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Quand le pouvoir central remet la pression militaire
Un service militaire pour les jeunes Bretons ?
Depuis plusieurs mois, la Président français Macron, de son Palais élyséen multiplie les déclarations alarmistes.
Le pouvoir central parle d’une Europe au bord de la guerre. Il évoque la Russie comme une menace directe. Il fait planer l’idée d’une mobilisation possible. Et, dans cette ambiance construite, Emmanuel Macron propose un nouveau service militaire présenté comme moderne, utile, et surtout “volontaire”.
Pourtant, le pays sort à peine du fiasco du SNU.
Ce dispositif devait réinventer le lien civique. Il devait toucher toute une génération. Il devait rassembler la jeunesse autour d’un récit national réchauffé. Or il s’est effondré. La réalité a gagné. Les jeunes ne se sont pas déplacés. Les coûts ont explosé. L’objectif a été abandonné.
Pourquoi ce nouveau service militaire réussirait-il là où le SNU a échoué ?
Et surtout, pourquoi la Bretagne devrait-elle adhérer à cette nouvelle tentative de militarisation de la jeunesse ?
La Bretagne regarde ce projet d’un œil lucide. Elle le regarde avec son Histoire. Elle le regarde avec son identité et avec ses priorités. Et elle voit déjà les mêmes illusions, les mêmes erreurs et les mêmes risques.
Fiasco du SNU
Pour qualifier l’échec structurel du Service national universel, on peut s’appuyer directement sur les conclusions de la Cour des comptes dans son rapport public thématique Le Service national universel (SNU), publié en septembre 2024.
Premièrement, la Cour souligne que les objectifs mêmes du dispositif restent flous et mal perçus, y compris par les jeunes censés en être le cœur de cible :
« Ses objectifs demeurent incertains et dès lors mal compris par le grand public, en particulier par les jeunes qui en constituent pourtant la cible. »
(Cour des comptes, Le Service national universel, rapport public thématique, sept. 2024, p. 9)
Deuxièmement, la Cour pointe clairement l’incompatibilité entre les moyens financiers prévus et l’idée de généraliser le SNU à toute une classe d’âge :
« [Cette trajectoire] n’est toutefois pas compatible avec une généralisation du SNU à l’ensemble d’une classe d’âge d’ici 2027. »
(Cour des comptes, Le Service national universel, rapport public thématique, sept. 2024, p. 12)
Enfin, elle insiste sur le fait que la généralisation n’est tout simplement pas prête opérationnellement, faute de réponses sur les capacités d’accueil et l’encadrement :
« … la généralisation soulève des questions opérationnelles majeures (…) qui n’ont à ce jour pas été résolues. »
(Cour des comptes, Le Service national universel, rapport public thématique, sept. 2024, p. 12)
Le SNU : un fiasco structurel jamais assumé
Le Service National Universel a été l’un des projets les plus coûteux et les plus flous de l’ère Macron. Ce qui n’est pas peu dire!
Il devait créer de la cohésion nationale. Il devait renforcer le « patriotisme républicain ». Il devait réunir les jeunes autour d’un idéal commun. Rien de tout cela ne s’est produit.
Dès le départ, les objectifs étaient contradictoires. Le gouvernement français parlait de citoyenneté. Il parlait aussi d’encadrement. Il évoquait la mixité sociale comme un mantra. Cependant, le cadre restait imprécis. Et cette confusion a créé un dispositif bancal.
Le SNU s’est aussi heurté à la logistique. Les infrastructures manquaient. Les encadrants manquaient. Les budgets n’étaient pas prévus. Les établissements scolaires n’étaient pas prêts. Les départements non plus. Chaque étape du programme nécessitait une organisation impossible.
Bref, ce genre d’inorganisation totale que l’on retrouve trop souvent dans cette tentaculaire machine étatique parisienne, qui carbure à l’improvisation, sature dans la paperasse et confond autorité et incompétence.
Les finances ont fini d’enfoncer le clou. Les évaluations officielles annonçaient plusieurs milliards d’euros pour une généralisation. Les coûts individuels grimpaient. Tous les signaux étaient au rouge. Le gouvernement a alors reculé. Il a fini par reconnaître que le SNU ne pourrait pas devenir universel.
Le plus important reste la réaction des jeunes.
Le SNU n’a jamais convaincu les 15–17 ans. Les chiffres sont clairs. La majorité ne voulait pas de cette parenthèse civique formatée. Ils ne percevaient ni sens, ni utilité réelle. Le SNU apparaissait comme un exercice descendant. Il sentait le programme jacobin. Il parlait aux jeunes sans les écouter.
