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Bonjour et bienvenue après quelques semaines d’interruption.
Nous avions laissé Nominoë aux portes du Mans avant d’opérer un vaste retour en arrière pour connaître le socle culturel et historique des Bretons.
Alors on le sait, les Bretons sont originaires des îles Britanniques, et ils ont fusionné avec les Armoricains, autres peuples dont ils étaient très proches.
Dans l’épisode d’aujourd’hui nous allons clore le débat et comprendre comment a évolué la société bretonne entre l’Antiquité et le Moyen Âge. Puis nous allons découvrir le fantastique rayonnement de l’abbaye de Landevenneg. Enfin un scoop : on en sait plus sur les origines de Nominoë.
Alors bon visionnage !
A partir du troisième siècle après Jésus-Christ les bagaudes, les révoltes paysannes contre l’établissement romain vont déstructurer complètement la société. Les nobles, les nantis, les gros propriétaires, vont se regrouper dans les villes; et dans les campagnes les gens vont être livrés à eux-mêmes.
Ainsi la société gallo-romaine va s’effondrer, et on va voir une régression considérable des communautés rurales qui vont s’installer dans les ruines de la société gallo-romaine. Puis vont subsister avec une économie autarcique qui va se limiter à ce qu’ils savent faire. C’est à dire que dans des endroits on va même perdre les usages du fer. Puisqu’on va voir réapparaître des araires avec des socles en pierre. Les Armoricains suite à ces destructions, redécouvrent en quelque sorte leur passé qui a été voilé par l’occupation romaine.
Notamment les noms des villes sont repris.
Ensuite il va falloir attendre les premières immigrations bretonnes qui vont arriver à partir de la fin du IVe siècle jusqu’au VIe siècle après Jésus-Christ qui vont réorganiser le Massif Armoricain. Ils vont l’organiser en paroisses, avec les plou et les ple. Également en monastère avec les lann les lok.
Puis tous ces gens-là, accompagnés des civils qu’on appelle les machtiern, qui vont devenir des grands propriétaires fonciers. Ils vont donc entreprendre des grands défrichements. Ainsi augmentant les surfaces de culture où on va changer les modes agraires. Donc on va augmenter les productivités en froment et en orge.
Les dirigeants, les seigneurs, au lieu de faire fortune en attaquant les autres et en stockant des objets d’or, se sont aperçus que c’était beaucoup plus simple de faire fortune en exploitant les terres.
C’est l’époque … souvenons nous de notre école primaire … c’est l’époque en Gaule les « rois fainéants ».
C’est tout simplement parce que tous ces grands féodaux passaient leur vie sur leurs différents territoires. Ils étaient mobiles en quelque sorte et donnaient donc l’impression de ne rien faire.
En fait non, ils surveillaient leurs terres.
Donc en Armorique, là aussi, l’agriculture se développe et on voit se constituer en substitution des lez, ce qu’on appelle des tre. Ce qui revient au même car tre veut également dire « exploitation agricole ». Des tre on en retrouve partout partout sur toute la région armoricaine, jusqu’à la Vilaine. En fait ce sont les Bretons qui sont installées. Ils avaient du bétail, donc ils avaient de l’argent. Ainsi, ils ont pu acheter des terres. C’est un peu simpliste comme méthode mais c’est tout à fait cela.
Puis là on va commencer à voir une société qui va réussir à mettre en place une petite économie qui va évoluer jusqu’au au Xe siècle. Alors on va avoir une remontée progressive dans tout le haut Moyen-Âge. Si bien même qu’à partir du VIIIe siècle on va même sentir un essor démographique. Parce que les gens ont suffisamment de quoi se nourrir, vivre plus confortablement. Réellement un essor démographique. Donc même s’il existe une concurrence entre le clergé régulier et le clergé séculier, on peut dire que les monastères vont jouer un très grand rôle dans l’organisation du territoire et du paysage.
Quelle est l’origine de l’abbaye de Landevenneg, Jean Jacques ?
