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Le Cheval d’Orgueil vs Le Cheval Couché : un duel littéraire au cœur de l’âme bretonne
Le Cheval d’Orgueil vs Le Cheval Couché
Dans la riche littérature bretonne du XXe siècle, deux œuvres majeures se répondent comme un écho tendu entre traditions et révolte. Le Cheval d’Orgueil de Per-Jakez Hélias, paru en 1975, est un hymne à la Bretagne paysanne, à ses racines et à sa fierté.
Trois ans plus tard, en 1978, Xavier Grall publie Le Cheval Couché, une réponse frontale et poétique, profondément critique, dénonçant une certaine résignation culturelle. Ces deux livres, devenus emblématiques, incarnent deux visions contrastées de la Bretagne.
Retour sur un duel littéraire aussi breton que passionné.
Per-Jakez Hélias : le chantre de la Bretagne paysanne
Per-Jakez Hélias (1914-1995) est une figure centrale de la culture bretonne. Originaire de Pouldreuzig, dans le Finistère, il est à la fois écrivain, conteur, homme de théâtre et militant de la langue bretonne. Son œuvre est marquée par une volonté de transmettre l’héritage d’un monde rural en voie de disparition, avec tendresse, précision et sens du détail.
Paru en 1975, Le Cheval d’Orgueil est un récit autobiographique qui décrit son enfance dans la Basse-Bretagne de l’entre-deux-guerres. Ce livre devenu culte est un témoignage puissant de la Bretagne brittophone, ancrée dans le catholicisme, le travail de la terre, la langue bretonne et les traditions séculaires. Il met en lumière l’attachement viscéral d’un peuple à sa terre et à sa dignité, malgré la pauvreté et les souffrances.

Xavier Grall : le poète insurgé de l’âme bretonne
Xavier Grall (1930-1981), originaire de Landivizio, est journaliste, poète, romancier et militant indépendantiste breton. Marqué par l’exil et le retour au pays, il incarne une Bretagne insurgée, mystique et fiévreuse. Collaborateur au journal La Vie, il s’engage ensuite dans la défense de la cause bretonne aux côtés de Glenmor et Alan Stivell, notamment à travers les pages de La Nation bretonne.
Le Cheval Couché est une charge littéraire intense contre ce qu’il considère comme une Bretagne courbée, soumise et résignée. Il vise directement Le Cheval d’Orgueil, qu’il qualifie de « livre de domestiqué ». Pour Xavier Grall, la Bretagne de Per-Jakez Hélias, trop respectueuse de l’ordre établi, trop catholique, trop silencieuse, oublie la colère, l’élan, la révolte. Il appelle de ses vœux une Bretagne debout, poétique, indomptable.

Le Cheval d’Orgueil vs Le Cheval Couché : deux chevaux, deux Bretagnes
Le cheval devient dans les deux titres une métaphore de la Bretagne elle-même.
Pour Per-Jakez Hélias, c’est le cheval d’orgueil, noble, droit, qui marche dans les pas de ses ancêtres, fier de sa pauvreté et de sa langue. Pour Xavier Grall, c’est le cheval couché, brisé, domestiqué, allégorie d’un peuple qui a perdu sa fierté et son feu.
Un style littéraire opposé
- Per-Jakez Hélias adopte un ton sobre, narratif, souvent didactique. Son livre est une chronique patiente, qui cherche à conserver une mémoire, à transmettre sans violence.
- Xavier Grall, lui, écrit dans un style lyrique, flamboyant, souvent emporté. Le Cheval Couché est une œuvre de colère, un pamphlet poétique, un cri d’amour et de rage mêlés.
Deux postures face à la modernité
- Per-Jakez Hélias décrit une Bretagne en voie de disparition, mais ne milite pas pour son retour. Il enregistre, comme un ethnologue affectueux, une société en mutation.
- Xavier Grall, au contraire, appelle à une renaissance bretonne, une insurrection poétique, une reconquête identitaire. Il veut réveiller la Bretagne, non la pleurer.
La question de la langue
- Curieusement, bien que tous deux fervents brittophones, ni l’un ni l’autre n’écrit leurs chefs-d’œuvre en breton. Cela a souvent été reproché à Hélias, accusé de folkloriser la Bretagne pour un lectorat français.
- Xavier Grall, bien qu’écrivant aussi en français, défend une langue bretonne vivante, combat pour son enseignement et son usage dans la vie publique.
Le Cheval d’Orgueil vs Le Cheval Couché : une confrontation fondatrice pour la Bretagne contemporaine
Ce dialogue littéraire indirect entre Hélias et Grall a marqué durablement le débat culturel en Bretagne.
Il oppose deux générations, deux visions du monde, deux attitudes face à la mémoire et à l’avenir.
Mais loin d’être incompatibles, Le Cheval d’Orgueil et Le Cheval Couché se complètent comme deux pôles nécessaires :
- L’un transmet un héritage.
- L’autre refuse l’enterrement de la Bretagne vivante.
La Bretagne d’aujourd’hui, entre traditions et revendications modernes, avec langue bretonne et ouverture au monde, est héritière de ces deux visions. On retrouve chez nombre de militants culturels, d’artistes ou de journalistes, cette double inspiration : la fidélité au passé, le loyalisme; et l’appel à la Liberté et à l’indépendance.
Il faut lire ces deux ouvrages essentiels pour mieux comprendre la Bretagne
Lire Le Cheval d’Orgueil et Le Cheval Couché, c’est plonger dans les entrailles de l’âme bretonne. Ces deux livres sont essentiels pour quiconque cherche à comprendre les tensions identitaires, culturelles et politiques qui traversent la Bretagne depuis un siècle.
Chez Per-Jakez Hélias, la mémoire est un trésor à conserver.
Chez Xavier Grall, la mémoire est un foyer qu’il faut rallumer.
Et si la vraie Bretagne était faite de cette tension, de ce débat passionné entre deux voix qui, au fond, disent la même chose :
la Bretagne est vivante, et elle vaut qu’on se batte pour elle.
Le Cheval d’Orgueil vs Le Cheval Couché : lequel est votre préféré ?
1 commentaire
Hélias a aussi écrit en breton.