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Ni Français Ni Breton Malouin suis!
Quand, étudiant, je sillonnais la fameuse Rue de la soif à Saint Malo, je ne portais qu’une attention amusée à la devise qui était entonnée par mes amis fêtards de la Cité Corsaire : « Ni Français, Ni Breton, Malouin suis » !
Je me gaussais bien de cette faconde rieuse et je pouvais comprendre le « Ni Français » dans une empreinte d’affranchis libertaires mais le « Ni Breton » me heurtait un peu … une plaisanterie légère et grivoise sans doute.
Dans la presse de ce 14 octobre…
… Je lis, complètement médusé, que le Groupe Timac Agro soutient Hectar, le projet d’école à vocation agricole de Xavier Niel … 2000 « entrepreneurs agriculteurs de demain » devraient sortir, tous les ans, de ce concept de néo-formation sans doute issu du modèle ultra-libéral de l’Ecole 42, école du numérique déjà créée par Niel, où tout le monde peut rentrer mais où chaque élève est en hyper-compétition contre son voisin.
Dans le contexte où Xavier Niel s’est déjà engagé pour le Référendum d’Initiative Partagée pour le bien-être animal, donc contre l’élevage intensif, dans la mesure où il soutient financièrement les projets de création de viande de synthèse, que doit-on attendre d’un projet de formations de jeunes agriculteurs, formés à son idéologie, qui s’intéresseront aux exploitations bretonnes qui trouveront difficilement successeurs ou acquéreurs dans les toutes prochaines années ?
Je ne connais pas bien le Groupe Timac Agro mais la magie instantanée d’internet fait le lien avec le Groupe Rouillier, mastodonte de la transformation chimique de nutriments et d’aliments pour les plantes, les animaux et les hommes, implanté sur la côte d’Emeraude.
Je ne comprends plus bien si ce groupe est Breton, Français ou Malouin …
Mais j’ai senti que le Comte Hervé Hudes de Guébriant, inspirateur du modèle démocrate-chrétien, qui deviendra le modèle breton via l’Office de Landerneau, avait dû se retourner dans sa tombe.
Hectar est un projet dangereux pour la Bretagne et pour son identité. Comme Xavier Niel en est coutumier, sous des projets qui n’affichent pas leurs réelles intentions, on constate, après son passage, comme celui d’Attila, que l’herbe ne repousse pas … A son palmarès la déstructuration du paysage des Télécom, l’inféodation de la presse au pouvoir des puissants … et tant d’autres domaines où l’esprit de « disruption », c’est-à-dire de destruction individualiste, tellement cher au concept liquide de « startup nation », est en action.
« Il ne faut pas avoir fait « Saint-Cyr » …
… comme disait ma grand-mère finistérienne pour comprendre que la disruption finale des chantres ultra-libéraux et mondialistes est l’attaque à l’ancrage et à l’identité : la dépossession ultime des racines, de l’attachement à un territoire, à une vision collective et partagée … une vision tellement ringarde, en somme …. La tentation du déracinement et de la dépossession pour fournir au système, qui ne cherche que mobilité et fluidité, des individus nomades, « libres » de tous liens.
Ce projet n’est pas enviable, désirable ou souhaitable.
Je pense même exactement le contraire et, en bon Breton, je pense qu’il doit être combattu.
L’ancrage, c’est la terre ….
L’appartenance à la terre où les racines profondes se nourrissent d’influences millénaires qui grandissent les individus.
La Terre de Bretagne, je n’insisterai pas sur ce sujet car je n’arrive pas à la semelle des penseurs de ce pays, est une terre mystérieuse et mystique. Qui sait qu’entre le Menez-Hom et le Calvaire de Saint Hubert à Kast se cachent les dimensions de la Terre, de la Lune et du Soleil ? Traces d’une connaissance où l’homme primitif a compris le lien qui l’unissait à la Terre et au Ciel. Fondement initial qui fait de lui un homme accompli, capable d’influencer l’Univers.
« Bretagne est Univers » disait d’ailleurs le si grand poète camarétois St Pol Roux.
Il faut bien comprendre la portée de cette vision dans les vers du Mage qui écrivait aussi qu’« Ici, il avait découvert la Vérité du Monde ».
Aucun système économique n’est plus grand que cet espoir, peut-être même que cette révélation.
Timac Agro est un groupe Malouin et à ce titre, est-il Breton ?
Les entrepreneurs de la côte d’Émeraude, le Groupe Beaumanoir, Les Laboratoires Coudray, le Groupe hôtelier Ferré, si proches de Rennes où on retrouve d’autres puissances économiques telles que le Groupe Le Duff, le Groupe Samsic, comprennent-ils la rupture qui est en train de se construire entre le quatrième périphérique de Paris et une Bretagne plus occidentale qui voit l’étiolement progressif de ses positions ?
