Information : quelle presse écrite aujourd’hui en Bretagne ?
Dans cette première partie il sera question de la presse papier, celle qu’on peut trouver en kiosque, de langue française.
Dans une seconde partie on abordera la presse en langue bretonne, ainsi que les sites web d’information.
Sommaire
Dis Papy, c’était comment les journaux bretons avant ?…
Sans remonter avant-guerre (!) les plus ancien(ne)s se rappellent peut-être que dans les années 70, si l’on voulait s’informer par un journal sur l’actualité de « la matière de Bretagne », loin de la télé et des radios d’état encadrées, ou de la soupe tiède servie par la PQR presse quotidienne « régionale » aseptisée, on se rendait en kiosque, en maison de la presse ou même parfois en librairie pour jeter un œil sur la presse bretonne.
Presse bretonne qui à l’époque était bien visible, bien présente et militante, que ce soit d’un point de vue politique ou culturel. (Le territoire concerné ici, bien entendu, est celui de la Bretagne historique, incluant la Loire-Atlantique.)
Qu’on en juge : on pouvait trouver en kiosque, dans ces années 70, des journaux mensuels militants tels que l’Avenir de la Bretagne (organe du parti Strollad ar Vro), Le Peuple Breton (organe de l’Union Démocratique Bretonne), Pobl Vreizh (organe en breton de cette même UDB), Bretagne Révolutionnaire (organe de l’éphémère Parti Communiste Breton), Le Canard de Nantes à Brest (« quinzomadaire » indépendant et engagé fondé par l’ex-journaliste d’Ouest-France Pierre Duclos, devenu par la suite Bretagne Actuelle)…
Puis dans les années 80, Emgann puis Combat Breton (organes successifs du parti Emgann).
On trouvait également en kiosque les revues mensuelles Armor-Magazine (magazine du journaliste et militant Yann Poilvet), Breizh (« magazine de la culture bretonne » publié par la confédération Kendalc’h), Oxygène (« mensuel écologique breton » publié par la SEPNB (l’ancêtre de l’association Bretagne vivante) puis par un collectif d’associations écologistes).
Et bientôt une nouvelle revue, Ar Men, portant le sous-titre « la Bretagne, un monde à découvrir ».
Puis la vague de la presse bretonne est retombée …
L’arrivée de la gauche au pouvoir à Paris en 1981 ayant paradoxalement contribué à démobiliser nombre de militants, d’électeurs et de lecteurs, « l’air du temps » a fait le reste. Puis l’arrivée d’internet, puis les réseaux sociaux…
Petit-à- petit le nombre de lecteurs de cette presse papier a diminué, et beaucoup de titres ont disparu les uns après les autres.
Autre tentative aux alentours des années 2000 : Bretagne / Breizh Info, petit hebdomadaire politique de huit pages créé par le journaliste militant breton Charlie Grall, paru de 1996 à 2001.
Dernière tentative en date : Le Journal de la Bretagne, hebdomadaire généraliste lancé en 2019 par Christian Troadec, entrepreneur, élu local et maire de Carhaix / Kakaez, et disparu la même année.
Et alors, aujourd’hui ?
On ne peut pas vraiment parler de presse bretonne concernant la presse quotidienne régionale.
Ouest France
Le mastodonte Ouest-France, premier quotidien de France pour sa diffusion qui dépasse 600.000 exemplaires par jour et touche plus de 2 millions de lecteurs, est comme son nom l’indique un journal volontairement « ouestien ».
D’origine « démocrate-chrétienne », il l’est plus ou moins resté et paraît sur trois régions administratives (Normandie-Bretagne-Pays de Loire) et quatorze départements, plus Paris. Il possède cinquante-trois éditions locales, et respecte toujours scrupuleusement dans ses articles le découpage administratif de la Bretagne. Même si une version numérique, constituée d’une sélection d’articles concernant la région administrative Bretagne « avec un regard en Loire-Atlantique », est apparue récemment.
ouest-france.fr
Le Télégramme
Tandis que du côté du Télégramme, ex-Télégramme de Brest se voulant « quotidien régional de Bretagne », il s’en tient toujours aux quatre départements de la région administrative, avec progressivement cependant une timide ouverture en direction de Nantes.
letelegramme.fr
Presse Océan
En Loire-Atlantique, Presse-Océan, après avoir absorbé l’Éclair, a été à son tour absorbé par le groupe Ouest-France. Au revoir l’indépendance éditoriale du quotidien historique des Nantais.
ouest-france.fr/presse-ocean
Mention spéciale pour Le Poher
Même chose pour la presse hebdomadaire locale, appartenant principalement au groupe Publihebdos contrôlé par le groupe Ouest-France.
