Toutes les capitales du monde sont des villes de grande importance aux larges avenues, aux torses bombés, où le pouvoir se dévoile à force de bâtiments officiels, prestigieux si possible, grandioses parfois. La prétention des états et de leurs gouvernements apparaissent alors sous l’éclat de dorures flatteuses et révélatrices du dessein auquel ils auraient donc à répondre pour le bien commun ou pour eux-mêmes.
Sommaire
La capitale de la Bretagne : Rennes / Roazhon ou Nantes / Naoned ?
En Bretagne, Rennes / Roazhon et Nantes / Naoned ont été successivement les capitales de notre ancien duché-royaume.
En effet, elles en ont toutes deux une partie de sa mémoire, et nous savons bien si la Bretagne devait être enfin réunie que tout un débat aurait alors nécessairement lieu pour savoir laquelle des deux seraient la plus habilitées à rester ou à redevenir notre capitale.
Pour ma part, d’origine nantaise, je pourrais avoir un faible pour que cela soit Nantes / Naoned, d’autant plus qu’en nombre d’années, en tant que tel, Naoned supplanterait certainement Roazhon. Sur le plan historique, il faut bien convenir que ces deux villes ont toujours eu un rôle essentiel. Rennes / Roazhon correspondait ainsi par sa cathédrale Saint Pierre, au lieu du couronnement du duc, mais roi en son duché. La cérémonie débutait alors par le souverain prêtant serment devant la porte mordelaise, de veiller au bonheur de son peuple et à l’indépendance de son pays.
Nantes / Naoned avait la chambre des comptes de Bretagne …
Mais aussi la chancellerie, et le conseil ducal. Il y avait surtout notre Château des Ducs de Bretagne, en tant que lieu de résidence même du souverain breton. Ce monument désormais devenu «musée de Nantes» paraîtrait en réalité, bien pâle par rapport à ce qu’il fut certainement et à ce qu’Anna Vreizh en avait fait à coups d’embellissements durant sa vie de reine, dans l’espoir tenace qu’il redevienne le château d’un pays indépendant.
Mais non, l’histoire ou plutôt la perfidie de François Ier, Roi de France en décida autrement.
Le château porterait aujourd’hui encore en lui la salissure de sa trahison à un contrat privé dont il n’entendit se sentir obligé. Il présenterait maintenant la balafre maintenant du carcan d’un mensonge faisant de Nantes / Naoned un endroit n’ayant point eu de vie entre son pillage ignoble par les Vikings en 843 qui tuèrent son évêque jusque dans sa cathédrale et l’annexion de la Bretagne à la France en 1532.
Et oui, l’histoire de Nantes / Naoned, selon ce musée n’aurait débuté qu’à ce moment-là et pas avant. Et pourtant notre défunt Duc François II dormirait éternellement encore, sous un somptueux tombeau entourés de sculptures symboliques, à deux pas du château comme pour contredire cette fallacieuse présentation.
Les États de Bretagne pour leur part, évoluaient en différentes villes de Vannes / Gwened à Dinan, Vitré / Gwitreg ou Fougères / Felger, avant de se fixer ensuite au Parlement de Bretagne à Rennes / Roazhon, à l’histoire là aussi écornée, puisque détournée d’un incendie et de la disparition inexpliquée de quatre statues d’illustres personnages de justice de notre pays, tels que Bertrand d’Argentré et La Chalotais, Gerbier et Toullier.
Mais demain, alors, qu’en serait-il de la capitale de la Bretagne ?
C’est donc avec un peu de malice que je voulais ici évoquer Karaez / Carhaix en capitale de la Bretagne.
Karaez regrouperait ainsi à mes yeux, un certain nombre d’avantages à cela. Tout d’abord, il y a son emplacement en Centre Bretagne. Le Kreiz Breizh et l’Argoat serait donc enfin mis à l’honneur entre les Monts d’Arrée à l’ouest et le lac de Gwerledan bordé de sa forêt de Kenekann / Quénécan à l’est.
A l’inverse des pays de Haute-Bretagne, Karaez resterait à distance raisonnable de tous les coins de la péninsule armoricaine et surtout de toutes ces côtes, de la mer d’Iroise au Golfe du Morbihan, de sa côte de Granit rose ou de Penthièvre / Pentrev aux marais salants de Guérande / Gwenrann.
La Bretagne a plusieurs cœurs.
Nous avons le magnifique cœur en écrin d’or exposé au Musée Dobrée de Nantes / Naoned que notre admirable Anna Vreizh a choisi de nous léguer par amour pour sa patrie, et nous avons notre parlement à Rennes / Roazhon.
Le Kreiz breizh serait aussi un cœur pour le pays, vert de nature, de granit, et d’ardoises mais aussi, de vieilles traditions dédiées, à travers nos fontaines au culte d’avant le christianisme, de l’eau ou des chevaux en lien avec un temps où les Bretons étaient des cavaliers renommés, installés sur leurs bidets malheureusement disparus. Le Kreiz Breizh aurait surtout le mérite de représenter au mieux l’idée d’une Bretagne passionnée, bercée de vents et de mystères, de forêts comme autant de mers à découvrir pour déceler au creux d’un oubli, un chaos aux blocs impressionnants ou seulement une pierre qui ne disait rien et qui pourtant s’est dressée comme pour mieux nous accueillir.
A Karaez l’esprit est farouche et depuis longtemps.
On ne s’y soumet pas.
Le peuple est historiquement insoumis et n’entend suivre que les lois qui le servent collectivement. Karaez se fut lors des dernières années, ces deux combats estimables pour le maintien de son hôpital, gagnés au nom d’une idée de service public que tant voudrait révolu, grâce à l’énergie de son maire, Christian Troadec.
