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L’identité bretonne est à défendre.
Nous le savons évidemment, tous. Elle a déjà dû répondre à de si nombreuses attaques de la France qui voulaient l’effacer, la nier, et pourtant elle revient toujours comme le mouvement incessant des vagues s’étalant sur la plage. Même si nous ne l’entendions plus depuis un certain temps, étonnement, un mot, un discours, un tag marqué sur un vieux mur nous rappelle à tous qu’il y a ici une particularité.
Malgré les politiques centralisées de Paris, elle est donc toujours là, ancrée dans les cœurs de bien des hommes de Bretagne, qui aiment encore à l’occasion arborés un triskell, une hermine, ou un Gwenn ha Du et même aux quatre coins du monde. Je suis Breton et je veux défendre cette identité. Mais à notre époque si aisément portée à l’uniformisation, au nivellement des cultures au profit de cultures dominantes, mon exigence va même au-delà de çà, la défendre oui mais pleinement. Ainsi, je ne suis pas Breton parce que je mange des crêpes, que j’écoute du biniou ou que je suis têtu.
Je suis Breton et je voudrais que l’on comprenne la culture bretonne à sa juste valeur.
Cette valeur n’est ainsi peut-être pas autant au niveau des objets ou des attributs mais bien plus du cœur. La Bretagne était un véritable pays, oui, et puisque l’histoire, par des politiques strictement françaises, il faut aussi comprendre que la Bretagne est surtout incroyable riche d’une pensée singulière et spécifique. S’il n’est pas un corps reconnu, elle est un cœur que nous faisons tous battre, génération après génération. Comment ne pas mettre en exergue cette force invisible qui à elle seule explique que malgré des siècles d’aménagement éhontés de l’histoire et de manœuvres pour détourner toute une population de ce qu’elle devrait être, des Bretons se réclament et se vivent encore Bretons ?
Des Bretons, encore aujourd’hui au sein même de notre modernité, peuvent se référer à une grand-mère qui leur parlait breton… encore aujourd’hui au XXI ème siècle, apportant en cela un témoignage pacifique d’une différence entêtée à l’endroit où des discours officiels disaient qu’il n’y avait rien.
Défendre mon identité.
Défendre mon identité est une chose mais je veux aussi défendre ma culture et de la même manière que les crêpes ne résument pas la gastronomie bretonne, les festoù-noz ne résument pas la profondeur de la pensée bretonne. Mais soyons clair, je n’ai absolument rien contre les festoù-noz et les crêpes, j’en ai contre le folklorisme, et contre la réduction que certains pourraient en faire, en se disant Breton juste parce qu’ils participent à ces deux choses-là sans voir que cette expression culinaire et de danse n’est que les prémices que quelque chose de bien plus intense et immense.
Ce n’est que le pas de la porte, pour atteindre véritablement notre culture, il faut y entrer.
A mes yeux, la culture s’illustre donc et avant tout par une pensée unique et évidemment celte car teintée d’un étroit rapport à la nature, à des valeurs pures. Et cette culture donna lieu dans un premier temps, à des contes, à des chanteurs à des bardes pour les colporter, des poètes pour les chanter. George Sand (qui n’était en rien Bretonne, sauf erreur de ma part) affirmait ainsi le 23 octobre 1852 dans la revue « l’illustration », et cela est intéressant : «Une seule province de France est à la hauteur, dans sa poésie, de ce que le génie des plus grands poètes et celui des nations les plus poétiques ont jamais produit ; nous oserons dire qu’elle les surpasse. Nous voulons parler de la Bretagne. »
Mais la Bretagne, il n’y pas longtemps que c’est la France.
Et si elle disait çà, c’était justement parce que la Bretagne donna le jour à des poètes à foison. Ils ont alors été regroupés à une époque dans le Barzaz Breizh, où nous pouvons retrouver un poème de cent quarante vers, plus grand que l’Illiade, plus complet, plus beau et plus parfait qu’aucun chef d’oeuvre sorti de l’esprit humain pour certains, à savoir « le tribut de Nominoé ».
La Bretagne est avant tout poésie et elle nous invite tous à cette noblesse. Le lien que chacun des Bretons peut lui témoigner, cet attachement si fort et étonnant, qui ramène les Bretons expatriés vers leurs terres d’origine à l’arrivée de la retraite, cet attachement qui ne donne rien, aucun privilège ni gain, mais qui conduit plutôt chacun à se dévouer pour ce territoire, cet attachement n’est-il pas poétique ?
La poésie fait partie d’elle comme elle est pour chacune des nations celtes.
Au Pays de Galles, n’existe t-il pas un Eisteddfod depuis 1176 ? Ne trouve t-on en Bretagne des festivals autour des contes (les veillées en breton du Trégor, le festival plinn de Bourbriac etc.). La poésie était chez les bardes, les chanteurs de petits bourgs, ou aujourd’hui constitués et reconnus et émergent constamment au point de représenter une scène étonnante pour une «province».
La poésie était aussi chez les écrivains qui n’ont cessé de parsemés l’Histoire bretonne, et qu’il nous resterait encore de mieux connaître. Le hasard n’y est donc sans doute pas pour rien si c’est en Bretagne que le courant littéraire du romantisme est né grâce au malouin Chateaubriand quoique après ces mêmes contrées aient déjà portés en leur sein, les romans de Tristan et Iseult et le roman d’Arthur et de la table ronde. Si la Bretagne n’a pas eu le siècle des lumières, elle a eu depuis des hommes pour écrire sur la liberté et pour la vivre magnifiquement au point que même annexés, ils gardent encore passionnément au fond d’eux.
La poésie est dans l’âme bretonne mais aussi et évidemment dans sa langue.
Cette si vieille langue que d’après les linguistiques, un gaulois et un breton pourraient se comprendre et dont nous trouvons des traces écrites dès la fin du VIIIème siècle, bien avant donc le français. Oui, la langue bretonne est un trésor, qui nous attend et que nous devrions tous nous réapproprier. C’est dans cette langue que nous pouvons repérer des spécificités intéressantes tels que l’infériorité du verbe avoir au profil du verbe être ce qui marque à coup sûr déjà des valeurs profondes, cette langue où de la même manière, le rapport d’infériorité n’existe pas.
Cette langue si elle parle des hommes, évoque évidemment immanquablement la vie à travers tant de formules faisant référence à la nature. En breton ne disons-nous pas «très riche» par une formule pouvant se traduire littéralement être «riche comme la mer». Ou n’existe t-il une multitude de mot pour évoquer par exemple, le vent. Apprenons notre culture et redécouvrons notre langue en premier lieu, notre essence est là.
Notre langue est le meilleur chemin à Nous-Mêmes.
Goûtons à ses mots, ils nous conduiront à des dimensions aussi authentiques, car plus que jamais, sans titre ni papier d’identité, comme pouvait l’affirmer Xavier Grall: « On ne naît pas breton, on le devient, à l’écoute du vent, du chant des branches, du chant des hommes et de la mer ».
Alors soyons Bretons…
Plus que jamais et aimons la Bretagne pour sa culture, pour sa liberté d’être.