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Quel(s) referendum pour la Loire Atlantique, par Jean OLLIVRO

de NHU Bretagne
Publié le Dernière mise à jour le

Un referendum pour la Loire-Atlantique ?

Sans exception, la totalité des formations politiques actuelles du Conseil régional de Bretagne s’est prononcée « pour » un référendum en Loire-Atlantique. L’ambition est relayée dans ce département par diverses forces bretonnes. De façon curieuse, le projet est immédiatement appuyé par des gens comme Philippe Grosvalet qui se sont toujours opposés à l’unité bretonne. Pourquoi pas.

Toutefois, ce procédé paraît dangereux et traduit un manque d’audace.

Pourquoi nulle force politique n’exige l’évidence Bretagne ? Par simple décision. N’a-t-on pas solutionné le problème de la division de la Normandie (classiquement avec une « Basse » et une … « Haute » Normandie à deux départements) sans aucun référendum ? En disant tout simplement aux gens que c’était comme cela. Car c’était une évidence. Et qu’une poignée d’acteurs (environ soixante personnes selon le Figaro) l’avait demandée le 10 mai 2014 sur le pont éponyme ?

Et voilà que l’évidence bretonne de la Loire-Atlantique devrait, elle, passer par un référendum.

Pourquoi deux poids deux mesures ? N’y a-t-il pas eu cinq cents fois plus de manifestants le 27 septembre 2014 à Nantes, évidemment sans résultat ? Pourquoi ce qui a été résolu sans souci en Normandie devrait être en Bretagne un parcours du combattant ? Une éventuelle et probable chausse-trappe.

Car, contrairement à ce qu’ont raconté les élus bretons, il n’y aura en raison de la procédure actuelle par un référendum mais trois votes. Car l’État, comme d’habitude, a politiquement mis des verrous de tous côtés et un bazar sans nom limitant les choix démocratiques. Uniquement créé suite à la loi NOTRe de janvier 2015 et autorisé de 2016 à 2019, le droit d’option pour un département de changer de région était un trou de souris institutionnel dans lequel, avec un immense courage, les militants de Bretagne Réunie se sont engouffrés, parvenant comme un exploit à collecter physiquement 105 000 signatures. C’est-à-dire qu’on avait, dès le début, verrouillé institutionnellement l’affaire, créé une véritable usine à gaz pour qu’un département, rendez-vous compte, puisse changer de région !

Referendum pour la Loire Atlantique

Le 12 mai 1960, le département des Pyrénées Orientales est rattaché à la région Languedoc … par décret. Mais pour ré-intégrer celui de Loire Atlantique au reste de la Bretagne, if faudrait un referendum ?

Empêcher dans les faits toute parole populaire.

L’option référendum, pour qu’il ne puisse se tenir et dans les faits échoue. Alors que l’histoire prouve des antécédents. Par exemple le 12 mai 1960 lorsque, par simple décret, le département des Pyrénées-Atlantiques fut rattaché à l’Aquitaine et celui des Pyrénées-Orientales au Languedoc. Pourquoi ce qui peut être ici très simple doit devenir en Bretagne un jeu d’obstacles ?

De surcroît très coûteux. Celui de Nouvelle-Calédonie en 1988 coûta 125 millions de francs, soit près de 20 millions d’Euros. La somme souvent estimée, hors frais éventuels de campagne, est de 3 Euros par habitant. Le coût d’un seul référendum en Bretagne serait sans doute de plusieurs millions d’Euros. Et au vu de la législation actuelle, il devra être validé par deux votes aux 3/5e d’une part de la Région Bretagne, d’autre part de la Région… Pays de Loire.

Autant lui demander de se tirer une balle dans le pied.

A-t-on du temps et de l’argent à perdre sur ce qui est déjà une évidence dans le droit (la Cour d’appel de Rennes depuis 1804), les entreprises (Produit en Bretagne), le tourisme (la nouvelle destination Bretagne pour Nantes) ? Faut-il renouveler la longue et neutre expertise du Comité Balladur qui, de façon formelle, demandait trois régions claires (Normandie, Bretagne, Val-de-Loire) ?

Cette évidence loin d’être nouvelle[1], validée par les géographes, exprimée par les gens avec des appellations populaires et notoires (le Val-de-Loire est classé patrimoine de l’Unesco, les châteaux et vignobles portent ce nom).
Existe-t-il une seule personne à regretter la « Basse »-Normandie ?

De même, l’invraisemblable tour de passe-passe de dernière minute du 2 juin 2014 (trois communiqués entre 17h30 et 19h30[2]) n’a-t-il pas créé un imbroglio avec deux régions proches, mal fichues, mal nommées ?. Ainsi les « Pays de la Loire » placés jusqu’aux années 1930 à Saint-Étienne qui jouxtent une région désormais appelée… « Centre-Val-de-Loire » ?

Car il y a en plus l’enjeu de la question ou des questions posées.

Chaque mot pouvant compter. Le contexte car ce type de scrutin est on le sait très « piégeux » (le référendum du 27 avril 1969 sur la régionalisation et la réforme du Sénat qui entraîna la démission du général de Gaulle). Avec par définition pour seule réponse un « oui » ou un « non », ce vote se prête plus que tout autre à des réponses « à côté », peut ponctuellement être l’expression d’un ras-le-bol populaire pour des raisons nombreuses.