Mais bien avant cela, ce fut déjà le pays de Sébastien Le Balp et de ses Bonnets Rouges du XVIIème siècle s’insurgeant contre l’impôt pour ensuite être massacrés horriblement comme put si bien le relater avec détails, Madame de Sévigné. Tout cela conduisit alors, par vengeance, la France à détruire le clocher de nos églises. Qu’importe puisque nos femmes en firent des coiffes plus hautes. Karaez est aussi le berceau de la Tour d’Auvergne, soldat à l’entêtement et à la bravoure reconnus, médaillé de la légion d’honneur et qui ne manqua non plus de se présenter en érudit de la culture celtique. Quelle belle synthèse en vérité de Karaez et de la Bretagne en cette alliance du courage et du savoir !!!
Là-bas, la sociologie aurait des recherches à faire en vue de dévoiler l’origine d’un usage persistant du tutoiement et du respect de l’autre au mépris de toute logique de hiérarchie sociale ou d’individualisme. Peut-être est-ce là la trace d’un système féodal de servage qui justement peina tant à s’y implanter. A Karaez, et plus largement dans le Kreiz Breizh, il me semble possible de retrouver quelque chose de l’authenticité de l’âme bretonne et de sa langue.
Alors pourquoi ne pas en faire une capitale?
Le lieu est ancestral et nous le savons tous, Karaez ou plutôt Vorgium était déjà durant l’Antiquité le chef-lieu des Osismes.
Karaez capitale de la Bretagne
les institutions bretonnes pourraient rester là où elles sont déjà, à Nantes / Naoned ou à Rennes / Roazhon. En effet, il serait bien inutile de faire des frais supplémentaires.
Karaez aurait surtout à charge la représentation de l’esprit de la Bretagne, elle en serait l’autorité spirituelle.
Ce qui se conjuguerait parfaitement avec à sa proximité notre folle Vallée des Saints imaginé par Philippe Abjean et que dire encore, si le projet d’un Stonehenge breton y voyait également le jour. Ce serait fabuleux. Il ne resterait plus qu’à créer un domaine de nature préservée comme il peut en avoir par là-bas aussi et cela deviendrait un lieu d’accueil philosophique pour que le Gorsedd de Bretagne puisse y siéger, et cela serait parfait.
A deux pas peut-être du chêne millénaire de Troñjoli.
Le druidisme aurait alors une visibilité bien plus grande, une réalité concrète et quoique plus normal que cela soit ici puisque c’est dans le Poher que l’on fête la poésie grâce au prix au nom de notre illustre barde, Glenmor.
C’est aussi ici, entre l’abbaye de Releg, de Langoned et de Bon-Repos / Abati Verrepoz, là où la harpe celtique de Joël Herrou sonne encore, que le loup voudrait désormais réapparaître.
Il n’y manquerait plus qu’une maison des Korrigans ou un mausolée pour Nominoë, La Rouërie ou le Roi Arthur et nous aurions notre vallée des rois ou notre panthéon.
Nous retrouverions notre goût créatif des légendes et des contes…
Nous résistons ainsi depuis des siècles.
Avec Karaez en capitale de la Bretagne, cette dernière choisirait d’être un pays mais bien plus pour la population que pour les honneurs.
L’objectif ne serait plus de rivaliser avec les autres mais avec nous-mêmes.
La Bretagne, par ce choix, donnerait de la grandeur à la simplicité, et signerait le souci majeur de se maintenir au plus près des vraies valeurs humaines. En Bretagne, nous croisons nos personnalités comme avec n’importe quel autre homme, avec seulement une estime plus marquée dans le regard. Il en serait donc de même de nos dirigeants à condition qu’ils soient dignes de la place qui leur serait accordée.
La Bretagne serait immense ainsi, en restant juste fidèle à elle-même et à sa pensée.
2 commentaires
Vous avez à la fois, malgré une approche un peu trop idyllique, une bonne analyse de la situation,vous faites honneur au kreiz Breizh, si il y en a un qui lit votre article, il ne va plus se sentir. Seulement malgré les atouts que possède Karazez, cette solution n’est pas à mon sens le bon compromis et elle aurait du mal à se faire accepter si la question du changement se posait, d’autre part dans la perspective de la réunification Karaez est trop éloignée du pays Nantais, Gwened serait une moins mauvaise solution puisque la bonne n’existe pas.
bonjour, merci pour votre commentaire. L’approche idyllique que vous m’accordez tient certainement que l’écriture de cet article s’est réalisée en toute connaissance de cause quant au fait que j’abordais ici un sujet décalé puisqu’il ne se pose pas actuellement. Il voulait néanmoins attirer l’attention sur Karaez en tant qu’endroit de Bretagne qui veillerait à une certaine forme de sauvegarde culturelle et qui entendrait la cultiver. Pour cela, ne mériterait-elle pas le titre de capitale de la Bretagne? Pour le reste, comme je l’ai écris, si nous devions penser à cette question sérieusement, nous pourrions très bien imaginer pour notre Bretagne, une capitale économique, institutionnelle et une capitale culturelle. Pourquoi faudrait-il tout regrouper en un endroit? Voir ma conclusion. Pour cela le fait que Karaez serait trop éloignée du pays nantais, n’est à mes yeux pas un problème. Beaucoup de capitales dans le monde peuvent se trouver excentrée du reste de leurs pays. En vérité, l’objet de cet article reviendrait en réalité à interroger le critère qu’il nous faudrait adopter pour choisir notre capitale en tant que représentation bretonne: la dimension géographique, économique ou culturelle. Pour ma part, je choisissais la dimension culturelle. Merci