On est au Ve siècle après Jésus-Christ. Des moines viennent de Grande Bretagne vers la petite Bretagne. Ils s’installent d’abord sur la côte nord. Notamment le futur Saint Budoc près de l’île de Bréhat, sur un îlot qui s’appelle Lavret. Et autour de lui il a une cour de disciples qui sont en formation. Parmi eux Gwenole. Ce dernier va quitter son maître Budoc pour venir fonder un monastère ici près de la Presqu’île de Crozon / Gourenez Kraon .
D’abord à l’île Tudy / Enez Tudi. Puis ensuite sur le site de Landevenneg. Donc une abbaye naît en cette fin de Ve siècle et a duré jusqu’à nos jours.
Alors on dit que l’empereur Louis le Pieux a souhaité rencontrer les moines de Landevenneg ?
En effet, en 818 l’empereur Louis le Pieux, donc le fils de Charlemagne vient à Priziac / Prizieg. Donc en Bretagne centrale, pour rencontrer l’abbé de Landevenneg. Car il attachait une grande importance au contrôle de la future Bretagne. Ainsi qu’au fait que l’église installée ici soit tout à fait dans la ligne de l’église romaine.
Alors que s’est-il passé à cette rencontre ?
Il y a certainement eu une négociation pour que les moines de l’abbaye de Landevenneg adoptent la règle carolingienne pratiquée ailleurs. Finalement il n’y a pas eu accord et les moines ont certainement dû continuer les pratiques qu’ils avaient avant.
L‘abbaye de Landevenneg va être financé par les Carolingiens qui y voient un lieu de grand prestige. Puis elle va d’autre part être financés par le Roi de Bretagne.
Cette abbaye devient donc une sorte de phare commun entre l’Empire et la Bretagne.
N’y avait-il pas de concurrence entre Landevenneg et Redon par exemple ?
Non Landevenneg « jouait en première division ». C’était vraiment le phare européen et l’abbaye de Redon avait son importance. Surtout au sein du Duché de Bretagne, du Royaume de Bretagne. Donc il y avait une différence d’échelle. Puis aussi une complémentarité. Parce qu’ils suivaient finalement les mêmes règles, et il est forcément des moines de l’une qui allaient dans l’autre et réciproquement.
Donc vous dites que Landevenneg avait vraiment un niveau européen, il y a des choses qui l’attestent ?
Bien sûr. Il y a les ruines et ce qu’on a pu trouver dans les ruines. Puis des parchemins et des manuscrits. Par contre donc cette abbaye a eu à faire aux Vikings qui savaient qu’elle était prestigieuse. Donc pour abattre la puissance franque et la puissance bretonne, ils n’ont pas manqué de la détruire, à dessein. Pas seulement pour faire un butin, mais aussi pour briser ce symbole de puissance
Là, nous sommes au choeur de l’abbaye de Landevenneg.
Elle fut détruite au moins à deux reprises et elle a subit beaucoup de tribulations cette abbaye.
Il est important peut-être de fixer l’importance de l’abbaye de Landevenneg par rapport à la langue bretonne.Également par rapport à l’actuelle Loire Atlantique.
En effet l’abbaye de Landevenneg a eu un grand rayonnement. Elle a été traditionnellement attachée à la couronne bretonne. Et cette couronne bretonne a eu beaucoup de possession dans le pays nantais. Notamment en presqu’île guérandaise. Donc ça a donné beaucoup de noms de lieux qui sont d’origine bretonne dans le pays de Guérande / Gwenrann. Jusqu’à 35% dans le pays de Saint de Sant Nazer. Contre 7% seulement en pays de Saint Brieuc / Sant Brieg. Ainsi le pays nantais prolonge totalement la Bretagne avec ses contrastes. Comme des îlots de langue gallo-romaine, futur gallo; et des îlots brittophones. Parfois très compacts et très importants comme en presqu’île guérandaise.
Derrière nous Saint Gwenole.
Que sait-on de lui ?