C’est donc très cher, incertain, compliqué. Laisse la place à tous les croche-pieds de dernière minute. Alors que toute l’histoire de la République s’est fendue de décrets pyramidaux faisant voltiger les territoires non seulement de provinces aux départements ou Régions, mais plus sûrement de noms à d’autres noms (l’Alsace devenu le « Grand-Est », le Nord devenu les « Hauts de France »…) sans jamais demander l’avis de personne.

Il n’y a vraiment que les élus bretons pour se fourvoyer dans cet alambic.

Sans parler de la Corse ou de la Martinique qui disposent d’un statut spécial, les Basques (la Communauté Pays Basque le 1er janvier 1997) ou les Alsaciens (la Collectivité Européenne d’Alsace programmée pour le 1er janvier 2021) n’ont-ils pas récemment créé un vivre-ensemble, leur collectivité, le commun de la communauté, en obtenant l’aval de l’État ?

Voilà précisément ce que nous proposons.

Retrouver le courage d’une affirmation si l’on veut politique. En harmonie avec les gens, déclarer la Bretagne sur cinq départements. Le principe de libre association des collectivités territoriales le permet et le dispositif est parfaitement légal. Précéder la décision parisienne par une unité de fait est la seule stratégie efficace, rapide pour résoudre un problème évident.
La Bretagne, comme elle le fût, doit redevenir motrice des dynamiques régionales.
Cessons d’implorer Paris pour créer une unité de fait.

Jean OLLIVRO
Article initialement paru dans Bretagne Prospective

Referendum pour la Loire Atlantique – Notes

[1] C’est déjà, avec les noms Bretagne, Val-de-Loire et Normandie, le découpage préconisé par le Conseil National de 1941. Avant qu’il ne soit contré par le Ministère de l’Intérieur par le fameux décret du 30 juin 1941. Voir par exemple Bancal (J.). Les circonscriptions administratives de la France. Leurs origines et leur avenir, Sirey, Paris, 1945, 493 p (p.363).

[2] Comme le prouve un article de Ouest-France. François Hollande, qui nous parle désormais de Grande-Bretagne (sic) valide d’ailleurs dans son ouvrage avoir choisi seul le « statu quo ». . « J’étale la carte de France sur la grande table de mon bureau et, armé, d’un crayon et d’une gomme, après avoir écouté les avis les plus divergents, je propose un nouveau découpage administratif de la Nation. Je prends en compte certaines demandes, j’en écarte d’autres. ». Sur cette question, voir De la Bretagne administrée à la Bretagne, p.65, in Ollivier (Y.) (dir.). Le livre blanc de l’unité bretonne, Yoran Embanner, 2018, 384 p. Hollande (F.). Les leçons du pouvoir, Stock, 2018, 288 p.

Titre et images de NHU Bretagne

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4 commentaires

Pouet Pouet 15 janvier 2021 - 15h12

Le seul moyen de lutter contre un gros système dominant est de le contourner et c’est lui qui finalement s’adaptera ensuite…

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Colliot 6 juin 2023 - 10h00

Bretagne Réunie en 2019 n’a jamais demandé un référendum, mais une consultation simple des électeurs et électrices ! C’est Grosvalet qui demanda un référendum à l’état, pour bloquer le processus de la pétition et de la réunification !
De façon curieuse, le projet est immédiatement appuyé par des gens comme Philippe Grosvalet qui se sont toujours opposés à l’unité bretonne. Pourquoi pas.
Mais pas du tout, Grosvalet n’a pas soutenu un référendum, il l’a proposé pour bloquer le chantier !!!
Je ne comprends pas du tout le message d’Olivro !!!

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Anne Merrien 31 octobre 2024 - 0h00

Le droit d’option datait de 2010. En 2015, la réforme territoriale (à ne pas confondre avec la loi NOTRe qui l’a suivie) a décidé de son abrogation pour 2019. La validation des PDL, qui supposait une tutelle (inconstitutionnelle sans doute) des régions sur les départements, a disparu avec le droit d’option, ce qui est une bonne nouvelle. Autre incongruité, cette procédure aurait pu aboutir à un décret, le pouvoir exécutif s’attribuant une compétence législative ! Le grand est, par exemple, a bien été voté par l’Assemblée nationale. Nous ne sommes plus dans les années 60, quand les régions n’étaient pas encore des collectivités territoriales.
Autre bonne nouvelle, une loi de décentralisation de 2004 permet toujours au conseil départemental de consulter son électorat pour savoir s’il souhaite que le conseil départemental demande à changer de région. Et c’est là que ça bloque. Le Conseil départemental n’a jamais demandé à changer de région, il a seulement produit des vœux pour laisser entendre qu’il subissait la situation. Trop facile de n’incriminer que l’Etat central. La classe politique bretonne s’est rangée derrière la demande de référendum de Grosvalet. Or la carte des régions est une compétence de l’Assemblée nationale, donc seul un référendum national est possible et il est indivisible. Jamais non plus les 37 députés de Bretagne n’ont demandé à leurs collègues de réunifier la Bretagne. Si les élus bretons souhaitaient la Réunification, elle serait faite depuis longtemps. Mais leur rêve, c’est le grand ouest.

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nhu Bretagne nhu Brittany
NHU Bretagne 31 octobre 2024 - 9h07

Anne, merci pour cet éclairage et merci de votre fidélité

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