Elle est bien présente partout, très lue, mais plus « locale » qu’autre chose, exception faite de l’hebdo Le Poher,
« l’Hebdo du Centre Bretagne », l’un des derniers hebdomadaires locaux indépendants d’information générale, peut-être même le dernier, dirigé par le journaliste Erwan Chartier.
https://www.lepoher.fr
N’existent plus dès lors aujourd’hui en kiosque que quelques titres de presse bretonne, avec par ordre d’apparition :
Le Peuple Breton
Le Peuple Breton, journal de l’UDB Union Démocratique Bretonne, a été créé comme elle en 1964, avec comme devise inchangée : « Aujourd’hui être libre c’est être informé ».
Tirant à quinze mille exemplaires à la fin des années 70, Le Peuple Breton a actuellement une diffusion de quatre mille exemplaires. Rédigé par des rédacteurs bénévoles, membres ou pas de l’UDB, c’est devenu une revue mensuelle de trente-six pages (cinquante pages pour le numéro double d’été), qu’on ne trouve plus que dans de rares points de vente, en particulier le réseau Relay.
La grande majorité des lecteurs du Peuple Breton est donc maintenant abonnée.
Il est quelquefois également vendu à la criée par des militants UDB.
Sa ligne éditoriale a suivi celle de l’UDB, passant progressivement d’idées autonomistes dans la mouvance communiste dans les années 60, à une ligne autonomiste dans la mouvance socialiste dans les années 80, et maintenant « autonomiste de gauche et écologiste ».
Le titre Pobl Vreizh a disparu en 1984, et est réapparu sous forme de quatre à six pages centrales d’articles originaux, en breton, au milieu de chaque journal. Son site internet propose également des articles originaux, non inclus dans le magazine papier, en français ou en breton.
À noter : rédigé bénévolement depuis le début, Le Peuple Breton propose toujours une souscription permanente dont on peut suivre l’évolution dans chaque numéro.
https://lepeuplebreton.bzh
Ar Men
Généraliste, culturelle, belle et indépendante, la revue Ar Men paraît depuis 1986.
Elle est toujours bimestrielle, à destination du grand public. Son sous-titre a évolué et est devenu « La Bretagne éclairée », et on la trouve toujours en kiosque.
Tout ce qui constitue « la matière de Bretagne » y est traité sous forme d’articles variés et très documentés : histoire, société, arts, littérature, nature, économie … La Loire-Atlantique n’y est pas oubliée.
Elle comporte également une page en breton, traduite en français sur son site internet.
Hélas, Ar Men traverse en ce moment une grave crise financière, ayant de faibles recettes publicitaires et devant supporter l’augmentation des coûts de production et en particulier celle du papier. Elle lance d’ailleurs un appel à l’aide en direction des lecteurs et du public : pour garder son indépendance (car elle ne dépend d’aucun groupe de presse ni d’aucune structure), elle a besoin de plus d’abonnés !
Ça vaut le coup d’y réfléchir, les revues grand public de cette qualité n’étant pas légion.
https://www.armen.bzh/la-revue-armen/
Bretons
Généraliste et centrée sur les personnalités qui font l’actu bretonne dans tous les domaines, la revue Bretons, mensuelle, existe depuis 2005 et est publiée par les éditions Noir et Blanc, passées sous le contrôle du groupe Ouest-France.
Ce qui ne l’empêche pas d’effectuer un vrai travail d’information sur toutes les personnalités de la Bretagne historique à cinq départements. Qu’elles soient politiques, entrepreneuriales, culturelles ou sportives, militantes ou non.
Distribuée dans tous les points de presse, et comportant une page en breton, elle vient de publier son n°200.