Saint Gwenole, abbé de Landevenneg a été très honoré après sa mort dans le pays de Guérande / Gwenrann où une église porte son nom.
Nous voici à côté de Priziac / Prizieg, en plein coeur du pays du Roi Morvan, au niveau de Pont Tournant.
Pourquoi cet endroit ? Parce qu’il correspond bien à la description qu’on fait les Francs de l’endroit où se tenait la forteresse du Roi Morvan. Une butte avec des arbres près duquel glisse un plan d’eau. En outre, il faut savoir que le Roi Morvan est le premier à avoir sonné la révolte des Bretons unifiés contre l’empire de Charlemagne. Ensuite, selon les travaux des derniers historiens, notamment ceux de Joëlle QUAGHEBEUR, chercheuse au CNRS, Nominoë ne serait autre que le fils du Roi Morvan.
Alors pour en savoir plus je vous propose de rejoindre Jean Jacques MONNIER.
En effet, on sait que Nominoë a été implanté dans le centre Bretagne. Également dans le Vannetais. Maintenant on pense qu’il est le fils du roi Murman / Morvan. Donc le premier roi qui a exercer sa souveraineté sur une bonne partie de la Bretagne. Et ce roi Murman a été tué en 818 à Priziac, ou autour de Prizieg, après sa défaite face au Francs. Donc, c’est assez étrange de voir donc le fils d’un roi assassiné arriver dignitaires au sein de la cour de l’empereur à Aix la Chapelle. Puis ensuite pour reprendre le pouvoir en Bretagne. Un pouvoir un complet puisqu’il est roi en totalité avec tous les pouvoirs d’un roi.
C’est une stratégie hasardeuse de prendre le fils de son ennemi pour l’amener à la cour ?
Il s’agit d’une habilité politique je pense, de prendre le chef des révoltés des plus difficiles à mater, et de le conserver à la cour comme grand dignitaire. Et de lui donner le pouvoir sur le peuple qu’il l’administre habituellement.
Ainsi on peut dire que Nominoë est à la foi Roi des Bretons, et en même temps envoyé de l’Empereur en Bretagne pour l’administrer.
Peut-on imaginer que Nominoë ait eu une éducation franque ?
Il a pu avoir la double éducation évidemment comme il séjournait aussi longuement en Bretagne où les Francs étaient très minoritaires. Donc c’était sûrement un mélange culturel. Mais on voit les grands de ce monde de l’époque communiquer en latin. Souvent le latin, langue de l’église, sert à la fois aux abbayes et aux différents souverains.
Après la disparition de Louis le Pieux, Nominoë ne se serait pas senti délié de son serment ?
Sûrement. Il y a eu un « deal », si on peut dire, entre Nominoé et l’empereur Louis le Pieux. Mais après la mort de Louis le Pieux, Nominoë se sent délié de ses engagement. Tant que Charles le Chauve est correct dans les relations avec la Bretagne, tout se passe bien. Puis quand Charles le Chauve ne respecte pas l’accord, à ce moment-là la Bretagne reprend sa totale liberté. Mais n’a cessé d’être un royaume.
Nominoë aurait-il voulu reprendre sa revanche ?
Sans doute. Surtout n’oublions quand même pas que le père de Nominoë a été tué par par la dynastie franque. Donc il est bien possible que ce soit une revanche qui a été éclatante puisque il y a eu plusieurs grandes victoires de Nominoë contre Charles le Chauve. Ce dernier n’a pas la même force que ses prédécesseurs. D’autre part il est nettement plus agressif.
Donc la Bretagne se retrouve totalement libre de son action politique. Et elle la gagne d’ailleurs cette liberté en infligeant des déroutes aux Francs.
Avec la participation de Yannick LECERF, Archéologue; de Jean DANZE, Auteur; de Jean Jacques MONNIER, Historien.
1 commentaire
Je vous propose un lien sur l’histoire du peuple Breton de Maurice Duhamel car il aborde sous un autre œil cette période .
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_147/Histoire_du_Peuple_Breton__.pdf