La situation actuelle se prête à dresser un court état des lieux de ce que l’on appelle « mouvement culturel breton » ou Emsav.
Il faut rappeler que la charte culturelle de 1978, obtenue de haute lutte (le FLB Front de Libération de la Bretagne y est pour quelque chose) avait accordé une légitimation forte au mouvement breton, doté d’instances et de moyens susceptibles d’agir au soutien de notre culture et de l’émancipation de notre peuple.
Sommaire
Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Le mouvement breton est-il en mesure de peser sur le cours de choses ou est-il devenu la chose du Conseil régional ?
Le Drian avait entamé habilement l’entreprise de mise au pas, en accaparant le Conseil Culturel de Bretagne, privé de ses moyens d’action et érigé en chambre consultative composée de membres cooptés par la région.
Je n’ai jamais compris comment les militants de l’époque avaient pu accepter une involution pareille en échange de… rien. Fallait-il être naïf ou ne rien comprendre aux rapports de force ?
La fascination pour le pouvoir, peut-être.
L’Institut culturel de Bretagne avait également fait l’objet d’une tentative de reprise en main par le même personnage qui souhaitait le transformer en établissement public. A l’époque, avec le géographe Jean Ollivro, nous avions fait voter une motion hostile à cette transformation par l’Assemblée Générale de l’ICB Institut Culturel de Bretagne.
Quelques années plus tard, dressons un rapide bilan.
Les moyens financiers et la capacité d’action ont été transférées à des organismes comme BCD Bretagne Culture Diversité,, dont l’activité notable ne doit pas cacher que l’essentiel de son budget est consacré aux salaires. En quelque sorte, le mouvement breton s’est fonctionnarisé.
Loin de moi l’idée de dévaloriser le travail accompli par cette structure, qui comme l’OPLB Office Public de la Langue Bretonne, œuvre avec beaucoup de sérieux.
Ce que je veux dire, c’est qu’un fonctionnaire fonctionne, il n’émancipe pas.
Or le plus important tient à la volonté d’émancipation de notre peuple, qu’incarnait les instances de la Charte Culturelle et que l’on ne retrouve plus dans ces structures étroitement contrôlées par la région ou le pouvoir politique.
Vivre sa culture au quotidien, c’est important.
Mais pour un peuple minoritaire, en proie à un système politique hostile et à une presse contrôlée par l’État central, encore faut-il vouloir bousculer les choses pour obtenir la reconnaissance et les droits qui nous faut défaut.
L’association Kevre Breizh, créée pour reprendre le volet action, est évanescente aujourd’hui.
Elle n’agit plus et se montre même incapable d’adopter une motion modérée en défense de la dimension celtique de notre identité.
Même le nouveau Conseil Culturel, instance consultative et auteur d’avis dont la région se contrefout, est dans la tourmente. Rozenn Milin, militante bretonne engagée vient de démissionner de la présidence du CCB Conseil Culturel de Bretagne.
Cette instance peut disparaître à présent. On ne la regrettera pas.
L’ICB Institut Culturel de Bretagne, où persiste la volonté bretonne d’émancipation, connaît une crise financière qui pourrait l’emporter. Il faudra le défendre à l’évidence, mais la région Bretagne lui viendra-t-elle en aide, pour les raisons que l’on sait ?
Au final, qui contrôle qui ?
La région Bretagne administrative menée par sa majorité PS ne voit dans les militants bretons qu’une clientèle à satisfaire par de maigres subventions. Ce qui lui importe, c’est le pouvoir qui repose sur ses réseaux d’influence.
La région Bretagne administrative n’a que faire de l’émancipation de notre peuple puisqu’elle doit son existence même à la nécessité de le contrôler et de maintenir les formes de domination politique, économique, sociale et culturelle que nous subissons.
Lorsque la région s’affirme, c’est toujours le peuple qui recule.
En résumé, le pouvoir régional contrôle le mouvement breton alors que c’est ce dernier qui devrait faire bouger le système et les responsables politiques pour obtenir une juste reconnaissance de notre peuple et la sauvegarde de nos langues en grand péril.
Les associations culturelles de Loire Atlantique sont désormais privées de la moindre subvention de la région des Pays de la Loire. Au moins le tiers de sa population est bretonne mais cette région ne respecte pas ses missions légales tendant à la préservation de son identité dans sa diversité. Elle a d’autres priorités comme la création d’un grand centre en Vendée consacré à son identité, dont on ne sait rien sinon qu’elle est exclusive de celle des Bretons. C’est une forme de déshumanisation assez classique lorsque l’on a instauré un découpage arbitraire et hostile à l’humanité.
Les associations bretonnes de Loire Atlantique auront-elle la volonté de réagir ?
Il arrive que la vie s’étiole lorsque les forces ne reposent que sur les subventions. Et de quoi nos adversaires auraient-ils peur si les Bretons sont incapables de montrer les dents lorsqu’on leur marche sur les pieds ?
Et si nous retrouvions le sens de l’émancipation et de l’indignation ?
Pour finir, j’ai appris récemment que le Collier de l’Hermine allait pouvoir être remis à des élus ainsi qu’à des fonctionnaires. Tout va dans le même sens.
La boucle sera bouclée lorsque Loig Chesnais-Girard montera sur la tribune pour récupérer le collier qui lui est dû.
La mise au pas du mouvement culturel breton
Illustrations de NHU Bretagne.
Merci à Nono, Dessinateur humoristique breton, de bien vouloir nous excuser d’avoir trafiqué sa photo lors de sa remise du Collier de l’Hermine.