le breton n'existe pas ?

«Le breton n’existe pas» ? Démonstration que notre langue vit et résiste

de NHU Bretagne

« Le breton n’existe pas » ?

« Le breton n’existe pas » ?
Cette phrase, provocatrice et choquante, circule depuis une vingtaine d’années dans les médias et le monde politique français. Derrière elle, un discours insidieux vise à nier la légitimité d’une langue millénaire. En Bretagne, beaucoup l’ont entendue. Certains l’ont même utilisée pour discréditer les efforts de sauvegarde et de transmission.

Mais que veut-on dire quand on affirme que « le breton n’existe pas » ?
Est-ce une simple provocation ?
Ou bien une stratégie plus profonde pour maintenir le français comme seule langue de référence ?

Cet article propose de déconstruire ces arguments négationnistes. Le breton existe, au singulier. Il a toujours existé, malgré ses dialectes, ses évolutions et les attaques qu’il subit depuis deux siècles.

D’où vient le discours « le breton n’existe pas » ?

L’idée n’est pas nouvelle. Mais elle a pris de l’ampleur lorsque plusieurs personnalités publiques l’ont répétée.

En 2010, Michel Onfray écrivait dans Le Monde qu’il n’existait pas une langue corse ni une langue bretonne, mais uniquement des dialectes. Pour lui, les langues dites « régionales » ne seraient qu’un puzzle d’idiomes locaux.

Enfin, Jean-Luc Mélenchon a plusieurs fois soutenu que ce qu’on appelle « le breton » n’était en réalité qu’une langue artificielle, inventée en 1941, à la demande de l’occupant nazi. Pire encore, il a parlé de quatre ou cinq « langues bretonnes » distinctes.

Du côté Rassemblement National et autres extrême jacobins de ce bord-là, ce n’est évidemment pas mieux.
En 2014, Éric Conan, dans Marianne, affirmait : « Le breton n’a jamais existé. » Selon lui, il n’y aurait eu que du trégorrois, du vannetais, du léonard ou du cornouaillais.

extrême jacobins Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean Luc Mélenchon
Extrêmes jacobins français brittophobes – enebourien Breizh

Leur logique est simple : si le breton n’est qu’un patchwork de dialectes, alors il ne peut pas prétendre au statut de langue. Conclusion implicite : il n’a pas sa place dans l’école, dans les médias, ni dans la société.

Pourtant, cette logique est biaisée.
Car le français lui-même est issu de multiples dialectes d’oïl.
Personne ne remet en cause son unité aujourd’hui.

Trois critères prouvent que le breton existe

La linguistique ne laisse pas de place au doute. Trois critères permettent de définir une langue. Et le breton les remplit tous.

Un nom de langue clair : brezhoneg

En Bretagne, le terme brezhoneg est utilisé depuis des siècles par celles et ceux qui parlent la langue. En latin, on retrouve brittanica lingua dès le VIIIe siècle. Ce nom renvoie toujours à une seule et même langue, parlée de l’Atlantique à la Manche.

Une conscience collective forte

Les brittophones se sont toujours reconnus comme membres d’une même communauté linguistique. Même les documents administratifs hostiles au breton, au XIXe siècle, parlent de « langue bretonne », jamais de langues au pluriel.

Une intercompréhension réelle

Les différentes variétés de breton sont proches et se comprennent largement. Certes, l’intercompréhension s’est réduite au XXe siècle, car le français a remplacé les usages communs. Mais cette perte est due aux politiques de francisation, pas à une diversité interne insurmontable.

En clair : le breton a un nom unique, une conscience collective et une intercompréhension suffisante. Il est bel et bien une langue.

le breton n'existe pas ?
Le breton n’existerait pas parce qu’il existe des variantes régionales pour un même mot. Du coup, la langue française existe t-elle ?

Pourquoi nier l’existence du breton ? A qui profite le crime ?

Pourquoi alors répéter que le breton n’existe pas ?
Parce que ce discours sert des intérêts politiques et symboliques.

Si on affirme qu’il existe plusieurs « langues bretonnes » sans unité, toute politique de promotion devient impossible. Comment enseigner une langue si elle est censée être éclatée en morceaux incompréhensibles ?
Comment créer des médias, des livres ou des cours communs ?

La conclusion implicite est claire : le français doit rester la seule langue légitime dans l’espace public.
C’est une stratégie d’exclusion et de discrimination.