Les puristes lui reprocheront une auto-censure de sa couverture de février 2013, où elle était censée annoncer en une les résultats d’un sondage donnant 18% des Bretons en faveur de l’indépendance… Les autres estimeront que son travail d’information est loin d’être négligeable, et en fait assez unique.
bretons.bzh
Trois revues bretonnes en kiosque, c’est peu.
Elles sont aussi présentes sur internet, sans que ce soit leur vocation initiale. Mais leurs (maigres) ressources proviennent de la vente papier.
Ajoutons-y deux revues :
Bretagne Magazine
Le bimestriel Bretagne Magazine, lancé par le groupe Bayard en 1998 pour concurrencer Ar Men et maintenant coédité par Bayard-Milan et Le Télégramme, est orienté tourisme, patrimoine et art de vivre et veut « donner les clefs pour profiter
pleinement de la région et du charme breton ». Ce n’est pas un magazine engagé.
bretagne.com/fr/bretagne-magazine
Glaz
Dans le domaine de la nature bretonne, la revue semestrielle Glaz a été lancée en 2021 par les éditions Coop Breizh.
Très belle iconographie, articles fouillés et sensibles.
« La nature bretonne par nature ».
www.coop-breizh.fr/1165-glaz-la-nature-bretonne-par-nature
Keltia
On ne signalera qu’à la marge la revue trimestrielle Keltia, qui n’est pas spécifiquement bretonne mais qui, au hasard de ses pérégrinations celtiques, est amenée à aborder aussi la Bretagne, ses légendes, son imaginaire, ses traditions celtiques…
keltia-magazine.com
On passera sous silence les revues confidentielles ainsi que les revues d’associations diverses, que par ailleurs on ne trouve pas en kiosque mais uniquement sur abonnement.
Avec cependant trois exceptions notables car elles font référence dans leur domaine.
Penn ar Bed
La revue naturaliste trimestrielle Penn ar Bed, éditée par l’association Bretagne Vivante, vient de fêter ses soixante-dix ans, exemple assez unique de longévité pour une revue associative. « Revue naturaliste de Bretagne vivante », c’est un peu l’encyclopédie de la nature bretonne depuis soixante-dix ans.
L’Avenir de la Bretagne
Le journal L’Avenir de la Bretagne, journal politique créé en 1957 par l’historique Yann Fouéré, avec comme devise : « Pour une Bretagne libre dans l’Europe des peuples », n’est plus disponible que par abonnement. Il a été successivement l’organe
de différents partis politiques bretons de tendance nationaliste na ruz na gwenn, le MOB Mouvement pour l’Organisation de la Bretagne, puis le SAV Strollad ar Vro, puis le POBL Parti pour l’Organisation d’une Bretagne libre. Il existe de nos jours sous la forme d’un petit bimestriel politique de huit pages, proche du Parti Breton.
http://www.lavenirdelabretagne.org/
Musique Bretonne
Quant à la revue trimestrielle Musique Bretonne, référence en matière de musique, chanson et collectage, elle est publiée depuis 1979 par l’association Dastum.
dastum.bzh/recherche-editions/?_collection=revue-musique-bretonne
On peut dire que, si elle n’est pas très fournie, la presse d’idée bretonne est indépendante.
Ce qui de nos jours n’est pas la moindre des qualités ― regardez l’état de la presse hexagonale, qui appartient pour 90% à des milliardaires divers (Arnault, Bolloré, Drahi, Kretinsky, Niel, et j’en oublie…).
Pas de milliardaire breton derrière nos journaux survivants !!!
Question
Verrons-nous un jour en kiosque un grand journal breton, paraissant sur les cinq départements ainsi qu’à Montparnasse (traditionnelle terre bretonne d’exil) voire au-delà ?
3 commentaires
Bonjour, n’hésitez pas à rajouter dans votre article l’hebdomadaire « YA ! ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ya_!
Bonjour et merci de votre commentaire. Comme indiqué dans l’article, il s’agit ici des médias papier francophones. Un second article à paraître fera un état des médias papier brittophones et des médias numériques.
Bonjour, vous pouvez supprimer mon commentaire du 8 septembre qui est hors sujet.
Merci pour cette première partie concernant la presse écrite francophone.