équanimité

Liberté, Égalité … Équanimité !

de Thierry GUERIN
Publié le Dernière mise à jour le

Équanimité ?

Il y a de cela longtemps, j’ai eu l’occasion par hasard, de tomber sur youtube sur la vidéo d’un échange entre Rozenn MILIN et une autre personne dont j’ai oublié le nom (désolé). Par cette discussion, elles convenaient alors toutes deux que la devise la plus adéquate pour la Bretagne serait non pas tant « Liberté, Égalité, Fraternité » mais bien davantage « Liberté », pour le caractère évidemment libre des Bretons.

Puis « Solidarité », bien plus que Fraternité qui ferait encore référence au besoin français d’une annulation des différences et qui n’entre pas dans la logique bretonne qui sait à la fois acter l’autre dans ce qu’il est et mettre en œuvre à son égard une aide comme l’atteste l’incroyable tissu associatif présent en Bretagne. Enfin, Rozenn MILIN et son vis à vis en venaient aussi à définir en troisième position la qualité d’« Équanimité » afin de nommer ce caractère breton principalement si calme et mesuré mais sachant pourtant à certaines occasions si parfaitement s’agiter pour de bonnes raisons.

Aujourd’hui, en prolongement de cette discussion autour de l’image que l’on attribue aux bretons, j’ai choisi de m’interroger de la façon suivante : pouvons-nous justement expliquer un caractère, notre caractère à partir justement de notre histoire, et de nos origines ethniques singulières ? Pouvons-nous aussi considérer que la géographie puisse aussi jouer un rôle dans le façonnement d’une d’identité? Ces questions en viennent tout bonnement à interroger la constitution d’un caractère donné de la même manière qu’un individu est façonné par les épreuves d’une vie et par son environnement le plus direct.

Tous, nous usons parfois de choses somme toute très certainement assez caricaturales, tels que les Anglais sont flegmatiques mais aussi excentriques, les Italiens parlent avec les mains et sont bruyants, les Bretons sont têtus, les Français sont gaulois et donc râleurs, etc… Ainsi, je note que s’il est fréquemment rappelé que les Bretons sont Français, très régulièrement, a contrario, nous sommes pourtant désignés spécifiquement en fonction de certaines caractéristiques. Elles se dévoilent dans des conversations de tous les jours, dans les médias, voire à travers des séries télévisées. Je prendrais ici l’exemple de la série humoristique « la petite histoire de France » sur W9 qui met en exergue une réalité historique rarement exposée à savoir la manière par laquelle au XIX ème siècle un personnage breton à Paris pouvait être traité comme un étranger, c’est-à-dire avec méfiance et rejet. La discrimination qui était en œuvre à l’époque à l’adresse des Bretons perçus comme arriérés, sauvages, etc … du fait de la chouannerie à laquelle la Bretagne s’était livrée en opposition aux « lumières » (sic) de la République démontrait donc la différence donc repérée entre Français et Bretons. A croire que nous avons toujours été confronté à ce discours très ambivalent par lequel nous serions Français (dans le sens, nous DEVONS nous dire Français) et en même temps, entendre nos particularités souligner très clairement.

Ronan COADIC par ses recherches autour de l’identité bretonne, sous un angle sociologique avait pu justement mettre en lumière les caractéristiques accordées aujourd’hui aux Bretons par les français.

Rappelons-les …
Au-delà des images d’Épinal grotesques et surtout négatives auxquelles on peut encore nous rattacher (les Bretons : alcoolisme, suicide), les Bretons sont identifiés comme têtus (évidemment), taiseux et à la fois révoltés, attachés à leurs pays, tolérants, solidaires, libres. Comment expliquer des différences statistiques mettant en évidence qu’en Bretagne, le taux d’attachement aux origines est plus fort d’ailleurs, qu’au début du XX ème siècle, la cour d’assise de Rennes condamnait moins qu’ailleurs les criminels à la guillotine ? Puis comment expliquer que des Bretons soient présents dans les quatre coins du globe et qu’ils arborent avec fierté leur Gwenn ha Du ? Comment expliquer que la Bretagne soit identifiée comme à gauche sur le plan politique et bien loin des thèses les plus extrémistes ? Etc…

L’histoire peut-elle répondre de ces caractéristiques ?
Je vous accorde que l’exercice que je propose là est certainement délicat. Le questionnement me parait pourtant intéressant car il pose d’emblée le principe que nous sommes tous nécessairement le résultat d’une histoire, de la nôtre mais aussi de celle de nos Anciens. C’est par cela que se transmettraient des éléments culturels mais aussi un certain inconscient collectif.

En réalité, et sans maintenir le suspense, j’aurais envie déjà dévoiler les résultats.

En tant que Bretons, nous serions passionnés. Michelet, cet homme qui dédaignait tant les Bretons en les définissant comme des arriérés, au nom d’une France idéalisée et glorifiée en venait pourtant aussi à définir la « race bretonne » (ce sont ses termes) comme rêveuse, mystique, imaginative, spirituelle et n’en aimant pas moins l’absurde, l’impossible, les causes perdues. Oui, et j’ajouterai qu’une culture présentant tant de poésie, de richesses littéraires, tout ce qui fondait la très fameuse « matière de Bretagne » (Jean BODEL identifiait alors au XIIème siècle que trois matières : la matière de Rome, de France et de Bretagne), alors oui, je le redis nous serions passionnés, c’est-à-dire soucieux du beau.

A ce titre, nous sommes donc têtus et c’est très bien ainsi.

