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Discours du Général De Gaulle à Kemper en Février 1969

de Rémy PENNEG
Publié le Dernière mise à jour le

Le discours du Général De Gaulle à Quimper était annonciateur …

En 1969, le Général De Gaulle, entres autres annonces, parle aux Bretons à Kemper du transfert de certains pouvoirs aux régions.
Certes il y a eu de grandes avancées, économiques surtout. Dont de nombreuses sont à mettre plutôt au crédit du CELIB, qui les a arrachées à Paris. Plus qu’elles ne furent accordées.

Mais cinquante ans plus tard, la Bretagne dépend toujours autant de Paris. On nous a endormi et fait patienter avec des promesses de « décentralisation« , puis de « subsidiarité« , « d’expérimentation » , etc . Maintenant ils en sont à la « différenciation« . Chaque synonyme sert à réaliser quelques dossiers, à un n-ième plan pour la Bretagne … et à gagner dix ans.
Il est temps aujourd’hui de mettre les pieds dans le plat et d’utiliser le seul mot qui vaille pour la Bretagne : autonomie.

Voici la retranscription de ce fameux discours du Général De Gaulle à Kemper.

« Cette réunion au cours du voyage d’étude que j’ai l’honneur et la joie de faire en Bretagne, cette réunion est la seule populaire qui ait été prévue et je suis infiniment touché de votre présence à toutes et à tous à cette occasion.

Dans l’immense transformation que notre pays est en train d’accomplir au cours de ce demi-siècle, une question s’est posée dont dépendait son destin. La Nation toute entière, sur tout son territoire, dans toute sa population, serait-elle saisie par l’évolution mécanique, technique et industrielle moderne ? Ou bien limitant l’effort à certaines régions qui paraissaient s’y prêter le mieux, laisserait-elle les autres en arrière du progrès ?

Je puis dire, aujourd’hui, à Quimper que le choix est fait !

Notre pays qui, au long des siècles, est devenu ce qu’il est par la réunion de provinces dont chacune lui apportait ses ressources, son coeur, son esprit, sa valeur et décidée à vivre ardemment sa vie moderne, non pas seulement dans telle ou telle contrée, mais partout où il est, la France, entre l’Atlantique, la Manche, la Mer du Nord, le bassin du Rhin, les Alpes, la Méditerranée, les Pyrénées. Sa vie nouvelle, il veut notamment la vivre en Bretagne. Assurément, parmi les partis très divers dont il se compose, celle-ci n’a jamais laissé, ne laisse pas, ne laissera pas d’avoir son caractère propre.

Péninsule de notre hexagone, naturellement éloignée du centre, peuplée de Celtes, comme l’était jadis notre pays tout entier, mais dans les origines mieux épargnées des invasions venues de Germanie, d’Italie, d’Ibérie, d’Angleterre, de Scandinavie, d’Afrique, marquée par le profond, le foncier rattachement de ses habitants à leur terroir et à leurs traditions, la Bretagne, l’Armorique n’en fait pas moins depuis toujours partie intégrante du corps et d’âme de la France.

Nulle part plus qu’ici, on ne fut fidèle à la patrie.

Par exemple, déjà, quand la flotte des Vénètes aux prises avec celles des Romains dans le Golfe du Morbihan servait d’ultime recours à la dépendance gauloise ou quand Du Guesclin, connétable du royaume, repoussait l’usurpateur anglais, ou quand nos reines bretonnes de France, Anne et Claude, en épousant nos rois, rescellaient un éternel pilier de l’unité nationale, ou quand le Malouin Cartier installait au Canada une fraction de notre peuple qui y est toujours, ou quand les Bretons Duguay-Trouin, Guichen, Du Couedic, La Motte-Piquet, Surcouf commandaient sur toutes les mers nos escadres alors victorieuses, ou quand Chateaubriand portait jusqu’à la cime la gloire émouvante de nos lettres, la Bretagne sacrifiait par rapport à sa population un pourcentage de soldats tués supérieur à la terrible moyenne française, ou quand pendant la Résistance, elle menait, plus ardemment que partout ailleurs, le combat contre l’Occupant, envoyait à la France libre le plus grand nombre relatif de ses soldats et de ses marins, fournissait au grand jour, notamment à Saint Marcel, la plus glorieuse contribution à la libération du pays. Que de fois pendant cette épreuve du courage et de la fidélité, je vous l’ai dit, aux hommes et aux femmes d’ici, que ma pensée volait vers eux.

Comme il y a cent cinq ans, l’écrivait à leurs ancêtres en vers bretons, mon oncle, Charles de Gaulle.

 » Va c’horf zo dalc’het, med daved hoc’h nij va spered, vel al labous, a denn askel, nij da gaout he vreudeur a bell. » [Mon corps est retenu, mais mon esprit vole vers vous, comme l’oiseau à tire d’aile vole vers ses frères qui sont au loin.]

Il est vrai que les conditions géographiques et humaines dans lesquelles vit la Bretagne ont fait longtemps qu’elle demeura mal accessible au changement. Tant que le principal essor de notre développement se produisit autour de Paris ou dans le Nord ou dans l’Est ou dans le bassin du Rhône, on pouvait se demander ce qu’il adviendrait finalement de cette province, qui paraissait tenue à l’écart du progrès, par son éloignement géographique et par ses propres habitudes.

Pendant cent cinquante ans, la vieille terre armoricaine, bien qu’elle compta toujours constamment plus de berceaux que beaucoup d’autres, voyait nombre de ses enfants aller s’établir ailleurs parce que son économie semblait figée sous les formes immobiles. On comprend que, récemment encore, pour ceux qui s’efforçaient de discerner son avenir, les nuages de l’inquiétude s’alourdissaient à l’horizon.
Aujourd’hui, tout est changé.