Le comprennent-ils …
Ou ce « Ni Breton » de leur devise les place-t-il dans une logique propre qui les désolidarise d’un destin rêvé longtemps par l’Institut de Locarn ou par le Club des Trente où la figure tutélaire, influente de Patrick Lelay, disparu en mars 2020, en pleine crise Covid, ne brille malheureusement plus. Quoiqu’on en pense, cette disparition est terrible dans un moment où il faut penser transformation du modèle breton si on ne veut pas connaitre sa totale destruction ?
Jeune entrepreneur finistérien dans le domaine du numérique, installé en 2013, tout juste après l’épisode des Bonnets Rouges, je n’ose pas y croire.
Pourtant, il y a des signes qui inquiètent.
J’ai déjà dénoncé le fait que le projet French Tech de Kemper, Brest, Morlaix / Montroulez, Lannion / Lannuon n’avait pas eu accès aux financements qui lui étaient promis et qui roulent plus facilement vers Rennes / Roazhon et Nantes / Naoned, quand ce n’est pas vers Caen ou Bayonne.
Dans un moment où la transition numérique est tellement cruciale, c’est dramatique pour le territoire de ces quatre villes.
Mais quelle est la logique derrière tout cela ?
Je ne sais pas mais il y a un point de convergence entre toutes ces positions.
Il est clair, il est massif, il est évident. Il s’appelle le modèle mutualiste breton ou le pacte mixte entre les dirigeants et les masses populaires travailleuses. Un contrat original et ambitieux qui n’a jamais paru si important à consolider qu’en cette période agitée où s’opère une déchirure définitive entre élites et « ceux qui n’ont rien ».
Derrière les Groupes Malouins ou Rennais, ne serait-ce que par qu’ils participent au Fond de dotation « Bretagne Atlantique Ambition », il y a, entre autre, le CMB-Arkéa, Crédit Mutuel de Bretagne, émanation des ambitions partagées de l’Office Central de Landerneau, dès 1911, dont le siège est basé à Brest, Finistère.
Cette semaine, nous avons aussi lu dans la presse que le Rennais Roulleau investissait dans un important négociant de vin en Gironde.
Nous lisions aussi, il y a quelques jours, que la nouvelle présidence de CMB-Arkéa avait un peu maille à partir avec son ex-président qui discutait un « départ-restant » pour diriger la nouvelle filiale vinicole et bordelaise du groupe bancaire.
Comme toujours en Bretagne, tout est lecture et compréhension des contrastes. Si tout ceci n’est que l’exploitation d’un marche pied finistérien pour assoir des positions très personnelles, ça ne colle pas avec l’esprit de la Terre du pays breton et ça ne tiendra pas.
Si c’est une collaboration qui porte les idées d’un tous gagnants contre les vents contraires, là nous sommes dans ce que nous portons profondément.
Comme le projet Hectar n’est pas contrôlé par une gouvernance mutualiste bretonne, sœur de ses ainées historiques, il n’est pas bon pour l’avenir de la Bretagne.
Nous devons nous organiser pour construire une alternative que nous maîtriserons comme on maîtrise son destin.
2 commentaires
Je répète , trop souvent sans doute, que ce qui est important pour pour chacun de nous, c’est ce qui se passe là où il vit. La puissante personnalité bretonne, historiquement celtique Européenne, reste ancrée dans la géographie penn ar Bed, qui n’a empêché aucun Breton d’aller voir ailleurs de quelle manière l’herbe y est verte, sans forcément oublier ses sources propres. Quand Saint Pol Roux dit « Bretagne est univers », il dit que chaque individualité a quelque chose de Breton en elle. Nous sommes de Terre et de mer, de sable et de ressac, roc et douceur, vent et marée, d’infini face au grand large, de tendre abri dans les replis de terrain ou de rias secrètes. Nous sommes des Terriens appelés par le mouvement rond de la Terre à explorer tous les mondes. Le danger c’est, comme d’habitude, la mort nichée dans l’oubli de ses sources vitales, géographie-source qui façonne les corps et les âmes de manière personnalisée, construisant obstinément langue, langues, histoire, innovations, jusqu’à l’universel. L’époque actuelle est sur la pente d’avoir à passer du local au général, du particulier à l’universel, sans oublier quelle source alimente chacun en charge d’apporter sa pierre à l’édifice, mondialisé désormais, qui veut aller dans le sens du triomphe de la vie. Nous y trouverons tous notre compte si nous sommes dans la vérité de nos lignées, assez forts pour savoir que l’exil, le nomadisme, le métissage sont des adaptations indispensables en cas de nécessité. Soyons rassurés. Notre géographie est le coffre-fort de nos ressources historiques, de notre héritage. Et c’est vrai pour chaque peuple de la Terre. Cette géographie ne disparaitra qu’avec la fin du monde.
Xavier Niel est une merde, point final. Ces gens tel que lui sont des destructeurs de cultures, de racines, et j’en passe. Ils sont le fruit de ce microcosme bourgeois parisien qui gangrène non seulement la Bretagne, mais la France entière.