jusqu’à cet été l’une des plus importantes d’Europe et la plus méridionale.
La plus importante étant par ailleurs située en Écosse, sur l’île de Bass Rock dans la mer du Nord, elle comptait jusqu’à 150.000 couples reproducteurs. Comme l’écrit la LPO : « Depuis son implantation sur Rouzic/Riouzig dans les années 1930, la colonie n’avait cessé de croître jusqu’à 2010, avant de stagner en raison de multiples pressions (baisse des ressources en maquereaux, noyade dans les engins de pêche le long des routes migratoires, changement climatique…). En 2021, elle comptait 19.000 couples reproducteurs. » (2)
Elle « comptait » : on va y revenir.
Le Goéland argenté, tout le monde le connaît. Ou croit le connaître.
De la famille des Laridés qui comprend les goélands et les mouettes, son nom scientifique latin est Larus argentatus. En gallo il est appelé caniâ griz, et en breton gouelan gris (3). Le terme goelañ signifiant « pleurer » en français.
On en a tous vu, c’est un peu le symbole des ports et des retours de pêche. D’un blanc immaculé avec des ailes argentées, un fort bec muni d’un point rouge [Vous savez pourquoi ? Il sert de repère au jeune qui frappe le bec de son parent à cet endroit avec le sien, provoquant son nourrissage par régurgitation] et de petits yeux jaunes cerclés de rouge.
Il assure le spectacle dans les ports, criant sur les toits et se nourrissant sur les quais de restes de poissons, d’étoiles de mer, de crabes …ou de déchets humains, remplissant ainsi son rôle de nettoyeur. À la fois apprécié et craint par les touristes du fait de quelques fientes quelquefois bien ajustées !
En Bretagne, il serait temps de reconnaître un goéland d’une mouette.
Enfin… ça c’était avant.
Avant quoi ?
Avant la grippe aviaire.
La grippe aviaire est une infection provoquée par des virus grippaux de type A, en particulier par les sous-types H5, H7 et H9. Elle peut toucher presque toutes les espèces d’oiseaux, sauvages ou domestiques.
À l’origine, cet influenza aviaire hautement pathogène H5N1 est apparue dans un élevage d’oies en Chine en 1996. Puis en 2002, les premiers cas de mortalité ont été enregistrés chez des oiseaux sauvages, toujours en Chine, montrant que le virus avait acquis la capacité de passer des oiseaux domestiques aux oiseaux sauvages, et depuis lors le virus a continué à évoluer, détecté en Asie, puis en Europe, en Afrique et en Amérique du nord. (4)
Migrations en Europe et Bretagne.
En Europe, l’hypothèse est que le virus soit arrivé sur les colonies d’oiseaux marins par l’intermédiaire des oiseaux d’eau hivernants. Ensuite la contamination s’est faite par contact entre les oiseaux et aussi par les fientes. Si les oiseaux d’eaux (canards, oies, cygnes…) ont joué un rôle dans la dissémination du virus, les goélands ont pu jouer également un rôle non négligeable. Ces différentes espèces sont connues pour faire des déplacements sur de longues distances, notamment durant les mouvements migratoires (5)
Nous en sommes là aujourd’hui …
Les différentes colonies de Fous de Bassan d’Europe ont été décimées durant cet été 2022, la colonie de Rouzic/Riouzig est passée de 19.000 couples à quelques milliers à peine (cf photo), la LPO estime le taux d’échec de leur reproduction à 90% !
Tandis que les populations de Goélands argentés ont aussi été durement touchées (ainsi qu’ailleurs en Europe d’autres populations d’oiseaux sauvages : puffins, Sternes caugek,…). Le temps où le goéland argenté proliférait est maintenant bien lointain !
Et les municipalités seraient bien inspirées de stopper leurs campagnes annuelles d’éradication d’une espèce pas loin de devenir en voie de disparition.
Les découvertes de cadavres d’oiseaux marins permettront peut-être d’avancer dans la connaissance des dégâts. Mais c’est la prochaine saison de reproduction, en 2023, qui permettra d’en évaluer les conséquences avec plus de certitudes, au vu du nombre d’oiseaux reproducteurs présents alors.
La Chine
Et dire que cette épizootie meurtrière est partie (comme prévu hélas par les scientifiques et les écologistes) d’élevages concentrationnaires, en l’occurrence en Chine !
Sans même parler de la possible transmission oiseaux/humains. Puis humains/humains… Mais ceci est une autre histoire.
Les oiseaux n’y sont pour rien, victimes une fois de plus d’erreurs d’origine humaine. La priorité au niveau mondial devrait être de mettre fin à de tels élevages industriels.
Ainsi que, localement, aux lâchers dans la nature d’oiseaux d’élevage (faisans et autres canards) fort prisés du monde cynégétique.
(1) Bretagne vivante : 50 oiseaux des bords de mer en Bretagne
(2) www.lpo.fr/qui-sommes-nous/toutes-nos-actualites/articles/actus-2022/grippe-
aviaire-consequences-dramatiques-pour-les-fous-de-bassan
(3) Bretagne vivante : 50 oiseaux des bords de mer en Bretagne
(4) www.bretagne-vivante.org/Actualites/FIL-ROUGE-Grippe-aviaire-ou-en-sommes-nous
(5) idem