Le génie du renouveau touche la Bretagne à son tour.

Du coup, comme le prouvent les résultats du dernier recensement, elle a cessé, pour la première fois depuis des générations, de voir partir de chez elle plus d’hommes qu’elle n’en met au monde. Car pour que la Bretagne joue un rôle digne d’elle dans l’ensemble français d’aujourd’hui et de demain, on sait maintenant ce qu’il faut faire.

On le veut, on l’a commencé.
A partir de ce que furent, ici, toujours, les activités traditionnelles, agricoles, industrielles, maritimes, les voici toutes en mouvement. Voici que la rénovation rurale est entreprise dans le Finistère, le Morbihan, les Côtes du Nord, l’Ille-et-Vilaine avec tout ce que cela comporte quant à l’agrandissement des exploitations à la réduction de leur nombre, quant à la sélection des productions animales et végétales, quant à l’organisation des marchés, voici qu’apparaît la vocation de cette province d’être en avant dans le domaine des industries alimentaires, que s’implantent de grandes usines nouvelles, notamment à Rennes, à Brest, à Nantes, que les activités de pointe électroniques et informatiques trouvent, ici, leur terre d’élection, que les chantiers navals se concentrent et prennent la tête, en fait, d’une modernisation, que la pêche s’adapte, quant aux navires, quant aux ventes, quant aux conserveries, à la rude concurrence internationale, voici qu’à tous les degrés, l’enseignement atteint un niveau excellent, en particulier au point du vue universitaire, grâce à de toutes neuves et imposantes facultés.

Voici que les décisions sont prises pour que le Finistère soit rendu accessible aux pétroliers de 250 000 tonnes.

Pour que s’y installe en grand le raffinage des carburants, pour que Roscoff soit aménagé comme port modèle des primeurs, pour que Brest s’érige en capitale océanographique, pour que le réseau téléphonique soit développé par priorité, pour que les côtes bretonnes s’équipent en faveur des sport de la mer, pour que deux routes à quatre voies pénètrent la péninsule jusqu’à Brest, son extrémité, l’une au nord, par Rennes, Saint-Brieuc, Morlaix, l’autre au sud, par Nantes, Vanne, Lorient, Quimper, pour qu’une route à trois voies lui serve d’axe central par Loudéac et Carhaix. Voici enfin qu’en vertu de son incomparable situation atlantique, la Bretagne devient la base principale de notre puissance navale rénovée.

Mais si, dans la mutation que notre temps requiert de toute la France, celle de la Bretagne porte une marque bretonne, c’est l’application de ce qui doit être, désormais, un principe de notre développement.
Certes, pour notre pays, qui fut si souvent menacé et envahi sur chacune de ses frontières terrestres et maritimes et à l’intérieur duquel ses adversaires cherchaient toujours à susciter des déchirements et des complicités, un pouvoir systématiquement centralisé dans tous les domaines, une politique constamment tendue vers le danger, une défense excluant tout ménagement et tout délai ont été bien longtemps les conditions nécessaires de son unité.

Mais il se trouve, à présent, que celle-ci est resserrée, pour ainsi dire, automatiquement par les éléments nouveaux de l’évolution moderne : les communications rapides, les transformations, les transmissions instantanées, l’information partout répandue, le crédit généralisé. Il se trouve, en même temps, qu’à notre époque où le progrès économique et social est essentiel pour chacun, c’est précisément l’unité française qui exige que certains membres du corps de la patrie n’aillent pas en dépérissant. Tandis que d’autres se transforment. Il faut donc que soit mises en oeuvre toutes les ressources matérielles et humaines de notre pays. Il faut que notre plan aménage l’action de l’Etat sur tout le territoire. Il faut que chaque région qui est qualifiée par son étendue et par sa valeur ait la volonté et reçoive les moyens de prendre la part qui lui revient dans l’ensemble de l’effort national.

L’avènement de la région comme cadre nouveau de l’initiative du conseil et de l’action pour tout ce qui touche localement à la vie pratique du pays.

Voilà donc la grande réforme que nous devons apporter à la France pour que l’organe représentatif où, dans chaque région, seront délibérées les mesures qui la concernent, soit directement liées aux réalités, nous devons, sur la base de la participation de toutes les instances intéressées, le composer, par la réunion d’élus, des collectivités territoriales, conseils municipaux et conseils généraux, de délégués des diverses catégories économiques, sociales, universitaires et de députés à l’Assemblée Nationale.

Pour que cette rénovation se réalise suivant les mêmes principes au plan de la Nation comme au plan de la région, nous devons transformer le Sénat afin qu’il associe, dans la préparation des lois, les mêmes sortes d’élus et les mêmes sortes de délégués avec leurs compétences et leurs responsabilités. Comme cette profonde réforme concerne l’organisation de nos pouvoirs publics dans tous les domaines, y compris celui de la constitution, nous devons soumettre le projet au peuple, qui, par la voie du référendum, en décidera souverainement.
Et puisqu’il s’agit d’ouvrir la voie à une espérance nouvelle, nous le ferons au printemps.

En raison du passé, du présent et de l’avenir, il est de toute justice que ce soit en Bretagne que je l’annonce à la France. Vive la République ! Vive la France !

Au long du voyage, quelques-uns – je l’ai entendu – nous disaient : « Libérez la Bretagne ». Mais, ils oublient que cela été fait il y a quelques vingt cinq ans.

Nous l’avons fait avec beaucoup de bons français et d’abord avec beaucoup de bretons. Cela étant, chantons tous ensemble l’hymne national, La Marseillaise ».

Photo : INA

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