Quand on se penche sur l’Histoire, nous pouvons effectivement trouver de quoi constater notre caractère têtu. A l’époque de Charlemagne, à une époque donc où la Bretagne était confrontée à la puissance indéniable de l’empire franc, cela ne l’empêcha pas de se révolter très, très souvent obligeant les Francs à de très nombreuses campagnes punitives. Mais rien n’y fit, la Bretagne continua à revendiquer son autonomie et d’ailleurs jusqu’à ce jour.

Alors oui, nous sommes têtus. Chez nous, les Celtes, n’oublions pas que les idéaux, les personnes ne meurent vraiment non pas lorsque la mort elle-même s’impose mais lorsque tous les auront oubliés. Nous sommes têtus effectivement parce que nous nous maintenons en tant que Bretons malgré le temps, le détournement de notre histoire et de notre culture, la pression d’état en vue d’imposer une francisation et un roman national. Nous sommes têtus parce que résistants, fidèles à ce que nous ressentons. L’Histoire nous a conduit à mener, même silencieusement, ce combat.

Au titre également de notre passion, nous sommes amoureux de la liberté.

Rien ne semble en capacité de nous mettre parfaitement sous le joug de qui que ce soit. Nous retrouvons ici le côté têtu des Bretons. Sur ce point, je ne peux m’empêcher d’interroger sur l’organisation sociale initiale des Bretons qui à la différence des Francs, présentait une société de clans, de marc’htierns. Sans être un spécialiste de cela, j’en ai compris que le marc’htiern était un territoire régi par un chef, qui avait pour fonction non pas d’être porté par ses ouailles mais bien plus de les servir. Par cette organisation, chaque individu, même s’il était rattaché à un clan, à une famille, demeurait sur le principe, libre.

Cette organisation pourrait peut-être expliquer pourquoi le servage, en tant que système hiérarchique mettant un homme au service d’un souverain, mit beaucoup plus de temps qu’ailleurs pour s’implanter en Bretagne. Du fait, nous pouvons en faire l’hypothèse, d’une pensée sans doute différente de celle des Francs. Ce rapport pyramidal présent chez les Francs et qui plaçait le misérable en dessous du noble, la femme à une place inférieure à l’homme ne correspondrait pas à celui des Celtes, où la société se voulait bien plus horizontale conduisant le chef au service du groupe et la femme être l’égale de l’homme.
Notre sens de la liberté pourrait peut-être s’expliquer par des éléments non pas historiques mais géographiques.

Toute la Bretagne, cette péninsule s’enfonçant dans la mer, est tournée vers l’horizon, vers le voyage, bien plus que vers l’est qui ne fut d’ailleurs pendant longtemps qu’un front (nommé les Marches de Bretagne). Toute la Bretagne est confrontée à une nature prégnante et que nous avons appris à respecter. Ce rapport à la nature ainsi vénéré est évidemment présent dans la philosophie celtique. Pouvons-nous imaginer que celle-ci soit encore présente en nous écartant de tout besoin de domination vis à vis des autres? J’interroge l’empreinte que nous pourrions présenter à notre insu d’une pensée ancienne.

En Bretagne, nous avons des codes, des valeurs essentielles.

Nous n’aimons pas nécessairement les gens qui se dévoilent trop, qui affichent trop d’eux-mêmes, de ce qu’ils font, de ce qu’ils sont, les démonstratifs, les impudiques, etc… Bien sûr nous parlons, mais quand cela est surtout utile. Nous ne disons rien et pourtant nous savons nous révoltés. Les mouvements collectifs bretons sont légions.

Pourrions-nous par ailleurs relier notre sens de la solidarité avec là encore, notre organisation initiale clanique? A cette explication, j’ajouterai que dans la Coutume de Bretagne (voir les écrits de Marcel PLANIOL) en d’autres termes dans les lois ancestrales de Bretagne telles qu’elles étaient rédigées avant l’annexion était déjà posé par exemple et cela me parait inédit par rapport à l’esprit du Moyen-Âge, des notions d’entraide et de protection auprès des orphelins, des misérables. Une dimension humaine était déjà présente. De la même manière ici, nous pouvons rappeler que la femme pouvait divorcer et hériter de son mari. Ses droits de personne étaient respectés. Elle pouvait même si je m’appuie sur les propos de Charles LE GOFFIC dans « l’âme bretonne », qu’elle pouvait conserver son nom de jeune fille.

L’attachement à notre pays de Bretagne est sans doute difficile à expliquer car il est passionnel.

Comment expliquer pourquoi on aime? Cet attachement est exprimé fortement car nous avons des spécificités culturelles auxquelles nous tenons. Wikipédia ne manque pas alors d’identifier les Bretons comme une ethnie de France alors que la France elle-même s’y refuse. Nous aimons donc nous ne pouvons rien d’autre que dire ce que nous sommes. Cela ne nous apporte pas toujours que des avantages mais nous ne pouvons faire autrement comme nos Anciens qui dans le passé, même battus militairement, même contre vents et marées, ne pouvaient qu’être bretons au fond de leurs cœurs parce que c’était leurs réalités.
C’est aussi la nôtre aujourd’hui.

Si depuis plusieurs décennies, la honte d’être Breton a disparu, il nous resterait cependant à apprendre encore davantage, encore plus précisément la richesse de notre culture, de notre pensée. L’école n’ayant jamais été notre allié, nous n’avons jamais appris les auteurs essentiels de la pensée bretonne, nos poètes (Tristan Corbière, Victor Segalen, etc.. mais aussi plus actuels, Yvon le Men,), nos bardes de notre Gorsedd, nos écrivains (Chateaubriand, Ernest Renan, etc..) .

A chacun de nous de ne pas les oublier, ils sont là, ils sont nous.

Ils seraient notre prestige pour une culture riche de sa philosophie plutôt que de ses armes.

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