Elle profite aux intellectuels, journalistes et politiques qui ont fait carrière dans un français soutenu.
Plus le français reste sans concurrence, plus leur statut symbolique est renforcé.

Comment l’État central français a affaibli le breton

Pour comprendre, il faut revenir au XIXe siècle. À cette époque, le breton est parlé par des millions de personnes. Il est utilisé dans la vie quotidienne, dans les échanges supralocaux, au marché, dans les familles, mais aussi par le clergé et les notables.

Face à cela, l’État français a élaboré une stratégie claire : détruire l’unité du breton pour imposer le français.
Dans une lettre de 1831, des préfets expliquaient qu’il fallait « favoriser l’appauvrissement et la corruption du breton, jusqu’au point que d’une commune à l’autre on ne puisse pas s’entendre ».

symbole si ma langue maternelle menace les fondations de votre état, cela signifie probablement que vous avez construit votre état sur mes terres
symbole si ma langue maternelle menace les fondations de votre état, cela signifie probablement que vous avez construit votre état sur mes terres

Puis vinrent les lois Ferry (1880-1881), instaurant l’école obligatoire et gratuite… mais exclusivement en français.
Le message était clair : le breton devait disparaître.

En 1890, même les prêches en breton furent interdits. Les prêtres risquaient de perdre leur salaire s’ils continuaient. Peu à peu, le français a remplacé le breton dans toutes les fonctions de prestige : l’école, l’administration, la religion.

Résultat : les variétés locales ont été isolées, l’intercompréhension a décliné, et le breton a été présenté comme une langue éclatée. En réalité, cette fragmentation a été provoquée volontairement par la politique française.

Le breton aujourd’hui : diversité et unité

Malgré cette décapitation, le breton n’a jamais cessé d’exister.

Depuis 1977, avec la création des écoles Diwan, le breton a retrouvé une place dans l’enseignement. Puis il est revenu dans les radios associatives, à la télévision, dans la musique, dans la culture.

Certains parlent d’un « néo-breton » trop artificiel. En réalité, il s’agit d’un processus normal de restandardisation. Enseignants, journalistes et artistes créent une variété commune. Ce n’est pas une langue inventée, mais une langue vivante, nourrie des parlers locaux et de nouveaux usages.

Aujourd’hui, les brittophones alternent entre registres locaux et registres plus communs. Exactement comme les francophones le font entre français régional et français standard.

La diversité interne n’est pas une faiblesse. Elle est au contraire une richesse. Toutes les grandes langues du monde connaissent cette diversité. L’espagnol, l’anglais, l’italien : aucun n’est uniforme. Le breton n’est pas différent.

Oui, le breton existe, et il existait bien avant la langue française

Le breton existe, au singulier. Ceux qui prétendent le contraire défendent une idéologie jacobine, visant à réserver l’espace public au français.

Historiquement, l’État a exclu le breton des écoles, des églises, de l’administration. Cette stratégie a affaibli son intercompréhension, mais elle n’a jamais fait disparaître son unité.

Aujourd’hui, malgré la chute du nombre de locuteurs, la langue renaît. Elle s’enseigne, s’entend sur les ondes, se lit dans des livres, se parle dans des familles.

Les discours négationnistes ne sont pas des analyses neutres. Ils sont des armes contre une langue menacée. Les déconstruire, c’est protéger l’avenir du breton.

Le message est simple : oui, le breton existe, et il continuera d’exister tant qu’il sera parlé, appris et transmis.

Pour aller plus loin

Cet article est une synthèse vulgarisée et libre d’un travail universitaire de Geoffrey Roger, chercheur à l’University of London Institute in Paris.
Ses recherches portent sur les langues minorisées, en particulier le breton, leur standardisation et les discours qui les entourent.

👉 Lire le document original :
« Le breton n’existe pas : La déstandardisation au service du négationnisme » (ResearchGate, 2025)

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1 commentaire

Burban 18 septembre 2025 - 8h12

Ce qui est drôle dans ces affirmations c’est que ce sont des personnes qui ne parlent pas cette langue , ni ne la lisent , pas plus qu’ils ne l’écrivent qui ont un avis sur celle-ci ?

Mais ils savent . Leur humilité habituelle qui est forgée sur des certitudes bien ancrées . Mais chacun d’entre – nous ne sait que peu de choses , eux ils sont sachant bien pensants de boussole centraliste parisienne ils mâchent leur catéchèse .

Brell int tout !

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