Le SNU a échoué parce qu’il reposait sur une fiction : l’idée que la jeunesse française serait prête à se rallier à un récit national vertical, conçu loin de ses réalités.
Le nouveau service militaire : une tentative de revanche ?
Face à l’échec du SNU, le pouvoir élyséen n’a pas abandonné l’idée de mobiliser la jeunesse. Il change simplement de stratégie. Le service militaire réapparaît. Il est présenté différemment en portant une autre image. Il semble plus sérieux. Il semble plus structuré. Et surtout, il semble utile à l’armée.
On parle désormais de volontariat. On parle d’engagement “concret”. On évoque un “pacte armée-Nation”. Le président Macron, grand (et seul) ordonnateur de ce régime en bout de course, veut attirer les jeunes vers la réserve. Il veut renforcer le lien militaire. Il veut présenter l’armée comme un lieu d’ascension sociale.

Mais ce changement d’approche repose sur des éléments fragiles.
Le premier est la peur. Le pouvoir central utilise l’idée d’une guerre “proche”. Il dramatise la situation internationale. Il parle Russie, menace directe. Il parle défense européenne. Cette narration vise à créer une tension psychologique. Elle vise à rendre le service militaire nécessaire.
Pour autant, les jeunes de 2025 ne vivent plus dans un imaginaire guerrier. Ils voient ce discours comme une communication politique. Ils sentent la manipulation. Ils savent que la guerre n’est jamais déclarée par ceux qui iront la faire. Ils savent que les récits d’État sont souvent biaisés.
Le second pilier du dispositif est la rémunération. L’exécutif compte sur la précarité étudiante. Il compte sur les difficultés économiques. Il compte sur les jeunes en quête d’une première expérience professionnelle. Il espère attirer ceux qui cherchent une stabilité.
Cela suffira-t-il ? Pas sûr.
Le maître de l’Élysée pense sans doute que les jeunes se précipiteront vers son service militaire,
Ce service militaire apparaît donc comme un ballon d’essai politique. Si la participation reste faible, l’exécutif pourra durcir le cadre. Et si la situation internationale se dégrade, l’idée d’un retour de l’obligation pourrait réapparaître.
Le pseudo “retour” du service militaire : simple rebranding pour masquer le vide.
Contrairement à ce que laisse entendre la communication gouvernementale, ce “nouveau” service militaire n’a rien d’une innovation. Il existe déjà depuis dix ans sous un autre nom : le Service militaire volontaire (SMV), créé en 2015 par François Hollande et calqué sur le Service militaire adapté (SMA) qui fonctionne dans les Outre-mer depuis 1961.
Ce dispositif est déjà interarmées. Il accueille déjà des jeunes de 18 à 25 ans. Il mise déjà sur la discipline, la remise à niveau, la formation professionnelle et l’insertion. Il dispose déjà de régiments en France (Montigny lès Metz, Brétigny sur Orge, La Rochelle, Châlons en Champagne, Marseille et Ambérieu), ainsi qu’en Bretagne occidentale, à Brest.
Autrement dit, le pouvoir central ne propose pas un nouveau modèle : il rebaptise un système existant, en espérant que le contexte international suffira à lui donner une légitimité nouvelle.
Ce rebranding maladroit prouve surtout une chose : Paris ne sait pas quoi inventer pour mobiliser une jeunesse qui ne le suit plus.
Pourquoi la jeunesse française ne suivra pas
Les jeunes Français vivent dans un monde où les institutions ont perdu leur crédit. Ils ont vu les scandales politiques et les mensonges d’État. Ils ont vu les manipulations internationales. Et ils ont appris à naviguer dans un environnement où la vérité ne vient jamais d’en haut. Ce rapport au pouvoir est central.
Ils n’achètent plus les « romans nationaux », ni les récits de mobilisation. Ils n’acceptent plus les injonctions. Ils ne veulent plus servir des agendas qui ne les concernent pas. Aujourd’hui ils demandent du sens et des projets réalistes. Ils demandent une cohérence.

Or, le service militaire ne répond pas à ces attentes. Il ne propose pas d’avenir clair. Il ne répond pas aux priorités quotidiennes. Pas plus qu’il n’aborde ni la crise écologique, ni la précarité, ni le logement, ni la transition énergétique. Il ne propose pas un horizon collectif. Il propose une parenthèse militaire sans bénéfices immédiats.
Les jeunes Français voient aussi la contradiction. On leur demande de s’engager dans un dispositif d’État. Mais ce même État central ne leur propose ni stabilité, ni Démocratie locale, ni participation réelle. Les jeunes veulent être acteurs. Pas exécutants.
Là encore, on retrouve le même mécanisme qui avait fait chuter le SNU.
