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L’affaire du Musée de Bretagne n’arrête pas de susciter des commentaires.
Exposition ratée ? A coup sûr. Mais elle restera dans l’histoire comme un moment fort de l’offensive jacobine dont les Bretons n’ont pas encore suffisamment mesuré la dangerosité pour le devenir de tout ce qui les relie : leur Histoire, leur culture, leur langue et donc leur identité.
Celtique ? : l’exposition contreversée du Musée de Bretagne, par Koun Breizh
Le jacobinisme est l’idéologie de la République qui a échoué sur le terrain de l’égalité et qui reprend la vieille antienne de l’homogénéisation totale de la population française. Laminés, indifférenciés, les gens n’ont plus la moindre opposition à faire valoir. Je ne connais pas de système de domination plus pernicieux et efficace.
Toujours il avancera au couvert des plus beaux principes comme celui de l’ouverture à l’Autre, que représente désormais ce point d’interrogation accolé à notre celtitude. Ne serions-nous pas d’affreux identitaires à ôter ainsi ce point d’interrogation que les autres supportent allègrement ? Le jacobinisme nous force à nous ouvrir aux autres pour mieux oublier de nous ouvrir à nous-mêmes et à nos langues, à notre culture en grande difficulté et qui ne reposent plus que sur les efforts du peuple breton.
Le jacobinisme repose encore sur les élites de pouvoir et de réseaux et notamment sur ceux qui se trouvent en Bretagne et qui sont les premiers à bénéficier du système. Je viens de lire un message de Le Boulanger qui me pousse à écrire aujourd’hui sur ce fameux point d’interrogation. Le Boulanger, ancien vice-président à la culture de la région Bretagne administrative, n’omet pas de mentionner les erreurs et insuffisances de l’exposition du Musée de Bretagne, mais il nous invite à conserver ce point d’interrogation salvateur, accolé à notre identité dérogatoire, parce que celtique.
Les identités sont dangereuses et il faudrait s’en défier.
Quiconque oserait prétendre le contraire tomberait aussitôt sous l’accusation d’identitarisme.
Regardons les choses lucidement.
Notre identité bretonne est tellement mal en point dans ses fondamentaux qu’elle n’inquiète plus grand monde aujourd’hui. Il ne s’agit que d’une identité de préservation en butte à l’hostilité du système politique mais qui mériterait pourtant un véritable soutien public ou à tout le moins des élus capables de la défendre becs et ongles.
Que disent nos grands élus bretons de cette affaire ?
Ils ont choisi le silence, au motif que la question de l’identité bretonne n’est qu’une question technique relevant des experts. Difficile d’admettre un tel refus de la politique par des personnages politiques « régionaux ». Or je ne connais pas de question plus politique que la manière dont un peuple se définit. C’est dire la gravité du mal qui nous atteint en Bretagne et qui se nomme « grand renoncement », si ce n’est pas un véritable suicide collectif.
Et puis, il y a ceux qui, comme Le Boulanger, avancent le point d’interrogation humaniste et salvateur.
J’aurais envie de leur répondre que le peuple qui veut sauver sa culture, sa langue que l’on enseigne à 3 ou 4 % de ses enfants, ne doit surtout pas choisir l’étendard du point d’interrogation. Le point d’interrogation ouvre le chemin au doute sur ce qui nous relie et à la possibilité que notre identité, notre langue ne valent pas mieux qu’une identité et « langue régionale », tout comme les autres. Il n’y a plus d’altérité bretonne au sein de l’ordre jacobin qui ne connaît que des « régions ».
Si nos langues ne sont que des « langues régionales », elles peuvent crever.
C’est bien ce à quoi nous assistons. Il suffit de regarder les chiffres d’ouverture de classes bilingues cette année. En Europe les peuples relèvent la tête et sauvent leur langue. En Bretagne, nous cultivons le point d’interrogation. C’est la prise de conscience claire et sans le moindre doute de notre altérité bretonne, en France et dans le monde qui sauvera notre culture. Si les élus épousent les valeurs du système jacobin et du point d’interrogation, le peuple breton, lui ne doute pas.
Douter de notre identité bretonne, serait douter de l’humanité.
L’ouverture à l’Autre est fondamentale dans le monde d’aujourd’hui traversé de guerres et de migrations économiques et climatiques. J’ai longuement traité du sujet dans un ouvrage paru en 2012 : « La désunion français . Essai sur l’altérité au sein de la république ».
Ce qui nous ouvre aux autres, c’est la prise de conscience claire de ce que nous sommes et de ce que nous partageons encore en qualité de breton. Un peuple conscient de lui-même intègre les gens venus d’ailleurs, lorsqu’un peuple en voie de dislocation n’en a plus le ressort. C’est tout l’enjeu de l’accueil des populations qui viennent s’établir en Bretagne aujourd’hui.
Chassons ce point d’interrogation.
Il faut chasser ce point d’interrogation de notre esprit et le ranger parmi les outils de domination du jacobinisme en plein renouveau aujourd’hui avec les succès de la NUPES. Les jacobins avancent sans complexe pour bouter et salir tout ce que nous possédons d’identité dérogatoire. Ils salissent même le Gwenn ha Du, si cher au cœur des Bretons. Les administrations, les Universités comme les instances culturelles en Bretagne sont peuplées de gens, souvent venus d’ailleurs, qui ne connaissent rien à notre Histoire et qui ne peuvent supporter une identité qui soit différente de la leur.
Regardons cette idéologie jacobine droit dans les yeux et renvoyons là à sa véritable nature, celle de la déshumanisation dont nous avons tellement souffert en Bretagne et ailleurs.
Quant aux élites de pouvoir, renvoyons-les à leurs belles affaires. Le système jacobin a encore besoin d’eux.