Le fond n’est pas le problème militaire. Il est sociétal. Et tant que l’État central ne comprendra pas cela, tous les projets d’encadrement de la jeunesse échoueront.
Un service militaire pour les jeunes Bretons : un rejet encore plus profond
Le rejet français existe. Mais en Bretagne, il sera encore plus fort. Parce que la Bretagne possède une mémoire longue. Parce qu’elle connaît l’Histoire. Et parce qu’elle sait ce que signifie une militarisation venue de Paris.
La relation entre la Bretagne et le lointain pouvoir central a toujours été complexe.
Elle est marquée par des siècles de centralisation. Elle est marquée par des décisions imposées. Elle est marquée par une administration parisienne qui ne connaît jamais réellement les territoires. Cette distance reste vivace.
La Bretagne a aussi une tradition antimilitariste profonde. Elle a payé un prix colossal lors des précédentes guerres européennes et mondiales. Les monuments aux morts le prouvent. Les familles le savent. Les villages le portent encore. La Première Guerre mondiale a vidé nos campagnes. La conscription a toujours été vécue comme une violence d’État.
Cette mémoire n’a pas disparu. Elle se transmet encore. Elle nourrit une sensibilité particulière. Elle rend la société bretonne plus prudente, plus critique, plus attentive.
La jeunesse bretonne possède également une identité forte. Elle regarde le monde différemment. Certes, elle se sent européenne. Elle se sent celtique, ouverte sur la mer, sur les échanges, sur la culture, sur les solidarités locales. Elle n’a aucune appétence pour une vision militarisée de son avenir. a Fortiori imposée un pouvoir central qui l’a toujours mal considérée.
Le modèle jacobin ne lui parle plus. Le discours martial encore moins.
Le service militaire ne correspond pas à ses priorités. Il ne correspond pas à ses valeurs. Il ne correspond pas à la Bretagne d’aujourd’hui.
La Bretagne face au récit militaire français
La Bretagne construit depuis longtemps un modèle pacifique. Elle privilégie la résilience. Elle travaille sur la transition écologique. Elle mise sur les énergies marines. Elle développe sa culture et défend sa langue. Elle valorise la démocratie locale. Elle s’inspire des autres nations celtiques. Elle projette un avenir qui ne ressemble pas à celui proposé par Paris.
Le récit militaire français n’a pas d’écho ici. Il appartient à un autre monde, à une autre culture politique. Il appartient à une vision ancienne de la puissance, éventuellement colonisatrice.
La Bretagne n’est pas dans cette logique. Elle regarde le futur, la mer. Elle regarde l’Europe du nord. Elle regarde l’innovation.
Ce décalage crée un fossé politique. Il crée un fossé psychologique et générationnel. Et cette distance rend le service militaire inutile pour la Bretagne. Parce qu’il ne répond à aucune demande locale. Il ne correspond à aucun projet breton. Il ne s’inscrit dans aucune trajectoire d’avenir pour les cinq départements de Bretagne.

Pourquoi les jeunes Bretons refuseront
Les raisons sont multiples.
Ils refuseront parce que ce service militaire est un dispositif imposé par Paris. Ils refuseront parce qu’il repose sur la peur et ignore les réalités locales. Ils refuseront parce qu’il n’offre aucun horizon, sinon celui de l’une guerre. La jeunesse bretonne veut construire, pas obéir. Ils refuseront parce que le SNU a déjà prouvé l’inefficacité de ce type de programme. Ils refuseront parce qu’ils veulent un avenir breton, pas une aventure militaire de Paris.
Ce refus n’est pas idéologique. Il est pragmatique, lucide et logique.
La Bretagne regarde vers la mer. Elle ne regarde pas vers la guerre.
La Bretagne ne se militarise plus
Le service militaire réinventé par la maître de l’Élysée ne résoudra rien.
Il n’apportera ni cohésion, ni modernité, ni sécurité. Il ne répond pas aux enjeux du siècle. Et il ne parle pas à la jeunesse bretonne. La Bretagne continuera de penser son avenir avec ses propres priorités. La militarisation n’en fait plus partie.
Le pouvoir central veut mobiliser pour détruire ou éviter de détruire. La Bretagne préfère construire.
Et c’est probablement là l’un des désaccords les plus profonds de notre époque entre les deux pays.
2 commentaires
Quand on connait le poids de la défense française en termes d’emplois en Bretagne (voir Le Peuple breton 31-03-2017 – çà n’a pas dû beaucoup changer), cet article est hallucinant.
Les emplois, oui, la solidarité non.
Dont acte.
Humour !
https://youtu.be/zOydDdEUrIg